À Nicée, Léon XIV appelle à l’unité autour de la foi chrétienne

Publié le 11 Déc 2025
pape león xiv

© Wojciecho69, CC BY-SA 4.0

Lors de sa visite en Turquie, Léon XIV s’est rendu à Istanbul puis à Nicée, où il a participé à une rencontre œcuménique autour de la foi nicéenne. Le pape a également été interrogé sur son passage à la Mosquée Bleue, au cours duquel il n’a pas prié.

 

Lors de sa visite à la Mosquée Bleue d’Istanbul, Léon XIV s’est arrêté pour admirer en silence les décorations typiques de la coupole de la mosquée, mais lorsque le muezzin, Asgin Tunca, l’a invité à prier, il a gentiment décliné l’invitation. La presse internationale a souligné l’épisode non tant pour le geste en lui-même, mais parce qu’il a semblé marquer une rupture par rapport à l’attitude de Benoît XVI et, surtout, du pape François, mettant à mal l’image diffusée par les médias progressistes, mais aussi par certains blogs conservateurs et traditionalistes, selon laquelle le pontificat du pape Léon serait une réédition du précédent, fût-ce dans une version plus « douce ». 

Benoît XVI avait visité la mosquée d’Istanbul le 30 novembre 2006 et, après avoir fermé les yeux, s’était arrêté pour prier. Pourtant, moins de deux mois auparavant, le 12 septembre, le pape Benoît avait prononcé à l’université de Ratisbonne un célèbre discours dans lequel, citant les paroles de l’empereur byzantin Manuel II, il avait affirmé que Mahomet avait introduit « des choses mauvaises et inhumaines » et qu’il n’est pas admissible d’imposer violemment une croyance religieuse. Une tempête de polémiques avait suivi ces paroles, transformant Benoît XVI en « ennemi » de l’Islam. 

Le pape François pria dans la Mosquée Bleue le 29 novembre 2014, aux côtés du Grand Mufti, sans que ce geste ne suscitât de scandale particulier ; mais si le jugement de Benoît XVI sur l’Islam avait été exprimé dans le discours de Ratisbonne, la clé de lecture du rapport entre François et la religion musulmane fut la déclaration œcuménique controversée d’Abou Dhabi, signée par le pape avec le Grand Imam de la mosquée Al-Azhar le 4 février 2019. 

Le cœur du voyage en Turquie de Léon XIV n’a toutefois pas été l’arrêt à Istanbul, mais la célébration du 1700ᵉ anniversaire du Concile de Nicée, aujourd’hui Iznik, où le Pontife a rencontré les chefs des Églises orthodoxes, avec trois grands absents : le patriarche de Moscou Kirill et ceux d’Antioche et de Jérusalem, tous deux liés à la Russie de Poutine. En Turquie, Léon XIV a réaffirmé une vérité commune à tous les chrétiens : Jésus-Christ, seconde Personne de la Très Sainte Trinité, est le Fils de Dieu, vrai Dieu lui-même. Le 28 novembre, le pape déclara : « Nicée affirme la divinité de Jésus et son égalité avec le Père. En Jésus, nous trouvons le vrai visage de Dieu et sa parole définitive sur l’humanité et sur l’histoire. Cette vérité met constamment en crise nos représentations de Dieu lorsqu’elles ne correspondent pas à ce que Jésus nous a révélé, et elle nous invite à un discernement critique continu sur les formes de notre foi, de notre prière, de la vie pastorale et, en général, de notre spiritualité. (…) Le Symbole de la foi, professé de manière unanime et commune, devient ainsi critère de discernement, boussole d’orientation, pivot autour duquel doivent tourner notre croire et notre agir. » 

Qu’il ait proclamé cette vérité en terre d’Islam n’est pas sans signification. La religion catholique fondée par Jésus-Christ a son cœur dans deux mystères : la Très Sainte Trinité et l’Incarnation. La divinité du Christ est niée par la religion musulmane, qui le considère comme un simple prophète, précurseur de Mahomet. Dans sa lettre de 1461 au sultan Mehmed le Conquérant, pour le convertir à la foi catholique, le pape Pie II l’affirmait avec force : « Il existe de nombreuses différences entre la conception de Dieu des Chrétiens et celle des Sarrasins ou des Turcs. Vous considérez Dieu comme corporel, nous le disons incorporel. Vous attribuez au hasard les événements terrestres et pensez que Dieu ne s’en soucie pas ; nous n’avons aucun doute : celui qui a créé le Tout le gouverne. Vous niez la paternité divine, nous reconnaissons le Père et le Fils. Vous niez la divinité de l’Esprit, nous l’affirmons et la vénérons. » 

Les conséquences de ces différences théologiques sont immenses. Ignorer Jésus-Christ, seconde Personne de la Très Sainte Trinité et Verbe Incarné, signifie ignorer l’unique Sauveur et Rédempteur du genre humain. Dans la Lettre apostolique In unitate fideidu 23 novembre, le pape avait déclaré : « Le Credo de Nicée ne formule pas une théorie philosophique. Il professe la foi dans le Dieu qui nous a rachetés à travers Jésus-Christ. Il s’agit du Dieu vivant : il veut que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance (cf. Jn 10, 10). C’est pourquoi le Credo poursuit avec les mots de la profession baptismale : le Fils de Dieu qui “pour nous les hommes et pour notre salut descendit et s’est incarné et s’est fait homme, mourut, et le troisième jour ressuscita, monta au ciel et viendra pour juger les vivants et les morts”. Cela montre clairement que les affirmations de foi christologiques du Concile s’inscrivent dans l’histoire du salut entre Dieu et ses créatures. » 

Léon XIV a donc dénoncé le « néo-arianisme » moderne, diffusé également au sein du monde catholique. « Mais il y a aussi un autre défi, que je définirais comme un “arianisme de retour”, présent dans la culture actuelle et parfois chez les croyants eux-mêmes : lorsque l’on regarde Jésus avec admiration humaine, peut-être même avec un esprit religieux, mais sans le considérer réellement comme le Dieu vivant et vrai présent au milieu de nous. Sa divinité, son être Seigneur de l’histoire, se trouve en quelque sorte obscurci, et l’on se limite à le considérer comme un grand personnage historique, un maître sage, un prophète qui a lutté pour la justice, mais rien de plus. Nicée nous le rappelle : le Christ Jésus n’est pas un personnage du passé, il est le Fils de Dieu présent parmi nous, qui guide l’histoire vers l’avenir que Dieu nous a promis. » 

Certains ont critiqué Léon XIV pour avoir omis le « Filioque » en récitant le Credo avec les patriarches orthodoxes lors de la célébration interreligieuse du 1700ᵉ anniversaire du Concile de Nicée. Le « Filioque », c’est-à-dire la confession selon laquelle l’Esprit « procède du Père et du Fils », est un dogme catholique défini par le Concile de Florence en 1439. L’affirmation du Filioque manquait toutefois au Symbole de Nicée, confessé à Constantinople en 381. L’usage de cette formule dans le Credo est entré progressivement dans la liturgie latine (entre les VIIIᵉ et XIᵉ siècles). Tant Jean-Paul II, dans les années 1990, que Benoît XVI, à plusieurs reprises, notamment lors de voyages dans des pays orthodoxes, ont récité le Credo dans sa forme nicéenne, sans que cela puisse être interprété comme une défection de la foi catholique. L’omission de ces mots, accomplie non pour nier le dogme, mais pour favoriser dans une circonstance précise le rapprochement avec les orthodoxes, ne doit pas scandaliser. Le véritable point de divergence avec les orthodoxes est d’ailleurs un autre dogme : celui de la primauté de Pierre, aujourd’hui malheureusement mis en discussion même au sein du monde catholique. 

Pour comprendre le pontificat de Léon XIV, aussi dans sa discontinuité avec le précédent, il semble donc plus sage de déplacer l’attention vers de petits gestes, mais significatifs, tels que, comme l’a noté Robert Royal, la résistance du pape Léon à la Mosquée Bleue. 

Le soir du 9 décembre, en rentrant au Vatican après une journée passée à Castel Gandolfo, le pape s’est entretenu avec les journalistes devant la villa Barberini. Le vaticaniste de La Repubblica, Jacopo Scaramuzzi, lui a demandé pourquoi il n’avait pas prié dans la mosquée lors de son récent voyage en Turquie. Le pape, comme surpris de devoir expliquer pourquoi un Pontife ne prie pas dans une mosquée, a répondu : « Je préfère prier dans une église catholique en présence du Saint-Sacrement. » 

Ainsi doit parler un pape, et en se rappelant l’image de Léon XIV tenant le Saint-Sacrement entre ses mains, le 22 juin dernier, de Saint-Jean-de-Latran à Sainte-Marie-Majeure pour la procession de la Fête-Dieu, on pourrait ajouter : « Ainsi doit agir un pape. »


>> à lire également : Vatican : vers une évolution liturgique sous Léon XIV ?

Roberto de Mattei | Historien

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