La pause liturgie | Alléluia « Ego sum Pastor » du 2e dimanche de Pâques

Publié le 23 Avr 2021
La pause liturgie | Alléluia "Ego sum Pastor" du 2e dimanche de Pâques L'Homme Nouveau

« Alléluia ! Je suis le bon Pasteur, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, Alleluia ! »

Commentaire spirituel

Il s’agit d’un de ces alléluia du temps Pascal, si expressifs. Le mystère de la vie triomphante imprègne ces mélodies d’une paix absolue et d’une joie parfaitement maîtrisée. Il y a là, dans ces pièces, une véritable inspiration de génie. Le triomphe pascal descend du ciel sur la terre plus qu’il ne monte de la terre vers le ciel. La paix vient d’en haut, d’un lieu où il n’y a pas de lutte, pas de combat, où le chant victorieux n’a pas besoin de s’imposer en force. On est dans le port qui enserre le vaisseau dans ses bras protecteurs, les eaux sont tranquilles, c’est le calme de l’éternité après le déchaînement de l’histoire et le déferlement de la violence, de la souffrance et de la mort. Il y a donc bien un triomphe, mais il est goûté davantage encore à l’abri, dans l’intimité de l’amour, que dans l’acte même de la victoire. C’est ainsi que le Christ communique sa paix à l’Église, et les alléluia du Temps Pascal sont une expression privilégiée de ce don. Pensons à la douceur de la rencontre entre le Christ et sa Mère, rencontre qu’aucun langage humain ne pouvait relater. Jamais peut-être, au cours de l’année liturgique, l’Église ne sent davantage le ciel présent et opérant sur la terre que durant le Temps Pascal, et cette impression se perçoit tout spécialement quand elle chante ces alléluia merveilleux.

Ici, cet alléluia, très bref et très sobre dans son texte, se déploie sur une mélodie grégorienne qui détaille et embellit chaque mot. Il s’agit d’un premier mode, le mode de la paix, de la sérénité. Le texte de cet alléluia est tiré de l’Évangile selon saint Jean, chapitre 10.

« Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante. Je suis le bon pasteur ; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le mercenaire, qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse les brebis et s’enfuit, et le loup s’en empare et les disperse. C’est qu’il est mercenaire et ne se soucie pas des brebis. Je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos ; celles-là aussi, il faut que je les mène ; elles écouteront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur ; c’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l’enlève ; mais je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et j’ai pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

Texte magnifique qui nous assure de la miséricorde et de la sollicitude divine, inlassable, jusqu’au-boutiste. Cette miséricorde et cette sollicitude, l’unique pasteur qui est Jésus les a transmises aux pasteurs qu’il s’est choisi et auxquels il a confié la mission de paître le troupeau. Comment ne pas repenser aux toutes premières paroles de Jean-Paul II dès son avènement : « N’ayez pas peur », paroles évangéliques qui ont continué de résonner dans nos cœurs tout au long de ce long pontificat, le plus long de l’histoire après celui de saint Pierre et du bienheureux Pie IX. Et bien on sent la même confiance qui règne dans le chant que nous commentons. Le pasteur est plein de la force de son amour, il n’hésitera pas à donner sa vie pour ses brebis, elles sont dès lors en sécurité. Quand Jésus dit Ego sum, je suis, c’est à prendre au sens fort : il est, il est éternel, il est indéfectible. S’il est le Pasteur, il n’est pas un pasteur temporaire, même s’il meurt pour son troupeau, ce qu’il a fait, sa mort elle-même est source de vie pour les brebis. Il est la Vie, et la Vie aura toujours le dernier mot sur la mort et les puissances du mal qui semblent si prédominantes de nos jours, mais à un regard superficiel. La vie est plus cachée que la mort, le bien est plus discret que la mort, mais il est plus puissant, il n’a pas besoin du mal pour s’expliquer alors que le mal, lui ne peut s’expliquer sans le bien qu’il combat.

Ego sum pastor 1(1)

Commentaire musical

Penchons nous sur cette mélodie qui nous établit dans la sérénité des pâturages de l’éternité. L’alléluia, depuis l’intonation, se déroule tout entier dans la quinte Ré la, c’est-à-dire qu’il se campe entre la tonique du premier mode et sa dominante. Il n’outrepasse ces limites qu’une fois à l’aigu, sur le Si bémol si expressif, si doux, et trois fois au grave, sur le Do qui apporte sa contribution de solidité (c’est la sous-tonique, une corde ferme et sûre). Et ce thème mélodique va se retrouver tout au long de la pièce qui est parfaitement unie au plan modal. Les cadences se posent tantôt sur la tonique Ré, dans la paix et la certitude (par exemple Ego sum ou Pastor bonus ou encore oves meas), et tantôt sur la dominante La, dans l’admiration et l’action de grâce pour un amour si manifeste et si tendre (par exemple sur cognosco ou cognoscunt me).

Remarquons d’ailleurs que le mot connaître, dans le langage biblique, signifie une connaissance intime. Le verbe connaître désigne notamment l’amour conjugal. Ici, il s’agit de la connaissance du pasteur qui est aussi le créateur des brebis, donc une connaissance totale. Quand Jésus dit qu’il connaît ses brebis, cela veut dire qu’il les tient littéralement dans les entrailles de sa miséricorde, qu’il les aime, et on sent tellement cette puissance d’amour et de tendresse dans la montée mélodique quasiment identique qui orne les deux mots connaître. La suite du texte, non cité dans notre alléluia le montre d’ailleurs on ne peut mieux : « Comme le Père me connaît et que je connais le Père, et je donne ma vie pour mes brebis ». La connaissance du Père, c’est un abîme et un abîme d’amour. Le Père et le Fils n’ont qu’une seule vie, qu’un seul cœur, et le Pasteur invite ses brebis dans cette intimité éternelle. Le premier mode est vraiment mis ici en pleine lumière : on est dans la joie profonde, dans la paix inaltérable, dans la douceur. C’est le chant du Christ, mais mis en musique par l’Église, par l’épouse et on sent presque une tendresse conjugale dans ses quelques lignes mélodiques. Regardez comme sur Ego sum, le pasteur ou l’époux semble se pencher sur ses brebis ou son épouse. On part du La, à l’aigu et on atteint le Ré au grave, mélodie si expressive de la condescendance de Dieu qui s’est incarné par amour pour nous. Et ensuite, comme je vous l’ai dit, la mélodie ne cesse d’aller et venir, entre ce sommet (La) qui représente le ciel, et la note grave (Ré) qui représente la terre. Les brebis sont surélevées par la connaissance de leur pasteur, jusqu’à cette intimité toute divine qui unit le Pasteur à son Père. Les brebis sont au ciel, comme en extase, dans ce chant, et le pasteur les dépose avec beaucoup de douceur sur la terre où elles ont à vivre, mais dans la certitude d’être aimées et sauvées. Jésus a montré son amour sur la croix, il a montré sa puissance en ressuscitant d’entre les morts. Tout le mystère pascal est là et il nous est appliqué dans un tel chant.

Inutile de le préciser, après ce commentaire : un tel chant ne doit pas être chanté trop fort. C’est doux, c’est aimable, pas mièvre bien sûr, le chant grégorien n’est jamais mièvre, il est toujours viril et net et clair. Le tempo doit être assez large. Un grand légato doit animer et joindre ces vocalises. On peut noter les beaux accents au levé de Ego, de cognosco et de cognoscunt, et au contraire des accents au posé, bien nets, sur pastor, bonus, oves, meas. Je note aussi au plan du tempo, un léger accelerando sur les mots cognosco et cognoscunt, dont les formules mélodiques sont identiques. Il y a une nuance d’enthousiasme dans cette connaissance divine qui emporte les brebis dans l’intimité du ciel. Et il y a une autre nuance, cette fois de largeur et de tendresse, sur les deux mots meas et meae, ces possessifs traités tous les deux au grave dans un élargissement merveilleux.

Comment ne pas être ému par une telle mélodie. Le ciel descend sur la terre, la terre est soulevée jusqu’au ciel. C’est l’échange admirable  entre Dieu et les hommes, sous l’image pastorale si reposante du berger et de ses brebis. Une des plus anciennes représentations du Christ dans l’iconographie antique.

Vous pouvez écouter cet alleluia ici.

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