La pause liturgique : Sanctus et Agnus 2 Messe Fons bonitatis (Solennités)

Publié le 23 Sep 2023
Grégorien : Introït Reminiscere (2ème dimanche de Carême) L'Homme Nouveau

Le Sanctus 2

Commentaire musical

Les sources manuscrites de ce Sanctus sont nombreuses et proviennent de divers pays et familles religieuses. Il apparaît vers le XIIe siècle, et les multiples tropes, notamment consacrés à la Sainte Vierge, qui se sont développés à partir de cette mélodie, attestent de sa popularité et de sa très vaste diffusion.

Nous sommes en présence d’un 1er mode qui se déploie majestueusement sur sa quinte Ré-La et sa quarte supérieure La-Ré, en s’appuyant juste, au grave, sur la corde Do qui joue son rôle de sous-tonique.

Voyons maintenant en détail l’évolution de la mélodie par rapport au texte.

Sanctus 2 Partition

Le premier Sanctus utilise d’emblée des cordes plus insolites pour un 1er mode. Au lieu du Ré, du Fa, du La, nous avons ici le Do, note de départ, le Mi, note de passage, et le Sol, note d’appui au sommet de l’arpège. C’est dans la descente qu’apparaissent le Fa, puis le Ré. Ce dernier a été entendu comme note de passage, à la fin du premier torculus, mais il revient sur la finale du mot en temps que cadence. On est alors clairement en 1er mode et le second Sanctus, jaillissant à partir du Ré, montant directement au La par un intervalle de quinte très fréquent en 1er mode, bondit jusqu’au Do pour aller cueillir un premier sommet, en passant seulement, puisque la mélodie redescend aussitôt. Les descentes jouent un beau rôle dans ce Sanctus qui contient de très nombreux climacus. Les montées se font souvent par bonds, et les descentes par degrés conjoints, ce qui donne à cette mélodie une grande impression de calme, de paix profonde. Ainsi, ce second Sanctus, après avoir touché le Do, redescend par le Si, le Sol et le Fa, remonte jusqu’au La, puis du La jusqu’au Ré grave, touche toutes les cordes de la quinte. Après un premier Sanctus plutôt modeste quoique fervent sur son double Sol, ce second Sanctus est lumineux dans son élan et paisible et majestueux dans sa retombée. Quant au troisième Sanctus, il reprend purement et simplement la mélodie du premier. On a donc entre les trois Sanctus une progression du premier vers le second et une détente du second vers le troisième.

Les mots suivants, Dóminus Deus Sábaoth sont contenus à l’intérieur de la quinte Ré-La. Le nom du Seigneur, Dóminus est d’abord traité de façon syllabique sur ses deux premières syllabes ; puis il jaillit sur sa finale pour aller atteindre le La qui va persévérer comme corde dominante jusqu’à la cadence de Sábaoth. Seul le mot Deus est traité en descente mélodique du La au Ré. Les deux autres mots sont accentués mélodiquement sur leur finale.

La seconde phrase, pleni sunt cæli et terra, part du Do grave, et monte progressivement, de façon très belle, d’abord jusqu’au La, sur la finale de cæli, puis jusqu’au Do sur le mot terra (notons que dans ce Sanctus, la terre apparaît ici paradoxalement plus élevée que le ciel!) ; et à partir de la cadence en La, la mélodie va chercher le Ré aigu, donc à la quarte, de façon magnifique. C’est là le sommet de la pièce qui sera réédité à l’identique mais moins expressive, sur le mot in (nómine Dómini). Après ce sommet, une fois n’est pas coutume, la mélodie redescend, en privilégiant les degrés conjoints, vers le Sol puis le La sur la finale de glória. Entre glória et tua, par contre, on a une quinte descendante La-Ré, et sur le petit adjectif possessif tua, on a une très belle courbe, très douce, très humble, Ré-Mi-Fa-Mi-Ré-Do qui s’achève donc sur la sous-tonique du 1er mode.

Le premier hosanna repart du Do en reprenant le motif de l’intonation Do-Mi-Sol. Ce hosanna est très calme, très simple, sans éclat.

La composition mélodique de ce Sanctus s’arrête là, puisque la dernière phrase Benedíctus qui venit in nómine Dómini reprend à l’identique celle de pleni sunt cæli et terra glória tua, et que le second hosanna in excélsis reproduit identiquement le premier.

Dom Gajard qualifie ce beau Sanctus de large, doux, net, en progression continue vers son sommet qui se situe sur le mot glória. Le premier et le troisième Sanctus sont piano et amples, ils traduisent à merveille l’adoration ; le second Sanctus est fort et majestueux ; la suite monte en plénitude. Il y a un beau contraste entre les deux mélodies en crescendo de pleni sunt et de Benedíctus, et les deux hosanna qui sont piano et pleins de sérénité.

Au total, un très beau Sanctus, très expressif et nuancé.

Pour écouter le sanctus :

Agnus Dei 2

Commentaire musical

Cet Agnus Dei est représenté par un grand nombre de manuscrits, près de deux cents, entre le XIe et le XVIIe siècle. Daté du Xe siècle, il emprunte sa mélodie au 1er mode. Il est grave, large, ample, chaud. On peut noter déjà qu’il ne dépasse à aucun moment le La aigu de la quinte du mode de Ré, qu’il ne touche même que rarement. L’essentiel de cette mélodie se situe donc entre le Ré, très présent comme tonique ou note d’appui, et le Sol. On trouve aussi quelques Do, au grave (sous-tonique), qui renforcent encore la fermeté de cette mélodie.

Agnus 2 Partition

Les premier et troisième Agnus ont une mélodie identique et dans le second, on retrouve le modèle du premier à partir de la finale de mundi et tout au long des mots miserére nobis.

L’intonation est calme et peu élevée mélodiquement. Un podatus d’accent Ré-Mi, une syllabe finale de Agnus, appuyée doucement sur un Do initial, une légère montée Mi-Fa, puis un balancement très doux entre le Mi et le Ré, cette dernière note triomphant au moyen d’une cadence large et paisible Ré-Mi Ré-Ré, munie en outre d’un épisème horizontal.

La montée mélodique qui suit, sur qui, nous fait passer du Mi au Sol, et donc gagner un degré par rapport à l’intonation, n’a pas vraiment de suite car la mélodie redescend sobrement sur tollis, du Sol vers le Ré et même le Do de la cadence doublement pointée. Mais une nouvelle remontée, plus chaleureuse et marquée par un léger crescendo, s’opère alors sur le mot peccáta qui est ainsi bien mis en lumière. Passant par tous les degrés, du Mi jusqu’au La, la mélodie atteint donc son sommet sur l’accent élargi Sol-La de peccáta. Mais là encore, c’est un sommet sans suite, puisque aussitôt la mélodie plonge vers le grave : une quinte descendante La-Ré nous ramène dans les notes inférieures du mode de Ré, entre le Ré et le Fa, avec un bel appui très chaud sur le Do, sur l’accent de mundi. On peut admirer la belle courbe que réalise le mot mundi avec son Do initial, son Mi, son Fa, et ses deux Ré finaux. C’est souverainement calme et chaud.

Miserére nobis nous maintient jusqu’au bout dans cette atmosphère : le Ré joue son rôle de tonique ; le Mi, en relation avec le Sol prélude à la montée mélodique de l’accent de miserére ; l’unique La de ce passage, bien arrondi et goûté, forme le sommet de la formule ; puis le Mi et le Sol retrouve leur relation sur l’accent de nobis qui s’achève exactement comme mundi un peu plus haut.

Le second Agnus est donc différent des premier et troisième : il commence directement sur un double Fa, donc davantage en mouvement et en intensité, mais suit une pente descendante qui le conduit à la cadence de Dei (Mi-Do-Ré-Ré). Qui tollis peccáta forment une sorte de broderie de la formule du premier Agnus. On y retrouve les mêmes cordes (du Ré au Sol) avec une légère prédominance du Fa (accent et finale de tollis, finale de peccáta) ; et sur la finale de mundi, on raccroche la mélodie du premier et du troisième Agnus.

Le grand nombre des sources manuscrites de cet Agnus, ainsi que les nombreux tropes qui ont été composés à partir de cette mélodie simple et expressive, attestent de sa popularité au Moyen Âge.

Pour écouter cet Agnus :

un moine de Triors

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