Nous sommes heureux de publier ici un article du professeur Jean de Viguerie, bien connu pour ses travaux sur l’éducation, la philosophie des Lumières et la Révolution française. Il alerte aujourd’hui les parents et les professeurs sur les programmes du Bac pour 2014. À lire d’urgence.
En 2009 le ministère de l’Éducation nationale avait inscrit au programme du bac en Terminale littéraire L’Art d’aimer d’Ovide, le poète latin. En fait cette œuvre est plutôt un art de la séduction, et comporte des passages libidineux. Des professeurs s’en étaient émus. Madame de Romilly avait critiqué. Mais depuis, dans le genre, on a fait mieux.
Pour le bac de 2014, sur quatre œuvres obligatoires, trois offusquent le bon goût, dont Les Mains libres de Paul Éluard et Man Ray. Je conseille aux parents des futurs candidats de se procurer cet ouvrage de prix modique (7,31 euros sur Amazone, état neuf). La plupart des vers d’Éluard sont incompréhensibles. Quand il écrit par exemple : « Le fleuve descend comme un œuf » (p. 88), on se pose des questions. Dans le poème La couture ( p. 116) on s’explique mal « une exposition de chiens/domestiqués couchants ergotés enragés » au surplus sans virgules entre ces qualificatifs bizarres. Les dessins de Man Ray (artiste américain contemporain d’Eluard) représentent la plupart des femmes nues dans des postures suggestives. Certains, comme celui de la page 66, relèvent carrément du porno.
Voilà pour la littérature française. Le deuxième ouvrage inapproprié est destiné aux candidats latinistes. C’est, dans les Vies des douze Césars de Suétone, le texte consacré à Néron, où sont racontés en détail ses crimes abominables, ses relations incestueuses avec sa mère, et ses orgies. Le chapitre 28 montre un Néron promoteur de la transsexualité. Suétone écrit : « Il rendit eunuque le jeune Sporus et prétendit le métamorphoser en femme. Il l’orna du voile nuptial et l’épousa ». Le troisième ouvrage hors de propos est celui qui est infligé aux candidats hellénistes, le Livre I des Histoires vraiesde Lucien de Samosate, auteur mineur visiblement choisi parce qu’il se délecte dans les mêmes vices, emmène le lecteur sur une planète où les hommes vivent entre eux sans femmes, mais trouvent tout de même le moyen de s’unir pour avoir des enfants. Des enfants pour tous.
Ce qui m’amène au programme Sciences de la vie et de la Terre (SVT) de la 1re L et de la 1ère ES, et là j’invite les bons parents des candidats bacheliers à mettre le nez dans un manuel. Ils ont comme tout le monde un ami ou un parent professeur de lycée. Qu’ils se fassent prêter le manuel pour quelques jours et lisent la troisième partie intitulée « Masculin Féminin ». Ils verront ainsi d’eux-mêmes ce que leurs enfants devront apprendre, soit la « reproduction », le « Genre » et la manière de « vivre sa sexualité ». Commençons par la « reproduction ». En fait les élèves qui entrent en classe de Première, savent déjà tout sur le sujet ; on leur en parle depuis les classes élémentaires, comme s’il s’agissait de la fonction essentielle.
En Première on traitera donc le sujet à l’envers, et il s’agira surtout de la « non reproduction », ou plutôt, comme dit le manuel, de la« maîtrise de la procréation ». Les candidats apprendront ici tout ce qu’il faut savoir pour éviter l’enfant. L’avortement et tous les moyens de contraception n’auront plus de secret pour eux. Ils retiendront par exemple que « l’acétate d’ulipristal bloque… l’ovulation, mais aussi peut empêcher l’implantation d’un œuf dans la muqueuse utérine » (p. 154 du manuel de Bordas). La culture générale n’est pas oubliée ; le futur bachelier saura que « les femmes mésopotamiennes plaçaient des pierres au fond du vagin pour bloquer le sperme »(ibidem, p. 163). Le second chapitre expose tout bonnement la théorie du « Genre » comme s’il s’agissait d’une vérité scientifique incontestable. Le candidat saura donc distinguer l’« identité sexuelle » (« se sentir homme ou femme n’est pas si simple que cela peut en avoir l’air »), et l’« orientation sexuelle » correspondant au « sexe des personnes qui nous attirent », et qui peut très bien être le même que le nôtre.
Le chapitre « Vivre sa sexualité » est particulièrement instructif. Il commence par les animaux. Je signale page 180 de très bons dessins sur « l’acceptation du mâle chez le mouton ». On y voit d’abord « l’approche », ensuite le « flairage » (le mouton flaire le postérieur de la brebis), puis « l’approche latérale », l’« immobilisation », enfin le « chevauchement ». On passe aux hommes et aux singes, leurs cousins. Le candidat est informé « que le comportement sexuel chez l’homme n’est plus un comportement de reproduction », mais « un comportement érotique essentiellement fondé sur la recherche du plaisir » (p. 184). La raison en est simple : le plus grand développement du cortex chez l’homme (76% du cerveau, 26% chez le rat). Mais alors que devient la « reproduction » ? Il y a un problème. Les singes hominoïdes semblent le régler plus sagement que nous. Les singes bonobos, si l’on en croit le manuel, nous donnent même une fière leçon. Ils s’accouplent huit fois par jour en moyenne (p. 181 à droite, excellente photo d’un accouplement Bonobo, « face à face » comme nous), le plus souvent sans fins reproductrices, mais « sociales », leurs rapports sexuels permettant « d’établir des liens entre les différents membres de la communauté, et de résoudre des conflits ». Le bonobo, lui, est désintéressé. En lisant ces pages instructives, je pensais au film La planète des singes, ces singes qui, meilleurs écolos que nous, prennent le gouvernement de la Terre, et nous réduisent en esclavage. Ce programme SVT sera sans doute jugé par un grand nombre de parents, et avec raison, matérialiste et dégradant. Il aura au moins préparé les candidats bacheliers à subir le gouvernement des singes.