La pause liturgie | Le Christ a vaincu la mort

Publié le 09 Mai 2020
La pause liturgie | Le Christ a vaincu la mort L'Homme Nouveau

« Le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. » (Romains 6, 9)

Commentaire spirituel 

À côté des alléluias dont le texte relate uniquement le fait de la Résurrection ou celui de l’une ou l’autre des apparitions du Christ ressuscité, on trouve aussi des alléluias plus théologiques, dont le texte fournit une réflexion sur le mystère lié à cet événement. Dans les deux cas, la mélodie prolonge le texte et le fait résonner et fructifier dans les âmes. L’alléluia de ce dimanche, comme celui du dimanche de Pâques, Pascha nostrum, se range nettement dans la seconde catégorie, celle des alléluias théologiques. Il est emprunté à la grande épître de saint Paul aux Romains, et plus particulièrement à la section qui traite de la justification par la foi et des rapports entre la loi mosaïque et la grâce, donnée par Jésus-Christ, comme entre les deux Adam, le premier qui nous a donné la mort et le second qui nous rend la vie par sa propre mort. « Comme en effet par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera-t-elle constituée juste. La Loi, elle, est intervenue pour que se multipliât la faute; mais où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé. » Ces textes pauliniens sont denses, mais le compositeur en a extrait un passage qui est limpide et simple et en même temps central : « Le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. » Message plein de certitude et aussi plein d’espérance car il ne concerne pas seulement le Christ mais également chacun et chacune d’entre nous. Ce qui définit le chrétien, c’est d’être incorporé au Christ. Cela se réalise essentiellement par la foi et par l’amour qui traduit en actes cette foi. Moyennant cette incorporation, cette appartenance de notre être à l’être du Seigneur, nous participons réellement, en réalité et en espérance, à toutes ses prérogatives qui sont celles de la Vie éternelle. Par sa résurrection, Jésus s’est acquis et donc nous a acquis un triomphe certain sur la mort. En tant que Dieu, il n’avait nul besoin d’acquérir l’immortalité puisqu’il est éternel, mais il l’a conférée à son humanité et donc à la nôtre. Nous sommes devenus, par lui, participants de la nature divine. En lui, nous avons donc déjà vaincu la mort, elle n’exerce plus sur nous le pouvoir absolu qu’elle avait acquis du péché du premier Adam et qu’elle aurait gardé si le Christ n’était pas venu nous sauver.

Le mystère, le paradoxe, c’est que cet empire sur la mort, le Christ l’a exercé en mourant, dans sa propre mort. Mais c’est là précisément qu’éclate sa puissance et c’est là aussi que peut éclater notre espérance. On n’a jamais vu un combattant triompher en succombant. C’est pour nous une contradiction, mais la mort est une contradiction. En mourant sur la croix, le Christ a vaincu la mort et c’est pour cela que son triomphe est total. Jésus est mort, mort pour nous, et cette mort précieuse entre toutes, c’est la mort de celui qui est la Vie. Donc cette mort, c’est la mort de la mort elle-même : la mort a été confrontée à la vie et elle a été ensevelie dans celui qui est la Vie. Le cancer meurt avec celui qu’il a rongé, il n’existe plus quand il n’a plus de bien à entamer, il se perd dans sa propre mort. Le mal absolu n’existe pas, il ne peut pas exister, ce serait un non sens. Le mal a toujours besoin du bien pour se définir. Mais si celui que la mort consume est la Vie, alors la mort se perd dans la Vie. Le Bien absolu existe lui, sans référence aucune au mal et c’est ce que crie notre âme et notre espérance, c’est ce que chante notre alléluia : «  Le Christ une fois ressuscité des morts ne meurt plus, la mort n’exerce plus de pouvoir sur lui. » Tout notre instinct de vivre se réfugie dans celui qui est la Vie et qui a vaincu la mort. Toute notre vie sur la terre consiste à nous tenir intimement en contact avec la vraie Vie, à adhérer au Christ ressuscité, pour obtenir à notre tour de vaincre la mort et d’entrer dans la vie.

Ajoutons que la réflexion de saint Paul nous indique implicitement que le Christ, en ressuscitant, n’est pas revenu au statu quo ante, c’est-à-dire à sa condition terrestre et mortelle. Sa résurrection n’est pas comme celle de Lazare, un retour en arrière, mais au contraire une marche en avant vers une vie nouvelle, vers la vraie et éternelle vie et cela nous concerne aussi, c’est cela notre espérance.

Commentaire musical

Christus resurgens Partition

La grande mélodie de cet alléluia paisible nous redit la vérité que nous énonce saint Paul avec un calme parfait qui donne au triomphe de la résurrection son caractère de souveraineté achevée. La mort s’est montrée on ne peut plus violente dans son assaut contre le Christ, mais la Vie n’a pas besoin de violence pour s’imposer, elle rayonne d’elle-même, et son calme est la marque de sa toute puissance. Le printemps émerge presque insensiblement de la nature endormie et encore enfoncée dans le givre et les frimas de l’hiver. Pourtant sa victoire éclate de partout. C’est vraiment une belle image naturelle et créée de ce qui se passe dans les âmes, dans l’Église, au moment de la résurrection du Christ, et les compositeurs grégoriens ont bien compris cela en profondeur. La joie qui passe dans les mélodies pascales n’est pas tonitruante, elle est souveraine dans sa sérénité, elle est comme empruntée à la joie de l’autre rivage, celui de l’éternité, et elle reflue sur nous en paix, en certitude tranquille. C’est ce que l’on ressent en chantant ce merveilleux alléluia du 1er mode. Chaque mot est très développé mélodiquement, à commencer par l’alléluia lui-même dont le long jubilus est à lui tout seul déjà si expressif. Voyons en détail le comportement de la mélodie, au fil du jubilus et des deux longues phrases qui constituent le verset.

L’alléluia part de la tonique Ré du 1er mode et s’appuie sur elle et sur la sous-tonique Do, avant un premier élan très sobre qui atteint la Fa et le Sol, élan qui retombe en pente douce jusqu’au Ré, se renouvelle et redescend pour s’appuyer cette fois sur le Fa et monter jusqu’au Sib, de façon très liée et en même temps déjà très chaleureuse. On sent déjà cette poussée de joie printanière évoquée plus haut. La première cadence en Sol, amenée doucement mais aussi fermement, sert de point d’appui à l’envolée qui va suivre et qui est vraiment de toute beauté. On peut admirer cette douceur, ce legato et en même temps cette force tranquille qui se dégage de ces neumes légers, sur une mélodie qui privilégie les degrés conjoints, à une exception près en cours de vocalise, et deux autres intervalles de tierce juste avant la cadence en Do très paisible. La dernière incise du jubilus, très courte, sert de petite ponctuation et forme une belle courbe dont l’intervalle de quarte initial assure l’élan ferme avant la dernière retombée. Tout ce jubilus doit être très léger, avant comme après son sommet qui est l’unique Do aigu de la vocalise. Les variations d’intensité doivent bien suivre le flux mélodique, c’est-à-dire en crescendo jusqu’au Do aigu, puis en decrescendo jusqu’au Do grave, avec le petit sursaut final dont on vient de parler.

Le verset commence exactement comme le jubilus sur Christus, avec les mêmes intervalles et donc aussi les mêmes nuances de tempo et d’intensité. Simplement, la mélodie qui atteignait rapidement le Sib sur l’accent de l’alléluia, s’attarde davantage sur le verbe resurgens qui évoque l’acte de la résurrection. La syllabe accentuée est dotée du long mélisme léger et chaleureux qui culmine avec le Sib. De même, le jubilus de l’alléluia se prolonge presque à l’identique sur ex mortuis et met bien en valeur ce dernier mot, nous donnant l’occasion de méditer sur le mystère de notre foi qu’est la résurrection de Jésus d’entre les morts. Mortuis s’achève sur une cadence suspendue à l’aigu, sur le La, permettant au compositeur de rattraper sur les mots jam non moritur la mélodie du jubilus qu’il avait un instant abandonnée. Ces deux changements, sur resurgens et sur mortuis, outre qu’ils permettent d’éviter l’effet de répétition, confèrent à la mélodie une amplification chaleureuse qui convient bien au message enthousiaste contenu dans le texte. On peut noter, avant de conclure le commentaire de cette première phrase, l’affirmation très nette de jam non moritur, qu’il faut souligner dans l’interprétation en détachant bien ces trois mots et en mettant bien en valeur le rythme parfaitement binaire de tout ce passage. Il faut que cela sonne et donne l’impression d’une certitude absolue.

La deuxième phrase s’affranchit du jubilus dans sa première partie. L’extraordinaire mélodie qui affecte le motmors reprend par sa netteté, sa vigueur, l’expression de jam non moritur. Le double motif mélodique avec son élan constitué de deux intervalles, l’un de quarte et l’autre de tierce, et sa belle montée vers le Do, a bien un certain accent de triomphe, de fierté, de défi victorieux, accent qui vient se fondre dans la paix irrésistible de la descente par degrés conjoints composée des trois climacus, dans un parfait legato. Elle est vraiment belle cette descente toute amoureuse, toute pleine de reconnaissance, qui continue sur illi ultra, semble nous rejoindre dans notre condition de créatures misérables mais rachetées par l’amour du Seigneur manifesté dans sa propre mort. Cette descente rejoint finalement le Ré et se raccroche alors à la mélodie du jubilus à partir de non dominabitur.

Cet alléluia est riche d’expression. Il est paisible, certes, mais également vif et chaleureux, muni de bons crescendos, de beaux legato, il signifie notre foi et notre joie, il nous parle d’espérance et c’est avec un grand amour de reconnaissance envers le Christ qu’il nous faut l’interpréter.

À écouter ici. 

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