L’enquête interdite

Publié le 18 Oct 2013
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« Comme toutes les infirmières de mon âge, je me demande où est-ce que j’irai me faire soigner quand j’en aurai besoin parce que je n’ai plus confiance. » Le regard à la fois triste et résigné, une infirmière enseignante belge confie son inquiétude alors que dans son pays, l’euthanasie est légale depuis maintenant dix ans.

« L’euthanasie, jusqu’où ? », c’est la synthèse de longs mois d’enquête effectués par Pierre Barnérias, Anne-Laure Cahen et Clothilde Baste. C’est le titre d’un documentaire refusé par les chaînes télévisées parce que la vérité n’est pas belle à voir.

En 1996, l’Australie légalisait l’euthanasie, elle était la première nation du monde à franchir l’interdit multimillénaire. Six mois plus tard, les dérives étant aussi inquiétantes qu’inévitables, le gouvernement abrogeait la loi. Fin de l’histoire. On a ensuite, en 2001, présenté les Pays-Bas comme le premier pays à légaliser l’injection létale. La Belgique faisait de même un an plus tard. Aujourd’hui, nos voisins de Nord veulent étendre l’euthanasie aux mineurs et sont présentés par les militants pro-euthanasie français comme un modèle à suivre. De fait, le gouvernement a annoncé d’ici la fin de l’année 2014 un débat sur la fin de vie.

C’est dans ce contexte que les trois journalistes ont voulu en savoir un peu plus. Ils ont rencontré des patients et leur famille, des soignants, des accompagnateurs, pour et contre l’euthanasie. Le constat est sans appel, les dérives sont inquiétantes. Certains professionnels de santé interprètent la loi comme bon leur semble, faisant surgir de nouveaux états de fait pour les faire admettre par l’opinion publique et pousser l’État à légiférer en conséquence. « En fait il faut changer le système sinon on est tous des assassins selon la loi », explique ce médecin qui euthanasie régulièrement. Ainsi les études indiquent qu’une euthanasie sur deux est pratiquée sans le consentement du patient. Les critères indiqués par la loi sont peu respectés, ne serait-ce que parce que la souffrance insupportable posée comme condition par la loi n’est pas plus définie. S’agit-il d’une souffrance morale ou physique ?

En terme de procédure, la réglementation n’est pas plus respectée : le médecin prend bien souvent la décision de tuer sans l’accord du reste de l’équipe médicale, parfois sans prévenir les proches. Et l’infirmière enseignante citée plus haut de rapporter l’histoire de plusieurs de ses jeunes élèves à qui l’on a demandé d’injecter la fameuse solution létale alors que le médecin est normalement seul habilité à le faire.

Une commission est censée exercer un contrôle et vérifier que les demandes d’euthanasie respectent tous les critères prévus par la loi mais – et c’est un comble – elle s’exerce… après coup. Des patients sont renvoyés ad patrem et une fois la piqûre achevée, quelques bureaucrates se réunissent, bien portants et les bras chargés de dossiers, pour savoir s’il était bon ou non d’injecter la piqûre létale.

Certains témoignages sont terrifiants, comme celui de cet homme, pourtant favorable à l’euthanasie, qui vient de porter plainte contre le médecin qui a tué sa mère alors que celle-ci ne souffrait pas de manière insupportable, était entourée par sa famille… Le médecin l’a tuée une nuit, sans en rien dire à personne. La commission de contrôle pourra se réunir pendant des heures, gribouiller des feuilles et des feuilles de rapport, cette femme est morte et sa famille la pleure.

La vieillesse serait-elle une maladie incurable et insupportable ?

En France, certaines voix s’élèvent, comme celle de professeur Louis Puybasset, chef de service à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris, pour dénoncer la survalorisation d’une pseudo-autonomie au détriment du respect de la personne et du lien social. Il dénonce une médecine qui fonctionne en circuit fermé, entre acharnement thérapeutique avec toutes les situations critiques qu’il engendre et l’euthanasie qui apparait comme l’unique solution.

Pour Emmanuel Hirsch, professeur d’Éthique et promoteur infatigable des soins palliatifs, ces lieux où les proches du malade et le personnel de fin de vie l’accompagnent jusqu’au bout malgré les difficultés sont des « lieux emblématiques de la résistance par rapport à nos valeurs ».

Parce que c’est bien de résistance dont il s’agit quand la vie des plus fragiles est ainsi menacée et cette résistance ne peut faire l’économie de la connaissance, celle des conséquences dramatiques d’une loi qui permet au médecin de tuer.

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