Les exigences d’un combat de civilisation

Publié le 04 Mar 2013
Les exigences d'un combat de civilisation L'Homme Nouveau

Nous publions ci-dessous le texte de la Tribune libre de Joël Hautebert, professeur agrégé des facultés de droit, parue dans le dernier numéro deL’Homme Nouveau.

À l’instar de quelques revendications récentes, les débats législatifs actuels ont pour effet malheureux de brouiller la lisibilité du combat. L’institution défendue perd de sa consistance car domine le sentiment que les arguments avancés se heurtent à l’obstacle infranchissable d’un corpus politico-juridique relativiste, de fait accrédité comme norme juridique supérieure. On voit ainsi resurgir une incapacité chronique à dépasser le positivisme ambiant, un comportement schizophrène qui consiste, d’un côté, à tenir un discours de grande qualité sur ce qu’est le mariage et, de l’autre, à s’imposer une forme d’autolimitation, parce qu’on se refuse à tirer les conséquences juridiques concrètes du caractère absolu et universel de l’institution défendue, ce qui revient à rejeter le droit naturel dans la seule catégorie sympathique et peu dérangeante des énoncés intellectuels.

Alors que le garde des Sceaux a d’emblée précisé l’enjeu de son projet, une « réforme de civilisation », nous assistons à la défense de ladite civilisation à coups d’amendements, tandis que seules quelques voix s’élèvent pour affirmer que ce texte, s’il est voté, ne sera rien d’autre qu’une « corruption de la loi », une « loi transgressive »(Mgr Rey), justifiant la « résistance civique ». Le mariage, union d’un homme et d’une femme, est un « invariant humain »(Mgr Barbarin), par conséquent au-dessus des lois et des principes de la République, comme de tout régime politique.

Et quoi qu’en pense le président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, les représentants de la nation n’ont aucune compétence pour définir le cadre naturel d’épanouissement de la vie humaine. Ce combat-là est premier, essentiel, permanent, véritable clef de voûte de la défense des plus petits comme de nos libertés contre la logique totalitaire aujourd’hui déployée. Aux yeux de beaucoup, et au nom de l’efficacité, ce discours est inaudible et dangereux dans l’antre parlementaire. Mais n’est-ce pas la preuve qu’il est devenu central ?

Un député socialiste, Colette Capdevielle, a affirmé à l’Assemblée que « c’est justement la force du droit que de combattre la nature »… Il faut se rendre à l’évidence ; l’idéologie qui anime les porteurs de ce projet les rend totalement insensibles aux arguments rationnels. Leur principal atout réside dans l’espoir d’un essoufflement de la mobilisation des Français une fois le texte voté, essoufflement qui pourrait être facilité par quelques concessions momentanées, donnant aux opposants la consolation d’une victoire substantielle, mais partielle, chèrement obtenue. Ne nous y trompons pas, depuis la demande de référendum et le début du débat législatif, le gouvernement a repris tant bien que mal la maîtrise de la situation. L’opposition au projet s’enferme dans un moule institutionnel trop étroit qui n’est pas approprié à la hauteur des enjeux. L’épuisement dans la bataille législative et les espérances déçues, conjuguées à l’effet inhibant d’un texte ayant l’apparence d’une loi pourraient s’avérer problématiques, parce qu’on ne prend pas la peine d’affirmer en amont que l’on n’accordera aucune valeur à ce texte.

C’est pourquoi, le recentrage sur l’essentiel est aujourd’hui prioritaire, d’autant que la mobilisation exceptionnelle des Français ne faiblit pas. La combinaison de la diversité de sa composition et de son unité avérée autour du coeur de la revendication (le retrait pur et simple) fait qu’elle demeure l’atout principal. Le remarquable travail d’information mené pendant des mois dans toute la France a permis cette mobilisation sans précédent. Il faut éviter qu’elle soit désorientée par les concessions de certains politiciens (contrat d’union civile). L’effet politique reste et restera très limité, malgré la vaillance incontestée des uns et des autres, si l’on ne prend pas à bras le corps la question du pouvoir que s’attribue l’État, des limites du régime démocratique et donc de la nature de la République.

Nous pensons que la victoire est toujours possible, à condition de revenir à des revendications simples, sans concessions et d’affirmer notre résistance aujourd’hui et demain à un texte qui ne peut avoir raison de loi. Englué dans son idéologie, le gouvernement paraît ne pouvoir être contraint à reculer que par la difficulté d’application du texte ou par des risques de blocage institutionnel.

Sur ce terrain-là, l’esprit de résistance doit se manifester publiquement au sein des corps professionnels publics et privés concernés par l’application du texte, à l’image de ce que font déjà de nombreux maires. Du fait d’une certaine faillite des institutions de telles initiatives de résistance sont possibles. Il est souhaitable qu’elles émergent au plus tôt, afin que les Français mobilisés se positionnent solidairement derrière elles. Des lettres de soutien aux maires réfractaires seraient déjà une première manifestation concrète très bénéfique pour animer le courage des valeureux. 

Joël Hautebert

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