Le Pape encourage les Arméniens

Publié le 07 Juil 2016
Le Pape encourage les Arméniens L'Homme Nouveau

Du 24 au 26 juin, le Pape a visité l’Arménie, première nation chrétienne et symbole du siècle des martyrs que fut le XXe siècle. Malgré les avertissements des médias « politiquement corrects », le Pape continue à employer le terme qui fâche certains, car, dit-il, le XXe siècle a connu trois principaux génocides : celui de l’Arménie, celui d’Hitler et celui de Staline. De tels propos à la fois si nets et si vrais, se passent de commentaires. Aussi, préférons-nous commenter l’homélie de la messe à Gyumri le 25 juin, ville de la zone touchée par le tremblement de terre. S’appuyant sur Isaïe, le Pape commence par rendre grâce pour tout ce qui a été reconstruit matériellement après la catastrophe naturelle. Mais il faut aussi reconstruire spirituellement et cette construction est de longue haleine. Le ciment en est toujours la souffrance qui peut aller jusqu’au martyre. Pour éclairer et favoriser cette double reconstruction, le Pape insiste sur trois points.

En premier lieu la mémoire. Comme on l’a remarqué déjà plusieurs fois, la mémoire demeure un concept biblique capital, qui prouve l’historicité des faits que nous narrent les Livres saints. Aussi bien les peuples que les personnes doivent se souvenir de tout ce que Dieu, dans sa miséricorde, a accompli pour eux. La mémoire est le fondement de la culture d’un peuple et elle permet de se rappeler que Dieu nous visite sans cesse, bien que d’ordinaire nous n’y prêtons guère attention.

Foi et espérance

À la mémoire, le Pape ajoute la foi, une foi toute imprégnée par la charité bien sûr, mais aussi animée par l’espérance au point que, comme le faisait souvent remarquer Benoît XVI, elles se confondent parfois. Cette foi pleine d’espérance dans l’avenir nous permet de garder toujours confiance en notre Père céleste. Une telle foi transforme non seulement les cœurs mais encore les peuples eux-mêmes. Pourtant, sans une rencontre personnelle et de tous les instants avec Jésus, cette foi restera toujours inefficace et ne pourra porter de fruits. Le Pape rappelle alors une nouvelle fois, à la suite de son prédécesseur, que c’est la lecture sacrée qui ravive nos sentiments de tendresse, de confiance et d’amitié avec Jésus. C’est seulement ainsi que nous serons des êtres vraiment libres, comme l’enseignait déjà saint Paul. Remplis de cette foi agissante, n’ayons donc jamais peur de dire toujours oui à Jésus qui lui-même n’était que oui.

Le troisième point, enfin, concerne l’amour miséricordieux de Dieu, roc sur lequel doit se fonder toute vie chrétienne. On en a évidemment déjà parlé, mais cela prouve une nouvelle fois que les trois points sont intimement liés entre eux. Le vrai disciple de Jésus non seulement sait qu’il peut toujours se blottir dans le « sein maternel » de Dieu, mais qu’il doit lui aussi faire preuve de miséricorde envers son prochain. Sans pardon, il est impossible de devenir l’ami de Jésus. C’est cette miséricorde accordée au prochain par tous les chrétiens qui permet à l’Église de se rajeunir ou plutôt d’être toujours jeune et par là attrayante. Car sans miséricorde, impossible de reconstruire. Et le Pape revient ainsi au point de départ de son homélie quand il parlait de la double reconstruction. C’est cette miséricorde qui nous permettra aussi de guérir les cœurs brisés et de surmonter, en les détruisant pour toujours, les barrières de la haine, de la division et de la séparation. Que Marie nous aide à invoquer sans jamais nous lasser le don si précieux de la miséricorde divine. Qu’elle nous aide à donner à tous les incroyants le parfum de la bonne odeur du Christ.

L’homélie du Pape

« Ils rebâtiront les ruines antiques, ils relèveront les demeures dévastées » (Is 61, 4). En ces lieux, chers frères et sœurs, nous pouvons dire que se sont réalisées les paroles du prophète Isaïe que nous venons d’écouter. Après les terribles destructions du tremblement de terre, nous nous trouvons ici aujourd’hui pour rendre grâce à Dieu pour tout ce qui a été reconstruit.

Nous pourrions cependant nous demander aussi : qu’est-ce que le Seigneur nous invite à construire aujourd’hui dans la vie, et surtout : sur quoi nous appelle-t-il à construire notre vie ? Je voudrais vous proposer, en cherchant à répondre à cette question, trois fondements stables sur lesquels nous pouvons édifier et réédifier notre vie chrétienne, sans nous lasser.

La mémoire

Le premier fondement est la mémoire. Une grâce à demander est celle de savoir récupérer la mémoire, la mémoire de ce que le Seigneur a accompli en nous et pour nous : se rappeler que, comme dit l’Évangile d’aujourd’hui, lui ne nous pas oubliés, mais qu’il « s’est souvenu » (Lc 1, 72) de nous : il nous a choisis, aimés, appelés et pardonnés ; il y a eu de grands événements dans notre histoire personnelle d’amour avec lui, qui doivent être ravivés par l’esprit et par le cœur. Mais il y a aussi une autre mémoire à garder : la mémoire du peuple. Les peuples ont en effet une mémoire, comme les personnes. Et la mémoire de votre peuple est très ancienne et précieuse. Dans vos voix résonnent celles des saints sages du passé ; dans vos paroles il y a l’écho de celui qui a créé votre alphabet en vue d’annoncer la parole de Dieu ; dans vos chants fusionnent les gémissements et les joies de votre histoire. En pensant à tout cela, vous pouvez reconnaître certainement la présence de Dieu : il ne vous a pas laissés seuls. Même dans les adversités redoutables, nous pourrions dire avec l’Évangile d’aujourd’hui, le Seigneur a visité votre peuple (cf. Lc 1, 68) : il s’est souvenu de votre fidélité à l’Évangile, de la primeur de votre foi, de tous ceux qui ont témoigné, même au prix du sang, que l’amour de Dieu vaut plus que la vie (cf. Ps 63, 4). Il est beau pour vous de pouvoir vous souvenir avec gratitude que la foi chrétienne est devenue la respiration de votre peuple et le cœur de sa mémoire.

La foi

La foi est aussi l’espérance pour votre avenir, la lumière sur le chemin de la vie et c’est le deuxième fondement dont je voudrais vous parler. Il y a toujours un danger, qui peut faire pâlir la lumière de la foi : c’est la tentation de la réduire à quelque chose du passé, à quelque chose d’important mais qui appartient à d’autres temps, comme si la foi était un beau livre de miniatures à conserver dans un musée. Or, enfermée dans les archives de l’histoire, la foi perd sa force transformatrice, sa beauté vivante, son ouverture positive envers tous. La foi, au contraire, naît et renaît de la rencontre vivifiante avec Jésus, de l’expérience de sa miséricorde qui éclaire toutes les situations de la vie. Raviver chaque jour cette rencontre vivante avec le Seigneur nous fera du bien. Lire la parole de Dieu et nous ouvrir à son amour dans la prière silencieuse nous fera du bien. Permettre à la rencontre avec la tendresse du Seigneur d’allumer la joie dans notre cœur nous fera du bien : une joie plus grande que la tristesse, une joie qui résiste même face à la souffrance, en se transformant en paix. Tout cela renouvelle la vie, la rend libre et docile aux surprises, prête et disponible au Seigneur et aux autres. Il peut également arriver que Jésus appelle à le suivre de plus près, à lui consacrer la vie ainsi qu’aux frères : quand il invite, surtout vous les jeunes, n’ayez pas peur, dites-lui « oui » ! Il nous connaît, il nous aime vraiment, et il désire libérer le cœur du poids de la crainte et de l’orgueil. En lui faisant place, nous devenons capables de rayonner d’amour. Vous pourrez ainsi donner une suite à votre grande histoire d’évangélisation, dont l’Église et le monde ont besoin en ces temps difficiles, qui cependant sont aussi les temps de la miséricorde.

L’amour miséricordieux

Le troisième fondement, après la mémoire et la foi, est justement l’amour miséricordieux : c’est sur ce roc, sur le roc de l’amour reçu de Dieu et offert au prochain, que se fonde la vie du disciple de Jésus. Et c’est en vivant la charité que le visage de l’Église rajeunit et devient attrayant. L’amour concret est la carte de visite du chrétien : d’autres manières de se présenter peuvent être trompeuses, voire inutiles, parce que c’est à cela que tous sauront que nous sommes ses disciples : si nous nous aimons les uns les autres (cf. Jn 13, 35). Nous sommes appelés avant tout à construire et reconstruire des voies de communion, sans jamais nous lasser, à édifier des ponts d’union et à surmonter les barrières de séparation. Que les croyants donnent toujours l’exemple, en collaborant entre eux dans le respect réciproque et dans le dialogue, en sachant que « l’unique concurrence possible entre les disciples du Seigneur est celle de voir qui est en mesure d’offrir l’amour le plus grand ! » (Jean-Paul II, Homélie, 27 septembre 2001 : Insegnamenti XXIV, 2 [2001], p. 478).

Le prophète Isaïe, dans la première lecture, nous a rappelé que l’esprit du Seigneur est toujours avec celui qui porte la bonne nouvelle aux humbles, qui guérit les plaies des cœurs brisés et console les affligés (cf. 61, 1-2). Dieu demeure dans le cœur de celui qui aime ; Dieu habite là où on aime, surtout là où on prend soin, avec courage et compassion, des faibles et des pauvres. On en a tant besoin : on a besoin de chrétiens qui ne se laissent pas abattre par les fatigues et ne se découragent pas à cause des adversités, mais qui soient disponibles et ouverts, prêts à servir ; il faut des hommes de bonne volonté, qui de fait et non seulement par les paroles aident les frères et les sœurs en difficulté ; il faut des sociétés plus justes, où chacun puisse avoir une vie digne et en premier lieu un travail équitablement rémunéré.

Nous pourrions cependant nous demander : comment peut-on devenir miséricordieux, avec tous les défauts et les misères que chacun voit en soi et autour de soi ? Je voudrais m’inspirer d’un exemple concret, d’un grand héraut de la miséricorde divine, que j’ai voulu proposer à l’attention de tous en le comptant parmi les Docteurs de l’Église universelle : saint Grégoire de Narek, parole et voix de l’Arménie. Il est difficile de trouver quelqu’un qui soit son égal lorsqu’il s’agit de sonder les misères abyssales qui peuvent se nicher dans le cœur de l’homme. Lui, cependant, a toujours mis en dialogue les misères humaines et la miséricorde de Dieu, en élevant une supplication pleine de tristesse, faite de larmes et de confiance, vers le Seigneur « dispensateur, dont l’essence est d’être bon (…), voix consolante, annonce apaisante, message d’allégresse, (…) compassion qui n’a pas de pareil, miséricorde débordante, (…) baiser sauveur » (Livre de prières, 3, 1), avec la certitude que « jamais les ténèbres de la colère n’obscurcissent la lumière de (sa)] miséricorde » (ibid., 16, 1). Grégoire de Narek est un maître de vie, parce qu’il nous enseigne qu’il est avant tout important de reconnaître que nous avons besoin de miséricorde et puis, face aux misères et aux blessures que nous percevons, de ne pas nous replier sur nous-mêmes, mais de nous ouvrir avec sincérité et confiance au Seigneur « Dieu miséricordieux et proche » (ibid., 17, 2), « ami des hommes, (…) feu qui dévore (…) les broussailles des péchés » (ibid., 16, 2).

Avec ses paroles, je voudrais enfin invoquer la miséricorde divine et le don de ne jamais nous lasser d’aimer : Esprit Saint, « puissant protecteur, intercesseur et pacificateur, nous t’adressons nos suppliques (…). Accorde-nous la grâce de nous exhorter à la charité et aux œuvres bonnes (…). Esprit de douceur, de compassion, d’amour pour l’homme et de miséricorde, (…) Toi qui n’es que miséricorde (…) prends-nous en pitié, Seigneur notre Dieu, selon ta grande miséricorde » (Hymne de Pentecôte).

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