L’été est toujours un moment propice au vote en toute discrétion de lois pour le moins sensibles. Celui de 2020, pendant lequel la Covid-19 aura occupé toutes les unes, ne fera hélas pas exception puisque l’Assemblée a voté en deuxième lecture le texte de loi dite « de bioéthique » et adopté un certain nombre de mesures iniques.
Bref aperçu des points saillants du texte, qui passera sans doute à nouveau devant le Sénat en janvier prochain.
Le tour est simple et, bien qu’un peu éculé, toujours aussi efficace : voter une loi au milieu de la nuit, en plein été, dans un hémicycle quasiment vide. La nouvelle loi dite « de bioéthique » a été discutée à l’Assemblée nationale dès le 27 juillet dernier, votée en deuxième lecture dans la nuit du 30 juillet pour être finalement adoptée le 1er août au matin vers 3 h 30. « Je salue l’engagement des parlementaires, des membres du gouvernement et du Comité consultatif national d’éthique. Ils ont permis l’adoption d’un texte d’équilibre dans un débat apaisé », s’est félicité Emmanuel Macron sur le réseau social Twitter, avec un aplomb indécent. Le « débat apaisé » s’est ainsi soldé : 60 voix pour, 37 voix contre et 4 abstentions… Soit 101 députés présents sur les 577 élus.
S’il ne fallait relever qu’un seul élément pour résumer la teneur des débats et l’orientation générale du texte de loi, il faudrait retenir la suppression pure et simple de l’article 1, voulu par le Sénat, qui disposait que « personne n’a de droit à l’enfant ». Dans l’ensemble, les députés ont tenté de rétablir le texte tel qu’il avait été voté en première lecture en octobre 2019 avant que plusieurs des mesures les plus progressistes ne soient supprimées par le Sénat en février dernier.
PMA et filiation
La PMA pour les femmes en couple homosexuel et les femmes célibataires n’a évidemment pas été remise en cause et son remboursement par la Sécurité sociale, pourtant retoqué par le Sénat, a été adopté. La filiation au sein des couples de femmes sera établie par déclaration de reconnaissance anticipée devant notaire pour que celle qui ne porte pas l’enfant soit malgré tout reconnue comme sa mère dès la naissance. Pour les enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, la transcription de l’acte d’état civil sera réservée au seul parent biologique, le parent d’intention devant passer par une procédure d’adoption.
Recherche sur l’embryon
Faute pouvoir lister et détailler ici l’ensemble des dispositions du texte, il faut toutefois noter trois principales mesures portant gravement atteinte à l’embryon, sous couvert de recherche scientifique :
– Le délai de culture des embryons in vitro pour la recherche est étendu à 21 jours contre 7 actuellement.
– L’utilisation de cellules souches embryonnaires est soumise non plus à un régime d’autorisation mais de déclaration préalable. Si, pour la forme, la réglementation ne change pas concernant la recherche sur l’embryon comme tel, reste que le travail sur les cellules souches embryonnaires suppose la destruction de l’embryon dont elles proviennent.
– Les embryons pourront également être manipulés pour créer des embryons transgéniques ou des chimères animal-homme[1]. L’embryon transgénique, rendu possible par la technique du CRISPR-cas9[2], est obtenu par l’introduction dans l’embryon d’une séquence ADN qui lui est étrangère. Il s’agit, comme dans le cas des jumelles génétiquement modifiées déjà nées en Chine l’année dernière, de prévenir certaines pathologies génétiques graves. Les chimères, qui sont obtenues par l’introduction de cellules humaines dans un animal, ont été autorisées quant à elles pour produire des animaux permettant le développement de nouveaux vaccins… contre le coronavirus, par exemple.
Eugénisme
Comme nous pouvions également nous y attendre, le tri des embryons s’intensifie puisque le diagnostic pré-implantatoire (DPI) est élargi aux aneuploïdies, c’est-à-dire aux maladies chromosomiques. Derrière les appellations savantes, la réalité est macabre : il est aujourd’hui possible, dans le cadre de la procréation médicalement assistée, de contrôler les embryons fabriqués in vitro pour éliminer ceux qui sont porteurs de certaines maladies graves, pour ne réimplanter que des embryons « sûrs » dans l’utérus maternel. D’année en année, la liste de ces maladies s’allonge pour comporter désormais les maladies chromosomiques comme la trisomie. C’est aussi infâme que cohérent car, au fond, pourquoi ne pas détruire avant implantation dans l’utérus des embryons porteurs de trisomie 21 alors qu’ils pourront être supprimés quelques jours plus tard après dépistage par diagnostic prénatal (DPN), avec permission d’avorter jusqu’au dernier jour de grossesse dans le cadre d’une interruption médicale de grossesse (IMG) ?
Avortement
Et d’IMG, justement, il a été aussi question dans l’hémicycle puisqu’une mesure, discutée discrètement dans les couloirs du ministère de la Santé (en pleine crise du coronavirus, donc) s’est invitée au dernier moment dans le texte de loi, vite dénoncée par Alliance Vita : les députés ont validé l’IMG pour détresse « psycho-sociale ». Autrement dit, un critère des plus flous et difficilement mesurable permet d’avorter un enfant parfaitement sain jusqu’au dernier jour de grossesse. À cette horreur pourrait bien s’en conjuguer une autre car cette mesure a vite éveillé les soupçons : ces avortements très tardifs d’enfants sains pourraient être encouragés pour fournir des organes aux enfants déjà nés et porteurs de maladies.
Le pas qui n’a pas (encore) été fait
Quelques rares mesures ont été rejetées par les députés de l’opposition, notamment la PMA post mortem et la Ropa[3]. Que ces amendements aient été rejetés pour l’instant n’est même pas un motif de consolation sachant que Jean-Louis Touraine, le rapporteur de la commission, a pu déclarer : « Je ne suis pas déçu car je n’ai aucun doute sur le fait que la Ropa ou encore la PMA de volonté survivante [après la mort du conjoint, NDLR] passeront à la prochaine révision de la loi. C’est inéluctable. Quand vous êtes aux trois-quarts du gué, vous êtes obligé de continuer la traversée. »
La Ropa, qui n’est rien de moins qu’une forme de Gestation Pour Autrui (et pour soi aussi) est une variation autour de l’enfant « à trois parents », une technique déjà pratiquée dans certains pays. Les possibilités techniques se développent en même temps que l’opinion publique est, peu à peu, préparée à l’idée de « fabriquer » un enfant avec le patrimoine génétique de trois personnes.
Par ailleurs, il est clair que, dans la logique qui anime la majorité, l’interdit de la PMA post-mortem n’a aucun sens. Le père biologique est mort avant que ses gamètes aient été utilisés pour effectuer une fécondation in vitro… Et alors, interrogent les députés les plus progressistes, quelle importance puisque l’on ouvre la PMA aux femmes seules ? Quant à l’argument selon lequel le projet parental, qui était d’éduquer un enfant à deux, ne peut être réalisé puisque le père est décédé, il est risible quand on a, depuis la loi Veil déjà, normalisé l’idée de « projet parental ». Et un projet, justement, on en change comme de chemise.
[1] Cf. notre article « Chimères homme-animal : réflexions sur un mythe qui devient réalité », entretien avec Mariette Guerrien de la Fondation Jérôme Lejeune, HN n°1694 du 14 septembre 2019.
[2] Cf. HN n° 1662 du 28 avril 2018
[3] Le dispositif « Ropa », acronyme de « réception de l’ovocyte par le partenaire » consiste à prélever l’ovule d’une femme pour procéder à une fécondation in vitro et implanter l’embryon ainsi obtenu dans l’utérus d’une autre femme. Forme de GPA déguisée, cette technique est revendiquée par une partie des lobbys LGBT pour que les deux femmes au sein d’un couple homosexuel puissent avoir un lien biologique avec l’enfant.