> La Carte blanche de Judith Cabaud
Dans son livre De l’âme, bref recueil épistolaire, l’académicien François Cheng y qualifie la vie de Simone Weil d’un « cheminement vers l’âme ».
Avant de se contenter d’un certain enseignement de la philosophie qui regarde la vie humaine de façon mécanique et matérialiste, il faut rouvrir les yeux sur l’une des plus grandes figures du XXe siècle, Simone Weil (1909-1943). Née à Paris et issue d’une famille juive, cette grande intellectuelle, normalienne et agrégée, tomba nez à nez avec l’horreur du nazisme de la Deuxième Guerre mondiale. Fuyant devant les persécutions nazies, et avant de mourir à 34 ans de tuberculose, à Londres, elle rédigea une immense œuvre, posthume et vibrant de l’amour du Christ, résumée en une phrase par François Cheng : « Elle identifie l’ordre surnaturel au Bien absolu et à l’amour absolu. » En effet, dans son livre De l’âme (1), bref recueil épistolaire, l’académicien d’origine chinoise y qualifie la vie de Simone Weil d’un « cheminement vers l’âme ». Dans des manuscrits confiés à Gustave Thibon au moment de s’enfuir devant l’avancée du IIIe Reich, Simone Weil passe du substantif « esprit » à celui d’« âme » qui semble devenir sa préoccupation centrale, selon François Cheng (2). Après les années 30, occupées par ses engagements successifs dans les luttes politiques autour de la guerre d’Espagne, et par la tentation du communisme, Simone Weil réfléchit sur le sort collectif réservé à ses contemporains. « Elle donne à imaginer, écrit François Cheng, ce que devrait être une société où l’homme n’aurait pas oublié qu’il a une âme », déclaration valide tout au cours de l’histoire de l’humanité. Encore aujourd’hui, au seuil d’une civilisation menacée par d’autres abus et excès à venir, la volonté de quelques-uns envisage le remplacement de l’esprit humain par l’intelligence artificielle. C’est ainsi que les réflexions philosophiques de cette jeune Juive sur le chemin de la conversion au Christ trouvent leur place, même de nos jours, dans les propos de l’académicien français. Inspiré par les écrits de Simone Weil, il dénonce l’idéologie qui règne sur notre temps :
« L’homme moderne est cet être revenu de tout, fier de ne croire à rien d’autre qu’à son propre pouvoir. Une confuse volonté de puissance le pousse à obéir à ses seuls désirs, à dominer la nature à sa…