Dans sa réflexion sur la passion de l’évangélisation et le zèle du croyant, le Pape, après avoir parlé de saint Paul, aborde maintenant le témoignage des martyrs. Faisant comme une synthèse de l’ensemble du magistère contemporain sur ce terme, il rappelle comment le martyre sera toujours un grand acte d’amour en réponse à l’immense amour de Dieu. C’est pourquoi les martyrs pardonnent toujours à leurs bourreaux, à l’instar du protomartyre saint Étienne et plus encore à l’exemple du Roi des Martyrs Jésus lui-même : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».Très tôt dans l’histoire de l’Église furent associées les deux couronnes vues en songe par saint Maximilien-Marie : la blanche de la virginité et la rouge du martyre sanglant, les moines étant toujours considérés comme les successeurs des martyrs.
Le martyre est semence de chrétiens. De fait, ceux qui ont donné leur vie pour le Christ ont irrigué de leur sang les sillons de l’évangélisation encore à défricher. La sainteté est liée à la Croix, toujours féconde dans les saints. L’histoire de la sainteté s’est identifiée dans ses débuts avec les martyrs qui ont transmis la doctrine de vie et à ce titre peuvent d’une certaine façon être considérés comme les pères des chrétiens. Aujourd’hui encore, on distingue une double paternité : la paternité charnelle et la paternité spirituelle, transmission de doctrine, de lumière et de vie, car le martyre est par définition un témoin de la vérité et de l’amour, jusqu’au sang versé. La paternité des martyrs se réalise dans la logique de leur amour du Christ et de l’Église jusqu’au bout. Pie IX, disait en 1873 : « Dieu a protégé son Église au commencement, parce que, au moment où la rage des tyrans sévissait contre elle, il opposait à leur cruauté la constance des martyrs, cette constance qui faisait renaître la force et la vigueur dans les cœurs timides et faibles, et multipliait en même temps le nombre des disciples de Jésus-Christ. »
Les moines anciens se considéraient comme les continuateurs des martyrs. Les martyrs modernes ne remplacent-ils pas un peu les moines devenus si peu nombreux ? Notre siècle ténébreux est surtout celui de ses martyrs lumineux. Les conflits mondiaux les ont multipliés : ceux du nazisme et ceux des totalitarismes communistes. L’Église s’emploie constamment à mettre son martyrologe à jour. Selon la perspicacité de Jean-Paul II, le Grand Jubilé en fut une bonne occasion. La multiplication des martyrs nous fait penser que, contrairement aux apparences, ce monde va s’ouvrir à la lumière. Les faux docteurs pullulent aujourd’hui, et ils semblent même, comme on le voit en Allemagne, vouloir imposer, grâce aux médias, leur dictature relativiste si combattue par Benoît XVI. Mais ces faux prophètes, même s’ils sont devenus nombreux dans l’Église, n’énonceront jamais, comme le disait Paul VI, la foi de l’Église. Ils ne sont que cymbales retentissantes et inutiles. La profusion, l’inflation de leurs idées édulcore le sens du vrai et rend sceptique. Seule la sainteté et le martyre sont capables de convaincre les cœurs droits et de les unir. Le Pape rappelle à un siècle enténébré par le péché que la sainteté des martyrs prépare l’unité. Le sang des martyrs coule à flots en nos siècles apocalyptiques, mais il ne faut pas se croire pour cela supérieur. Le martyre est une grâce. Le courage ne s’improvise pas et les choix de Dieu ne sont pas les nôtres. N’oublions jamais les martyrs de notre temps, en particulier ceux mentionnés par le Pape. Que Marie, Reine des Martyrs, accorde par leur sacrifice des semences de foi et de paix.