C’est en fin d’année dernière en catimini que le Parlement a voté la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 qui fait disparaître le statut d’ayant droit. Le décret d’application est tombé cet été. Une nouvelle manière de mettre en échec la réalité de la cellule familiale comme élément de base de la société, tout en instituant une nouvelle taxe.
Depuis le 1er janvier 2016, avec l’entrée en vigueur de la Protection universelle maladie (PUMa) qui fait bénéficier tout adulte régulièrement en France de l’assurance maladie, la loi a voulu supprimer les difficultés qui pouvaient surgir lors d’un changement de statut, d’une perte d’emploi, d’un déménagement, d’un divorce, d’une séparation, d’un veuvage. Plus question de perdre le « droit à la sécu » ou d’avoir à réclamer la couverture maladie universelle, qui a disparu avec la nouvelle loi : il suffira de vivre de manière habituelle en France depuis trois mois au moins, en tant que demandeur d’asile par exemple. Alors de quoi se plaint-on ?
Destruction programmée
Avant la loi, les personnes sans profession « dépendaient » de l’époux ou de l’épouse, du proche, qui travaillait et cotisait. On se souviendra des polémiques qui eurent lieu lorsqu’on prétendit étendre le statut d’ayant droit aux concubins, aux personnes « à la charge réelle et affective » de l’assuré, puis au partenaire homosexuel… C’était au temps où le statut d’ayant droit lui-même pouvait remplir un office dans la destruction de la famille.
Aujourd’hui, tout cela étant entré dans les mœurs, on passe à autre chose. La réforme a été faite au nom de l’« autonomie » et de la « confidentialité ». Évoquer… non, simplement suggérer qu’il y ait une « dépendance » d’un citoyen majeur à l’égard d’un autre citoyen majeur est déjà insupportable. Et puis le domaine de la santé, qui touche de si près aux choix moraux, est en soi sensible. Une femme assurée à titre personnel peut plus tranquillement gérer son accès à la contraception, voire à l’avortement, si son assurance et ses remboursements lui appartiennent en propre.
Dans le même temps, au lieu que le soutien de famille apporte grâce au fruit de son travail l’accès à l’assurance maladie à celle qu’il aime (car on parle le plus souvent d’un mari qui travaille et d’une femme au foyer), ce sera au titre de la solidarité universelle que la protection sociale de la personne sans revenus sera assurée. Voici l’État-papa : il apporte les moyens de vivre et s’ingère dans la famille pour mieux la dominer, au détriment de l’autorité du chef de famille, notion surannée quelque peu. Par le jeu de la PUMa, voici les individus seuls face à l’État : tant pis pour la réalité concrète de la vie au foyer. Cette même logique aboutira sans doute un jour à faire exploser la notion de foyer fiscal. Chacun pour soi ! Les Pays-Bas n’ont-ils pas déjà supprimé le principe des pensions de réversion de base en cas de veuvage, au motif que la plupart des femmes travaillent ?
De nouvelles taxes
D’emblée il était prévu par la loi que les ex-ayants droit pourraient avoir à financer leur « propre » assurance maladie. Avec le décret du 19 juillet 2016, c’est chose faite : tout assuré qui n’est ni à la retraite, ni au chômage, et qui ne cotise pas au titre de son activité professionnelle, devra une taxe de 8 % sur tous ses revenus du capital (rentes, dividendes, mais aussi loyers perçus…) supérieurs à 9 611 € pour 2016. Même si ce sont ceux de son conjoint, si le mariage est sous le régime de la communauté de biens ! Cette taxe s’ajoute aux prélèvements sociaux de 15,5 % déjà prélevés sur ces revenus, pour financer « la sécu ». Qui n’hésitera donc pas à se servir deux fois, sans améliorer pour autant les remboursements de l’ex-ayant droit. Cela fait dire à « Contribuables associés » qu’il s’agit d’une nouvelle cotisation « sans aucun droit supplémentaire et sans aucune contrepartie » : « Elle vise avant tout les familles, spécialement celles qui ont choisi d’avoir des enfants et décidé pour cela de valoriser le rôle de mère au foyer. » Seuls les enfants sont encore ayants droit, tant que cela durera.
En Europe occidentale, les Pays-Bas ont adopté un régime similaire. Là-bas, chacun paie qu’il travaille ou non. Alors que nous sommes tous dans un régime de « socialisme de marché », c’est somme toute dans le (dés)ordre des choses.