Les 100 premiers jours de Léon XIV

Publié le 01 Sep 2025
Pape Léon XIV Roberto de Mattei

Messe d’inauguration du Pape Léon XV le 18 mai 2025.

Élu 267e pape le 8 mai 2025, Léon XIV a fêté ses 100 jours le 17 août. Bien que le Pape n’ait encore effectué aucun pas ni aucune mesure majeure de son pontificat, le professeur Roberto de Mattei propose une analyse de ces premiers mois. Cet article a été publié sur Corrispondenza Romana et reproduit ici avec l’autorisation de son auteur.

 

Le 17 août dernier, Léon XIV est définitivement revenu au Vatican, après avoir passé l’été à Castelgandolfo. À cette date, les 100 premiers jours de son pontificat, commencé le 8 mai 2025, étaient également écoulés.

Cette période, durant laquelle le Pape n’a pris aucune décision importante, n’a effectué aucun voyage international et n’a prononcé aucun discours majeur, suffit-elle pour prévoir les grandes lignes de son pontificat ? Absolument pas. Le temps de l’Église n’est pas celui de la politique, et trois mois sont insuffisants pour procéder à une analyse sérieuse de l’avenir.

Le pontificat du pape François a été objectivement dévastateur, non pas tant à cause des victoires du progressisme, qui n’a atteint aucun de ses objectifs les plus radicaux, mais à cause de la confusion qu’il a générée dans tout le monde catholique, y compris les divisions qu’il a provoquées dans le monde traditionaliste, poussant une partie de celui-ci vers des positions de rejet de la primauté pétrinienne. Le processus d’autodestruction de l’Église a donc progressé, et il est légitime de se demander si Léon XIV y mettra un terme, même s’il est trop tôt pour donner une réponse définitive à cette question.

Les premières impressions sont importantes et Léon XIV, au moment de son élection, a donné celle d’un pasteur conscient que sa mission n’a d’autre fondement que le Christ. L’expression In Illo uno unum, « Dans le Christ unique, nous sommes un », qui reprend les paroles de saint Augustin sur le psaume 127, est la devise du nouveau pape, convaincu, semble-t-il, qu’il ne sera pas jugé pour ses innovations et son succès mondain, mais pour sa fidélité à l’enseignement de l’Évangile. Sa dévotion mariale est apparue tout aussi clairement dès sa visite au sanctuaire de Genazzano, deux jours après son élection.

La référence au Christ, et donc à la nature surnaturelle de l’Église, semble être une constante des trois premiers mois de son pontificat. D’ailleurs, en dehors de cette pierre angulaire, il n’y a aucune possibilité de réaliser le programme de Léon XIV, qui est, comme il l’a répété à plusieurs reprises, de ramener l’unité et la paix dans l’Église et dans le monde, là où le pontificat du pape François a échoué.

Les critiques conservateurs et traditionalistes de Léon XIV soulignent le fait que, au cours de ses 100 premiers jours, le nouveau pape a cité plus de soixante-dix fois le pape François, le présentant comme une référence.

Ils soulignent encore qu’il n’a pas supprimé, en tout ou en partie, les documents funestes, tels que Amoris Laetitia et Traditionis custodes, que ses déclarations laissent supposer qu’il a l’intention de poursuivre le chemin synodal, qu’il s’est exprimé, dans certains discours, avec un langage ambigu, typique du progressisme, et qu’il a finalement confirmé à leur poste tous les responsables des bureaux et des dicastères, à commencer par le cardinal Parolin. Leur jugement définitif est impitoyable : Léon XIV apparaît comme un « Bergoglio au visage humain ».

Il est toutefois vrai que, dans aucun domaine, le Souverain Pontife n’a dépassé les limites fixées par son prédécesseur. Au contraire, on a pu observer des signes d’un revirement : « Le mariage n’est pas un idéal, mais le canon du véritable amour entre l’homme et la femme », a-t-il déclaré le 31 mai 2025, corrigeant Amoris laetitia ; dans son discours aux gouvernants du 21 juin, Léon XIV, dans la lignée de Benoît XVI, a fermement défendu la loi naturelle, « non écrite de la main de l’homme, mais reconnue comme valable universellement et à tout moment » ; le 9 juillet, dans une homélie à Castelgandolfo, il a semblé corriger l’idéologie verte tant appréciée par François ; lors de l’audience du 13 août, il a affirmé que Judas Iscariote avait choisi de s’exclure du salut par sa trahison, contrairement au pape François, qui avait déclaré ne pas savoir si Judas était allé en enfer. Dans une lettre adressée le 17 août à la conférence des évêques d’Amazonie, il a condamné l’adoration de la nature, plaçant le Christ et l’Eucharistie au centre de l’évangélisation.

En outre, les confirmations des collaborateurs de François sont faites « donec aliter provideatur », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il en décide autrement, mais entre-temps, le pape a nommé le cardinal Robert Sarah comme son envoyé spécial pour les célébrations solennelles qui ont eu lieu les 25 et 26 juillet au sanctuaire de Sainte-Anne-d’Auray, à l’occasion du quatre centième anniversaire des apparitions, et le cardinal Dominik Daka, qui a signé les dubia sur Amoris Laetitiae, son envoyé spécial aux célébrations du centenaire de l’érection de l’archidiocèse de Gdańsk (Pologne), qui auront lieu le 14 octobre 2025.

Le 22 août, Léon XIV a reçu en audience privée le cardinal Raymond Leo Burke, considéré par François comme l’un de ses pires ennemis. Dans une lettre envoyée le 17 juin au cardinal Burke à l’occasion de son jubilé, le Pape l’avait remercié pour « le service zélé qu’il a rendu » au Saint-Siège, en prêchant toujours « les préceptes de l’Évangile selon le Cœur du Christ ».

À son tour, dans une interview accordée au quotidien La Stampa, le 18 août, le cardinal Burke a déclaré :

« Le pontificat de Léon XIV se caractérise par son christocentrisme, il parle toujours du Seigneur et de son Église. Il est important que l’Église ne soit pas réduite à une ONG. Léon XIV prend le temps de nommer des personnes capables de l’aider dans ses principales responsabilités. La fonction de pape est impossible pour ceux qui n’ont pas les bons collaborateurs. Le choix même de son nom, qui fait référence à Léon le Grand et à Léon XIII, montre clairement sa volonté d’être un authentique “père des pères”, un véritable pasteur de l’Église universelle. Nous devons prier pour lui et l’aider chacun à notre place. »

Il s’agit certes d’indices, et non de preuves d’un réel changement, mais il n’existe pas non plus de preuve du contraire, et les prévisions critiques sur le pontificat de Léon XIV sont basées sur des indices fragiles. Le champ reste donc ouvert, avec des problèmes sur la table qui concernent, outre celui, décisif, des nominations, des questions cruciales telles que la synodalité et les relations du Vatican avec la Chine.

Il est facile de suggérer au Pape ce qu’il devrait faire, voire d’exiger qu’il le fasse rapidement, sans être à sa place et sans avoir la responsabilité de le faire. Mais nous devons nous rappeler que saint Pie X a attendu quatre ans avant de condamner le modernisme, alors qu’il avait à ses côtés un secrétaire d’État qui lui était proche, le cardinal Rafael Merry del Val. Quel est aujourd’hui le groupe de collaborateurs antimodernistes qui pourrait aider Léon XIV, qui n’est certainement pas un saint Pie X, comme le démontrent sa formation culturelle et son expérience pastorale, dans ses décisions ?

Parmi les grands pontifes des deux derniers siècles, nous pouvons également citer Pie IX, un pape qui n’est devenu antilibéral que trois ans après son élection, à la suite d’un réveil brutal dû à la persécution révolutionnaire et à la fuite de Rome. Pie XII, qui était un pape doux et amateur de négociations, a été bouleversé par la Seconde Guerre mondiale et a dû attendre plusieurs années avant de promulguer ses grandes encycliques Mystici Corporis (1943), Mediator Dei (1947), Humani generis (1950) et Ad Coeli Reginam (1954).

La vertu de prudence, naturelle et surnaturelle, peut imposer des délais longs pour la réalisation d’un projet, et des événements extérieurs, tels que ceux de la guerre qui se profilent aujourd’hui à l’horizon, peuvent le bouleverser. Il ne faut donc pas être impatient, mais vigilant, en plaçant toute notre espérance en Dieu seul et en priant pour le Pape et pour l’Église en cette heure sombre de l’histoire.

 

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Pr Roberto de Mattei

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