Jésus est le pain de vie. Il est notre nourriture : « Je vous donne ma chair ; Je vous donne mon sang ». A la messe, il nous rassemble autour de la double table de sa Parole et de son Corps. Cet enseignement apparaît tellement étrange que, dès le temps de Jésus (cf. saint Jeann finale du chapitre 6), plusieurs de ses disciples partirent, n’acceptant pas que Jésus se fasse substantiellement pain pour nous. Dans son homélie de la messe concluant le congrès eucharistique de Matera, le 25 septembre 2022, le Pape l’a associé à l’Évangile du jour qui est celui de l’homme riche et du pauvre Lazare. Cet Évangile nous dit que le pain n’est pas toujours partagé sur la table du monde: c’est vrai; il n’en émane pas toujours le parfum de la communion; il n’est pas toujours rompu dans la justice.
On connaît bien cette parabole : d’un côté, un riche vêtu de pourpre et de lin fin, qui affiche son opulence et fait bonne chère; de l’autre côté, un pauvre, couvert de plaies, qui gît sur le pas de la porte en espérant que quelques miettes tombent de cette table pour qu’il s’en nourrisse. Devant cette contradiction, le Pape se demande à quoi nous invite le sacrement de l’Eucharistie, source et sommet de la vie du chrétien. L’Eucharistie tout d’abord nous rappelle le primat de Dieu. Le riche de la parabole n’est pas ouvert à la relation avec Dieu: il ne pense qu’à son propre bien-être, à satisfaire ses besoins, à profiter de la vie. C’est pourquoi il n’est pas nommé, comme s’il avait perdu son nom ; ce nom qui, pour les hébreux, était important, car il désignait la personne avec sa propre mission. Cet homme influent est affublé du seul adjectif de « riche ». Les richesses dépouillent même du nom. Satisfait de lui-même, ivre d’argent, étourdi par la foire des vanités, il n’y a pas de place pour Dieu dans sa vie, parce qu’il n’adore que lui-même. De fait, l’avoir et le paraître qui dominent la scène des grands de ce monde sont devenus de vraies idoles. Par contre, l’Évangile mentionne le nom du pauvre: Lazare, qui signifie Dieu aide et ce n’est pas un hasard si le pauvre porte ce nom. Même dans sa situation de pauvreté et de marginalisation, il peut conserver intacte sa dignité parce qu’il vit dans la relation avec Dieu. Il y a quelque chose de Dieu dans son nom et Dieu est l’espérance inébranlable de sa vie.
Nous devons adorer Dieu, réellement et substantiellement présent dans la sainte Eucharistie. En aucun cas, nous ne devons nous adorer nous-mêmes. Rappelons-nous que seul le Seigneur est Dieu et tout le reste est un don de son amour. Si nous nous adorons nous-mêmes, nous mourons dans l’asphyxie de notre moi démesuré, mais en réalité si petit aux yeux de Dieu. Si nous adorons les richesses de ce monde, elles s’emparent de nous et nous rendent esclaves; si nous adorons le dieu de l’apparence, nous nous enivrons dans le gaspillage. Et un jour nous devrons rendre compte devant le seul vrai Juge. Quand, au contraire, nous adorons Jésus présent dans l’Eucharistie, nous recevons un regard nouveau sur notre vie. Nous sommes transformés en lui et notre regard sur les autres se transforme aussi. Nous sommes tous frères, fils de l’unique Dieu venu nous libérer de l’esclavage de la mort et de tout esclavage. Celui qui adore Dieu ne devient esclave de personne. Il est libre. Redécouvrons la prière d’adoration, trop oubliée de nos jours. L’adoration nous libérera du démon et nous rendra à notre véritable dignité d’enfants. Que Marie nous aide à toujours conserver dans notre vie le primat de Dieu. L’Eucharistie est le sacrement du primat de Dieu et du primat du commandement nouveau dans ses deux dimensions : l’amour des Dieu et l’amour des frères.