Le 29 février dernier s’est ouverte à Rome, dans les musées du Capitole, une exposition unique en son genre : Lux in Arcana,l’Archivio Segreto Vaticano si revela.
Cent documents, parchemins, registres, codex, sceaux, livres de comptes et actes de procès ont été choisis parmi tous les trésors des Archives privées de la Bibliothèque Apostolique Vaticane (segreto signifie privé et non secret comme cela a été souvent traduit, de façon impropre) et ont franchi pour la première fois les portes de la Cité du Vatican.
Le choix du lieu de l’exposition – le Capitole, où se trouve la Mairie de Rome –, est hautement significatif des liens étroits qui unissent, depuis l’époque médiévale, la Ville au Vatican. Cette exposition préparée depuis plusieurs années, à l’occasion du IVe centenaire de la fondation des Archives privées du Vatican, « entend faire la lumière sur la réalité de cette très ancienne institution, sur sa nature, ses contenus, son activité : la révéler, en fait, par ce qu’elle est vraiment », explique Mgr Sergio Pagano, préfet de l’Archivio Segreto Vaticano. Et pour cela, il faut « faire parler les documents ». En donnant effectivement aux visiteurs un accès inédit et privilégié aux sources, c’est toute l’Histoire du christianisme, et donc de l’Europe, qui prend vie sous nos yeux.
La première partie de l’exposition s’ouvre sur une série de documents parmi les plus éminents, cette sélection visant surtout à présenter le rôle de « gardien de la mémoire » des Archives. Qu’on en juge : la bulle d’approbation de la règle de saint François d’Assise, les actes du procès de Galilée, une lettre du pape Clément VIII écrite en langue quechua, à destination des Incas, une lettre écrite, sur un morceau de soie, par la dernière impératrice Ming Hélène de Chine, convertie au catholicisme, ou encore un autographe du Bernin adressé au majordome du Palais apostolique pour le paiement des anges sculptés pour décorer le pont Saint-Ange… Ce sont, parmi tant d’autres, les documents inestimables qui introduisent le visiteur à ce fantastique voyage à travers l’Histoire de l’Église, et qui sont présentés dans la magnifique salle des Horaces et des Curiaces au Capitole.
Un parcours thématique illustre la vie de l’Église sous un angle institutionnel – le pouvoir des clés illustré par la déposition de l’empereur Frédéric II, le concordat établi sous Napoléon entre le Saint-Siège et la République française –, ou proprement interne – une section est consacrée au Conclave.
La section consacrée à l’Inquisition est instructive : le procès des Templiers – un parchemin de 60 mètres, avec plus de deux cent trente dépositions –, mais aussi le procès-verbal de l’absolution sacramentelle accordée aux dignitaires templiers, ou encore la bulle d’excommunication de Martin Luther sont autant de documents qui, bien loin des clichés malfaisants véhiculés par de stupides romanciers, nous révèlent l’Église dans son rôle de justice, dans son organisation juridique et législative, agissant en pleine Lumière, celle de la Vérité.
La mise en œuvre de cette exposition est à la mesure de son enjeu : une animation multimédia de grande qualité permet à chaque visiteur, quel qu’il soit, de comprendre le contexte historique de chaque document présenté, et de le décrypter. C’est pourquoi, explique Mgr Pagano, « à notre époque tellement informatisée, qui trop souvent cherche l’information immédiate et non méditée, la curiosité des gens est nourrie de suggestions et d’impulsions émotionnelles : à ce public aussi l’Archivio Segreto Vaticano veut s’adresser à travers cette exposition en s’efforçant de parler un nouveau langage, sans renoncer au caractère scientifique de ses contenus, en étant convaincu que, en empruntant aussi cette voie, on peut rester fidèle au rôle éducatif de la culture ».
À certains, tout cela peut sembler aride : c’est sans compter la puissance de l’émotion ressentie, presqu’à l’improviste, par le visiteur, en découvrant par exemple la lettre adressée par sainte Bernadette à Pie IX, lui assurant la protection maternelle de Celle qui venait d’être proclamée Immaculée, ou encore la lettre écrite par la reine Marie-Antoinette du fond de sa prison à son beau-frère le comte d’Artois, futur Charles X, au moment même où se déroule le procès de Louis XVI.
C’est aussi la petite Vierge noire de Czestochowa fabriquée de bric et de broc par les prisonnières polonaises, offerte à Pie XII lors de la libération de leur camp de concentration allemand, ou encore les lettres de remerciement envoyées au même Pie XII par des juifs internés dans un camp au sud de l’Italie, pour toute l’aide morale et matérielle apportée par le Vatican à ces prisonniers à qui le pape avait évité la déportation en Pologne. Ainsi, à l’audience pontificale du 29 octobre 1944, ont-ils pu dire : « Quand en 1942 la menace de la déportation en Pologne planait sur nous, Votre Sainteté étendit sur nous sa main paternelle protectrice et empêcha la déportation des juifs internés en Italie, nous sauvant ainsi d’une mort quasi certaine ». Ces quelques documents, qui n’avaient jamais été présentés au public, et pour ces derniers, jamais autorisés à la consultation, au-delà de leur intérêt historique indéniable, nous montrent, s’il en était encore besoin, le génie civilisateur du christianisme, cette charité surnaturelle exprimée jusque dans les profondeurs du XXe siècle.
Rome, Lux in arcana, Musées du Capitole, jusqu’au 9 septembre 2012.
Ce billet est extrait du dernier numéro de L’Homme Nouveau que vous pouvez commander à nos bureaux (10 rue Rosenwald, 75015 Paris. Tél. : 01 53 68 99 77, au prix de 4 euros), ou télécharger directement sur ce site en cliquant sur le lien ci-dessous.