Liberté d’expression (3/4) : La liberté d’expression est-elle une notion catholique ?

Publié le 20 Fév 2025
liberté d'expression

Avec le Syllabus, Pie IX condamnait la liberté d’expression, qui propage l’indifférentisme. Portrait de Pie IX par Charles Picqué (1866).

> Dossier : « Liberté d’expression : un principe absolu ? »
Sans cesse invoquée, parfois même au sommet de la hiérarchie de l’Église, la liberté d’expression a pourtant été condamnée sans appel et à plusieurs reprises par les pontifes romains. Mais que recouvre-t-elle et peut-on en faire un usage légitime ? Retour sur une question fondamentale dans un monde où l’information surabondante inquiète même les gouvernements dits démocratiques.

  Réagissant très brièvement au scandale mondial de cette Cène parodiée dans la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, le Saint-Siège a semblé considérer la liberté d’expression comme un acquis ou un droit fondamental (1). Et pourtant le Syllabus du bienheureux Pie IX la condamnait sans ambages, affirmant que « […] le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des mœurs et de l’esprit, et propagent la peste de l’Indifférentisme » (2). Y a-t-il là contradiction ? En quoi consiste vraiment la liberté d’expression, et peut-elle être une notion catholique ?

Deux conceptions de la liberté 

Le paradoxe de la liberté d’expression s’enracine certainement dans l’équivoque largement entretenue au sujet de la liberté elle-même. Entre la liberté d’indifférence qui prétend garantir à chaque individu la possibilité de faire tout ce qu’il veut et la liberté de qualité qui l’oriente vers ce qui est bon, deux visions irréconciliables s’opposent et fondent deux cités radicalement antagonistes. On pourrait encore parler d’une liberté diabolique qui prétend s’exercer par le « non » (non serviam : je ne servirai pas) et d’une liberté catholique qui se donne dans le « oui » (fiat mihi secundum verbum tuum ; fiat volontas tua). Pour saint Thomas d’Aquin et l’anthropologie chrétienne traditionnelle, la liberté n’est pas un absolu mais une propriété de la volonté : est dite libre la volonté qui peut suivre son orientation fondamentale vers le bien sans être entravée par des obstacles, dont le principal est le péché. Cet enseignement fut repris par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI dans leur dénonciation du relativisme moderne, progéniture monstrueuse d’une vision faussée de la liberté. En 1993, l’encyclique Veritatis Splendor lançait un appel fort à restaurer le lien entre vérité, bien et liberté (3) : cette dernière n’a de raison d’être que dans le bien qui…

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Abbé Paul Roy, fssp 

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