Les enjeux du conflit israélo-palestinien actuel

Publié le 28 Juil 2014
Les enjeux du conflit israélo-palestinien actuel L'Homme Nouveau

Le Père Bernard Gallizia présente son point de vue sur les événements actuels.

Sans prétendre pouvoir tout comprendre de ce conflit qui s’aggrave, il nous semble important de relater tout de suite son commencement en évitant une méprise : ce n’est pas vrai qu’Israël a bombardé Gaza à la suite de la mort de trois étudiants juifs. En fait, ce triple meurtre a seulement provoqué une incursion de soldats israéliens dans Hébron, à la poursuite de deux membres du Hamas soupçonnés d’être les auteurs présumés de ce crime, provoquant parallèlement de nombreuses arrestations en ce lieu, lesquelles, on le comprend, n’ont pas été du goût des Palestiniens…

Mais ce qui a mis véritablement le feu aux poudres, c’est la mort du jeune palestinien Mohammad Abou Khdeir, 16 ans, qui a été kidnappé le mardi 1 juillet au soir à Jérusalem-Est, et retrouvé brûlé vif par des extrémistes juifs. Pour se venger, dès le lundi 7 juillet au soir, le Hamas et le Jihad islamique palestinien, ont tiré plus de 40 roquettes dans le sud d’Israël, en une heure seulement ! Ce fut un acte démesuré en réponse à ce meurtre condamné  par le gouvernement israélien, une véritable agression, à laquelle, malheureusement, Israël a répondu d’une manière plus démesurée encore, lançant dans la nuit du 7 au 8 juillet d’intenses raids contre la bande de Gaza qui ont fait 7 morts. Pot de fer contre pot de terre !

N’est-il pas invraisemblable de la part d’Israël de répondre à des roquettes facilement interceptées par ses anti-missiles, et ne provoquant aucun mort dans son pays, par un bombardement massif sur Gaza, entraînant obligatoirement de lourdes pertes humaines, et la destruction de nombreuses maisons de civils innocents… Ce n’est pas suffisant de brandir la légitime défense ! Ne devient-elle pas illégitime quand la réponse est disproportionnée ?

De l’autre côté, le Hamas et le Jihad islamiste palestinien gardent un silence total sur le fait qu’ils utilisent les habitants de Gaza comme boucliers humains, en se cachant parmi eux, et en installant parfois les rampes de lancement de leurs roquettes en pleine cité ! D’où les nombreux morts chez les civils. Mais Israël ne doit pas tuer l’innocent avec le coupable, ce qui se passerait s’il lui prenait l’envie d’aller avec ses chars à l’intérieur même de la bande de Gaza, faisant un très grand nombre de victimes civiles, et le mettant au ban des nations. Or c’est à une opération de ce genre qu’Israël semble se préparer depuis le dimanche 20 juillet, du fait de l’envoi au cœur même de Gaza City, des Brigades Golani réputées pour leur pugnacité[1].

Le démon est à l’œuvre et utilise la désinformation des deux côtés. Du côté palestinien, on met en avant les pertes civiles majoritaires, mais en cachant soigneusement les pertes militaires, tandis que du côté israélien, les médias rapportent les mêmes pertes palestiniennes, comme étant, quasiment toutes, celles de combattants activistes[2].

Les Israéliens comme les Palestiniens en restent malheureusement à la loi du talion. C’est triste car qui peut trouver normal, par exemple, que l’armée israélienne détruise systématiquement la maison d’un terroriste, mettant ainsi sa femme et ses enfants dans la rue ? N’est-ce pas déjà terrible pour eux d’avoir perdu l’époux et le père ?

Israël a-t-il donc oublié la Règle d’or qui faisait l’honneur de l’ancien Israël : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse »? Jeanne d’Arc pleurait sur les soldats anglais tués au combat. Combien de fois n’a-t-elle pas proposé la paix aux Anglais ! D’un autre côté, le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, refuse de reconnaître Israël comme un « État juif », préalable d’Israël pour entamer de véritables négociations. Pourtant l’ONU, en novembre 1947, a voté par 33 voix pour, 13 contre, et 10 abstentions, en faveur de la partition de la Palestine en deux États, un « juif » et un « arabe ».

Les négociations de paix seront difficiles du fait qu’en 1967, après la guerre des 6 jours, Israël a occupé Jérusalem-Est, et s’est permis de l’annexer illégalement en 1980, en opposition totale avec la communauté internationale qui continue de voir en Jérusalem-Est un territoire occupé.

Pour faire la paix avec Israël, il faudrait que le président de L’Autorité palestinienne, qui est un homme modéré, se démarque des activistes. Or, contre toute attente, il a signé à Gaza, le 23 avril dernier, un Consensus national avec le Hamas, avec une décision importante : la nomination rapide d’un gouvernement d’union dans un délai de six mois. Le résultat de cette entente ne s’est pas fait attendre : Israël a stoppé immédiatement les négociations. C’est alors qu’il a paru bon au Pape François de faire un geste ultime de paix au Vatican pour rétablir le dialogue.

La genèse de ce nouveau conflit serait-elle une réplique du Hamas et du Jihad islamique palestinien au geste de paix échangé au Vatican entre le président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, et le président d’Israël, Shimon Peres, le 8 juin dernier ? Car le Hamas ne semble pas rechercher la paix. Comme par hasard, le meurtre des 3 adolescents juifs a eu lieu près d’un mois après le geste de paix au Vatican.

Rarement Israël n’a été aussi impopulaire. Mais peut-on ne pas être indignés et même horrifiés de la mort de civils de plus en plus nombreux, avec tant d’enfants innocents, dont des tout-petits, sans parler des blessés parfois horriblement mutilés ? Certes, si le Hamas et le Jihad islamiste palestinien en avaient les moyens, ils ne se priveraient pas d’attaquer Israël de la même manière. Mais n’est-ce pas au plus fort de montrer l’exemple de la magnanimité ?

Espérons que certains faucons en Israël verront l’énormité de la faute d’une intervention musclée à l’intérieur de la bande de Gaza. Israël se retrouverait alors en butte à la réprobation internationale devant le martyre du peuple palestinien pris en étau dans cette prison à ciel ouvert qu’est Gaza. Il pourrait y avoir des soulèvements spontanés un peu partout dans le monde.

Une solution négociée s’impose absolument. De toute façon, à moins d’occuper la bande de Gaza définitivement, les pays pro-palestiniens se chargeront plus tard de réarmer les activistes, et bien mieux qu’aujourd’hui ! Pour faire fléchir Israël, il faudrait aussi que beaucoup de Juifs dans le monde cessent de considérer toute critique contre le Gouvernement d’Israël comme de l’antisémitisme. Cela ne tient pas ! Ceux qui, en Israël, refusaient l’intervention terrestre à Gaza, il y a 11 jours, seraient-ils donc antisémites ? Et ceux qui, en Israël, demandent qu’on respecte les civils en faisant une réponse mesurée aux tirs du Hamas et du Jihad islamique, le seraient-ils aussi ?

Nous sommes entrés dans un engrenage infernal. C’est toujours l’homme qui déclenche les guerres, et Dieu qui prépare la paix car l’homme en est incapable. Aidons vite le Pape François dans son appel à la prière, en vue d’une négociation rapide avant qu’il ne soit trop tard.

Père Bernard Gallizia

 


[1] Reportage Exclusif sur les groupes de choc israéliens à Gaza, DEBKAfile, debka.com. Adaptation : Marc Brzustowski.

[2] Ibid.

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