La pause liturgique l Alléluia Confitémini… et invocáte, 25e dimanche ordinaire ou 19e dimanche après la Pentecôte

Publié le 16 Sep 2021
La pause liturgique l Alléluia Confitémini... et invocáte, 25e dimanche ordinaire ou 19e dimanche après la Pentecôte L'Homme Nouveau

Alléluia ! Confessez le Seigneur, et invoquez son nom : annoncez ses œuvres parmi les nations, alléluia !
(Psaume 104, 1)

Thème spirituel

Encore un alléluia qui porte bien son beau nom de louange. Il serait erroné de dire que le texte de ce chant ne contient pas de prière de demande, mais la particularité de cette prière de demande c’est qu’elle s’adresse aux hommes et non à Dieu. C’est l’Église qui la formule et qui invite les chrétiens à proclamer leur foi à la face du monde. Texte magnifique, apostolique, évangélisateur, plein de joie et d’élan spirituel. C’est le long psaume 104 (105 selon la tradition hébraïque) qui fournit son premier verset à notre alléluia. Ce psaume historique retrace à grands traits quelques épisodes de l’histoire du Peuple de Dieu, depuis Abraham jusqu’à l’entrée dans la terre promise. Et avant de parcourir cette glorieuse fresque historique, le psalmiste invite les fidèles de Yahvé à l’action de grâce et à la louange, par une longue exhortation enthousiaste.

« Rendez grâce à Yahvé, criez son nom, annoncez parmi les peuples ses hauts faits ; chantez-le, jouez pour lui, récitez toutes ses merveilles ; tirez gloire de son nom de sainteté, joie pour les cœurs qui cherchent Yahvé ! Recherchez Yahvé et sa force, sans relâche poursuivez sa face ; rappelez-vous quelles merveilles il a faites, ses miracles et les jugements de sa bouche. »

Si de tels accents ont pu jaillir avec tant de bonheur d’une âme appartenant à l’économie de l’ancienne alliance, comment devrait s’exprimer un chrétien, au début du XXIème siècle ? Est-ce que nous prenons bien conscience que nous sommes encore infiniment plus gâtés que l’auteur de ce psaume ? Les merveilles qu’il chante et qui provoquent sa louange contagieuse sont nôtres puisque les événements historiques qui sont relatés dans ce cantique concernent l’histoire du salut, et donc notre famille spirituelle. Ils sont nôtres aussi en tant qu’ils annoncent et préfigurent d’autres exploits de Dieu, accomplis dans le Christ et beaucoup plus efficaces. Nous sommes donc, en tant que chrétiens les véritables destinataires de cette invitation à la louange. Et à ces faits historiques s’ajoutent non seulement les splendeurs du mystère de l’Incarnation rédemptrice, c’est-à-dire toute l’œuvre de Jésus-Christ notre Sauveur, sa naissance, sa vie, sa mort, sa résurrection, l’envoi de son Esprit, mais encore toutes les merveilles réalisées dans l’Église et parmi les nations, et tous les prodiges opérés dans le silence des âmes, durant plus de vingt siècles de christianisme. Pour le don de Marie, toute Sainte, Vierge et Mère de Dieu, devenue Notre-Dame, nous pouvons confesser le Seigneur et invoquer son nom ; pour la pureté idyllique des débuts de l’Église primitive, nous pouvons confesser le Seigneur et invoquer son nom ; pour tous les martyrs qui ont témoigné, au prix de leur vie terrestre, de la force de l’amour de Jésus ; pour tous les pères de l’Église et tant de docteurs qui ont illuminé l’humanité de leur réflexion sur le mystère de Dieu et de son Christ ; pour les évêques et les prêtres, pour tous les moines, les religieux, les vierges consacrées, qui ont tout donné au Seigneur, nous pouvons confesser le Seigneur et invoquer son nom ; pour tant de familles chrétiennes répandues à travers le monde et qui s’efforcent d’instaurer le royaume de Dieu dans le monde qui les entoure, vraiment nous pouvons confesser le Seigneur et invoquer son nom ; pour tous les pays que l’Évangile a irrigués et qui ont germés en fleurs et fruits de sainteté ; pour les cathédrales et les églises qui jonchent la chrétienté et rendent visible la présence de Dieu parmi les hommes, nous pouvons confesser le Seigneur et invoquer son nom, annoncer ses œuvres parmi les nations alléluia !

La louange n’est pas une option qu’on prendrait ou non en recevant le baptême. Elle fait partie de la panoplie du chrétien, bien plus elle le constitue. Avant même de commencer à vivre de la grâce du Christ, le chrétien, même nourrisson, sur le front de qui on verse l’eau du baptême est un héritier : il reçoit dans son cœur, dans son âme, toutes ces merveilles qui lui appartiennent de droit et qui l’établissent à la fois comme roi et comme serviteur.

Alors oui, la louange n’est ni une option ni même un devoir, elle est une réalité vitale. Si elle manque, elle creuse en nous un besoin. Et si elle emplit notre âme, elle n’en débordera jamais assez, car les bienfaits de Dieu qui l’habitent, selon la belle expression de saint Thomas d’Aquin, seront toujours plus grands qu’elle : quantum potes tantum aude quia major omni laude nec laudáre súfficis. Soyons simplement ce que nous sommes, des êtres de louanges, comblés de Dieu, créés et sauvés pour la joie, dès ici bas et pour l’éternité. Que tous nos actes, même les plus humbles, même les plus silencieux, même les plus répétitifs au long de nos journées, soient pénétrés de cette conscience qu’en nous c’est Dieu qui agit et continue ses merveilles. C’est le sens plénier de cet alléluia qui retentira au ciel mais que l’Église nous fait entonner sur la terre, pour convaincre le monde de la réalité de la joyeuse nouvelle qu’est Jésus.

Commentaire musical

Confiteminin Domino et invocate Partition

Pour une invitation aussi explicite et universelle à la louange, le compositeur de cet alléluia ne pouvait pas se contenter de l’habituel genre musical de l’alléluia grégorien qui nous introduit, sous une forme plutôt méditative et calme, à la proclamation de l’Évangile. Ici, il fallait un peu plus. Certes, le génie grégorien ne se départit jamais de la paix qui l’environne, et notre chant de joie ne fait pas exception ; mais on sent quand même dans cet alléluia un petit plus musical que commande le texte : une joie frémissante, un enthousiasme gracieux et juvénile, une certaine majesté aussi qui va bien avec un envoi missionnaire. Tout cela se retrouve dans ce bref alléluia emprunté au 2ème mode. Ici convient moins que jamais le qualificatif tristis qui affecte le 2ème mode dans la nomenclature traditionnelle. Ou alors il est nécessaire de traduire ce tristis par joyeux, pas moyen de faire autrement. Admettons tout simplement que le chant grégorien fait exploser tous les cadres prétendant l’enfermer. D’ailleurs, au plan de l’analyse modale, le mode de Ré (transposé à la quinte) qui correspond à l’indication de la pièce (2ème mode), s’accommode très nettement des expressions solides et fermes du mode de Sol. Cela donne un ensemble musical à la fois léger et puissant, joyeux et fort, qui épouse parfaitement le texte inspiré. Le jubilus de l’alléluia est très bref mais très expressif et le verset se compose de deux phrases mélodiques bien balancées et harmonisées entre elles. Voyons cela plus en détail :

L’intonation part du Sol, sous-tonique du 2ème mode transposé, fait entendre la tonique La puis rejoint la dominante Do, corde autour de laquelle va s’enrouler le reste de l’intonation. Les doubles Do sont des notes bien fermes, bien appuyées, les Ré et le Mi aigus apportent la légèreté et la joie. L’intonation se pose sur le Sol qui est aussi la tonique du 8ème mode. Puis, c’est l’admirable saut de l’incise suivante. Un fort appui sur le Do, et au moyen de deux tierces (Do-Mi et Mi-Sol) la mélodie est propulsée vers le sommet de toute la pièce. Un sommet très bref puisque tout aussitôt on redescend à partir du Ré, par degrés conjoints vers le La où se pose la mélodie pour finir. La brièveté de ce sommet oblige à ne pas le franchir trop vite. Le mouvement est plutôt large mais en même temps joyeux. Un beau crescendo doit être senti sur les nombreux doubles Do. La descente doit être bien régulière et très paisible. Il y a beaucoup de force et d’enthousiasme dans ce court jubilus qui est sonore tout en étant léger et calme.

Le verset commence de façon beaucoup plus légère avec son petit passage syllabique au début de Confitémini. La mélodie qui affecte cette invitation à la louange est très gracieuse, très fluide. Elle retrouve un peu plus de majesté et de retenue sur le nom du Seigneur, Dómino. L’accent de ce mot reprend le motif de l’intonation, avec son caractère fort et appuyé. Le deuxième verbe, et invocáte, un peu plus grave que le premier, fait pourtant retrouver une certaine légèreté mais moins primesautière qu’au début. Il s’agit cette fois d’une invitation à l’invocation et non plus directement à la louange. Mais il y a quand même beaucoup de grâce et de joie dans le traitement mélodique de l’accent de invocáte, avec sa descente en cascade très réussie, qui doit être bien liée et bien légère. On ne ralentit presque pas sur les mots nomen ejus en fin de phrase, même si l’on peut remarquer l’accent de tendresse qui enveloppe la belle vocalise de ejus.

Le début de la deuxième phrase nous fait reprendre du mouvement. Le petit passage syllabique qui l’inaugure, est très joyeux et cette légèreté acquise ne se dément plus tout au long de ce beau verbe annuntiáte. La formule mélodique de l’accent (Do-Mi-Ré-Do) a déjà été entendue sur la syllabe finale de confitémini, et constitue un charmant petit refrain. On peut noter aussi les trois clivis légères et un peu accélérées (Do-La, Do-La, Do-Sol) qui précèdent la cadence en Sol et qui donnent à la mélodie un caractère à la fois insistant et enthousiaste. Tout cela est musicalement très réussi. Le tempo général de ce verset est rapide et il se maintient jusqu’au bout, tout au long de la dernière incise, sur inter gentes. Avec un bel accent de gentes et des doubles Do bien fermes mais qui ne nuisent pas au mouvement d’ensemble. La transition entre la légèreté du verset et la force contenue mais joyeuse du jubilus, repris sur le mot de la fin, ejus, est assurée par la formule de ópera, à la fois bien appuyée sur son accent et rapide sur les deux syllabes suivantes. La pièce se termine au moyen de la vocalise magnifique du jubilus, avec son crescendo très bien pensé et son admirable cadence finale, qui donne l’impression d’une immense exclamation de bonheur. Oui, qu’il fait bon confesser le Seigneur et invoquer son nom, annoncer ses œuvres parmi les nations, alléluia !

Vous pouvez écouter cet Alleluia sur ce lien.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseSynode sur la synodalité

La synodalité dans la tourmente

Le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques depuis 2019, se confiait le mois dernier sur le synode et les intentions du Pape pour ce dernier. Il s'est notamment exprimé sur les couples homosexuels et le diaconat féminin, rappelant l'attachement du pape François à la théologie du peuple.

+

synod
A la uneEgliseLiturgie

Pour la liberté entière de la liturgie traditionnelle, en vue du redressement de l’Église

Jean-Pierre Maugendre, Directeur général de Renaissance catholique, propose une campagne internationale pour la liberté entière de la liturgie traditionnelle. Malgré la déchristianisation croissante de la société et la crise de l'Église, il rappelle que celle-ci peut renaître par le biais de la liturgie traditionnelle, dont la sûreté doctrinale et la transcendance ont sanctifié ceux qui nous ont précédés pendant des siècles, et contribuent encore à de nombreuses conversions. À condition de lui redonner une liberté pleine et entière, et non pas seulement une tolérance restrictive. 

+

liturgie traditionnelle
ChroniquesEgliseLiturgie

La Pause liturgique : Sanctus 5, Messe Magnæ Deus potentiæ (Mémoires des Saints)

Ce Sanctus du 4e mode a quelque chose de mystique et de majestueux, dans sa simplicité. Il alterne heureusement les formules neumatiques et les passages syllabiques, les progressions par degrés conjoints et les intervalles de tierce, de quarte ou même de quinte, les élans vers l’aigu et les détentes vers le grave. Ce Sanctus a la particularité de n’être représenté que par une seule source manuscrite, allemande, datée de la toute fin du XIIe siècle.

+

alleluia