Le pape aborde la question de la musique sacrée

Publié le 13 Oct 2019
Le pape aborde la question de la musique sacrée L'Homme Nouveau

Le 28 septembre, le Pape a prononcé un discours qui a peut-être été ignoré de beaucoup, mais qui n’en possède pas moins une très grande importance, puisqu’il abordait la question cruciale de la musique sacrée, si étroitement liée à la liturgie qu’elle devient comme elle une véritable école de spiritualité, mais une spiritualité qui passe par la voix et le chant. L’Église chante parce que le chant est une expression privilégiée de l’amour, comme l’a souvent fait remarquer saint Augustin qui disait notamment que « chanter est le propre de celui qui aime » ou encore que « chanter, c’est prier deux fois ». L’Église assume toutes les formes de l’art dans sa vie de prière (architecture, peinture, sculpture…) et la musique tout spécialement, mais pas n’importe quelle musique. Le pape cite Paul VI qui, en pleine crise rappelait que « tout n’est pas licite, tout n’est pas valable, tout n’est pas bon ». Et plus loin, le pape Paul VI surenchérissait en disant : « Qu’on laisse de côté les expressions qui ne font honneur ni au contenu sacré ni au génie de la langue italienne et qui sont vulgaires, banales, ressemblant plus à des slogans qu’à des prières ». Héritier du concile, le pape Montini entendait faire sien l’enseignement du n°116 de la constitution conciliaire sur la Liturgie qui dit expressément : « L’Église reconnaît dans le chant grégorien, le chant propre de la liturgie latine ; c’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d’ailleurs, doit occuper la première place ». On sait ce qui est advenu.

Le pape François cite le Concile sans le nommer, quand il souligne que le chant grégorien doit être le modèle premier de toute liturgie. Ainsi, il se place dans la grande tradition musicale de l’Église, spécialement celle de saint Pie X, de Paul VI et de Benoît XVI (tous trois nommés explicitement). Il rappelle en ce sens que toute musique ne peut être liturgique, car la musique liturgique est sacrée. En effet, tout en héritant des cultures musicales qui l’ont précédée, l’Église façonna son propre univers musical, et cet univers c’est avant tout le chant grégorien, selon l’heureuse affirmation du Concile rappelé plus haut. Quelle est la raison de cette prédilection en faveur du chant grégorien ? Principalement, parce que ce chant est avant tout facteur d’éducation spirituelle. Pie XI, développant et commentant le motu proprio de saint Pie X notait : « Ces mélodies contribuèrent à favoriser la piété du peuple ». Sans citer le concile, mais en se référant à saint Pie X, le Pape rappelle à ceux qui l’auraient oublié qu’il est souverainement important que tout ce qui est destiné à la beauté de la Liturgie soit réglé par les lois et les prescriptions de l’Église. Saint Pie X voulait que l’Église prie sur du beau. Il n’entendait pas mésestimer une musique sacrée multiséculaire comme la polyphonie. Il voulait qu’en priant sur du beau, le chant sacré devienne une expression de notre joie. Comme le remarque finement le Père Abbé dom Delatte, le chant met le diable en déroute.

Le Pape encourage tout le peuple chrétien à mieux chanter pour mieux servir la liturgie et mieux adorer. Le chant fait partie intégrante de la liturgie ; il faut donc que le chant devienne vraiment participation active, par laquelle le peuple chrétien s’associe à la prière de l’Église, avec les anges qui chantent le Gloria, car il n’y a qu’une liturgie. Seule une belle musique permettra de transmettre à tout le peuple de Dieu, l’éternel message de l’Évangile. Que Marie, Mère du divin Orphée, nous aide à entrer pleinement dans le mystère de la musique sacrée.

DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE ORGANISÉE 
PAR L’ASSOCIATION ITALIENNE SAINTE-CÉCILE

Salle Paul VI
Samedi 10 novembre 2012

Chers frères et sœurs !

C’est avec une grande joie que je vous accueille, à l’occasion du pèlerinage organisé par l’Association italienne Sainte-Cécile, à laquelle j’adresse tout d’abord mes félicitation, saluant cordialement son président, que je remercie pour ses paroles courtoises, ainsi que tous ses collaborateurs. Je vous salue avec affection, vous qui appartenez au nombreuses Scholae Cantorum de toute l’Italie ! Je suis très heureux de vous rencontrer, et également de savoir — comme cela a été rappelé — que vous participerez demain dans la basilique Saint-Pierre à la célébration eucharistique présidée par le cardinal archiprêtre Angelo Comastri, en offrant naturellement le service de la louange à travers le chant.

Votre congrès se déroule intentionnellement à l’occasion du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. C’est avec plaisir que j’ai constaté que l’Association Sainte-Cécile a ainsi voulu reproposer à votre attention l’enseignement de la Constitution conciliaire sur la liturgie, en particulier là où — dans le sixième chapitre — elle traite de la musique sacrée. En cet anniversaire, comme vous le savez bien, j’ai voulu pour toute l’Église une Année de la foi spéciale, dans le but de promouvoir l’approfondissement de la foi chez tous les baptisés et l’engagement commun pour la nouvelle évangélisation. C’est pourquoi, en vous rencontrant, je voudrais souligner brièvement que la musique sacrée peut, en premier lieu, favoriser la foi et, en outre, coopérer à la nouvelle évangélisation.

À propos de la foi, on en vient spontanément à penser à l’histoire personnelle de saint Augustin — l’un des grands Pères de l’Église, qui vécut entre le IVe et le Ve siècle après Jésus Christ — à la conversion duquel contribua assurément, et de manière notable, l’écoute du chant des psaumes et des hymnes, dans les liturgies présidées par saint Ambroise. En effet, si la foi naît toujours de la parole de Dieu — une écoute qui, naturellement, n’est pas seulement des sens, mais qui, des sens, passe à l’esprit et au cœur — il n’y a pas de doute que la musique, et surtout le chant, peuvent conférer à la récitation des psaumes et des cantiques bibliques une plus grande force de communication. Parmi les charismes de saint Ambroise se trouvait précisément celui d’une grande sensibilité et capacité musicale, et, une fois ordonné évêque de Milan, il mit ce don au service de la foi et de l’évangélisation. Le témoignage d’Augustin, qui à cette époque était professeur à Milan et cherchait Dieu, cherchait la foi, est très significatif à cet égard. Dans le dixième livre des Confessions, de son autobiographie, il écrit : « Et cependant quand je me rappelle ces larmes que les chants de votre Eglise me firent répandre aux premiers jours où je recouvrai la foi, et qu’aujourd’hui même je me sens encore ému, non de ces accents, mais des paroles modulées avec leur expression juste par une voix pure et limpide, je reconnais de nouveau la grande utilité de cette institution » (33, 50). L’expérience des hymnes ambrosiens fut tellement forte, qu’Augustin les garda imprimés dans sa mémoire et les cita souvent dans ses œuvres; il écrivit même une apologie sur la musique, le De Musica. Il affirma ne pas approuver, au cours des liturgies chantées, la recherche du pur plaisir sensible, mais il reconnaît que la musique et le chant bien exécutés peuvent aider à accueillir la Parole de Dieu et à éprouver une émotion salutaire. Ce témoignage de saint Augustin nous aide à comprendre le fait que la Constitution Sacrosanctum Concilium, dans le sillage de la tradition de l’Église, enseigne que « le chant sacré, uni aux paroles, est une partie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle » (n. 112). Pourquoi « nécessaire et intégrante » ? Certainement pas pour des motifs purement esthétiques, dans un sens superficiel, mais parce qu’il coopère, précisément en raison de sa beauté, à nourrir et exprimer la foi, et donc à la gloire de Dieu et à la sainteté des fidèles, qui sont l’objectif de la musique sacrée (ibid.). C’est précisément pour cela que je voudrais vous remercier pour le précieux service que vous prêtez: la musique que vous exécutez n’est pas un accessoire ou seulement un ornement extérieur de la liturgie, mais elle est elle-même liturgie. Vous aidez toute l’assemblée à louer Dieu, à faire descendre au plus profond du cœur sa Parole : avec le chant vous priez et vous faites prier, et vous participez au chant et à la prière de la liturgie qui embrasse toute la création en glorifiant le Créateur.

Le deuxième aspect que je propose à votre réflexion est la relation entre le chant sacré et la nouvelle évangélisation. La Constitution conciliaire sur la liturgie rappelle l’importance de la musique sacrée dans la mission ad gentes et exhorte à valoriser les traditions musicales des peuples (cf. n. 119). Mais précisément aussi dans des pays d’ancienne évangélisation, comme l’Italie, la musique sacrée — avec sa grande tradition qui lui est propre, qui constitue notre culture, la culture occidentale — peut avoir et, de fait, a une tâche importante, pour favoriser la redécouverte de Dieu, une approche renouvelée du message chrétien et des mystères de la foi. Pensons aux célèbres expériences de Paul Claudel, poète français, qui se convertit en écoutant le chant du Magnificat au cours des Vêpres de Noël dans la cathédrale Notre-Dame de Paris : « Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher ». Mais, sans rappeler des personnages illustres, pensons à combien de personnes ont été touchées au plus profond de leur âme en écoutant la musique sacrée; et encore davantage à ceux qui se sont sentis à nouveau attirés vers Dieu en raison de la beauté de la musique liturgique, comme Claudel. Et là, chers amis, vous avez un rôle important: engagez-vous à améliorer la qualité du chant liturgique, sans avoir crainte de retrouver et de valoriser la grande tradition musicale de l’Église, qui dans le chant grégorien et dans la polyphonie possède deux expressions très élevées, comme l’affirme le Concile Vatican II lui-même (cf. Sacrosanctum concilium, n. 116). Et je voudrais souligner que la participation active de tout le Peuple de Dieu à la liturgie ne consiste pas seulement à parler, mais également à écouter, à accueillir avec les sens et avec l’esprit la Parole, et cela vaut également pour la musique sacrée. Vous qui avez le don du chant, vous pouvez faire chanter le cœur de tant de personnes lors de célébrations liturgiques.

Chers amis, je souhaite qu’en Italie, la musique liturgique s’élève toujours davantage vers le haut, pour louer dignement le Seigneur et pour montrer que l’Église est le lieu où la beauté est chez elle. Merci encore à tous pour cette rencontre ! Merci.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneEgliseSynode sur la synodalité

La synodalité dans la tourmente

Le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques depuis 2019, se confiait le mois dernier sur le synode et les intentions du Pape pour ce dernier. Il s'est notamment exprimé sur les couples homosexuels et le diaconat féminin, rappelant l'attachement du pape François à la théologie du peuple.

+

synod
A la uneEgliseLiturgie

Pour la liberté entière de la liturgie traditionnelle, en vue du redressement de l’Église

Jean-Pierre Maugendre, Directeur général de Renaissance catholique, propose une campagne internationale pour la liberté entière de la liturgie traditionnelle. Malgré la déchristianisation croissante de la société et la crise de l'Église, il rappelle que celle-ci peut renaître par le biais de la liturgie traditionnelle, dont la sûreté doctrinale et la transcendance ont sanctifié ceux qui nous ont précédés pendant des siècles, et contribuent encore à de nombreuses conversions. À condition de lui redonner une liberté pleine et entière, et non pas seulement une tolérance restrictive. 

+

liturgie traditionnelle
ChroniquesEgliseLiturgie

La Pause liturgique : Sanctus 5, Messe Magnæ Deus potentiæ (Mémoires des Saints)

Ce Sanctus du 4e mode a quelque chose de mystique et de majestueux, dans sa simplicité. Il alterne heureusement les formules neumatiques et les passages syllabiques, les progressions par degrés conjoints et les intervalles de tierce, de quarte ou même de quinte, les élans vers l’aigu et les détentes vers le grave. Ce Sanctus a la particularité de n’être représenté que par une seule source manuscrite, allemande, datée de la toute fin du XIIe siècle.

+

alleluia