Notre épreuve planétaire est une invitation à croire et à se convertir

Publié le 21 Avr 2020
Notre épreuve planétaire est une invitation à croire et à se convertir L'Homme Nouveau

Lors de la cérémonie pénitentielle et d’adoration eucharistique, en cette épidémie du coronavirus, le Pape, au cours de son homélie, a commenté le récit de la tempête apaisée. Jean-Paul II, lors de son voyage à Nancy en 1988, avait commenté ce récit selon la formule de saint Matthieu qui a un grand respect pour les Apôtres et met dans la bouche de Jésus des mots plus tendres que saint Marc : « Pourquoi avoir peur, hommes de peu de foi ? » Cela convenait parfaitement au but du pape slave, qui était de démontrer que la barque de l’Église n’avait jamais coulé, malgré les turbulences de l’histoire. Le pape François, lui, a préféré utiliser la formule de saint Marc : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saint Marc nous livre l’Évangile de Pierre. Voilà pourquoi il est plus sévère sur les Apôtres, à qui il n’épargne jamais rien, surtout à Pierre. Le choix du pape François est heureux. La foi catholique disparaît chez beaucoup et notre planète est devenue apostate. Or devant ce signe de Dieu, comme le fut la peste noire au milieu du XIVe siècle, ou la grippe espagnole après la Première Guerre mondiale, le rôle du pasteur est certes d’inviter à la pénitence, mais surtout de raviver la foi des disciples.

Saint Marc commence son récit par une indication temporelle : « Le soir venu ». Ce n’est pas encore la nuit, qui ouvre si souvent au désespoir ; c’est plutôt la pénombre. Le Pape transpose alors cette indication aux heures de confinement que nous vivons en ce moment. Les villes, naguère surpeuplées et au vacarme assourdissant, deviennent remplies d’un silence et d’un vide plus que quadragésimal. Tous désorientés, parce que sans foi ou avec peu de foi, nous avons du mal à y voir un signe de Dieu, qui certes semble dormir, mais qui en réalité veille sur chacun de nous. S’actualise sous nos yeux la parole du Seigneur : « Pas un de vos cheveux ne tombera de votre tête sans la permission de votre Père céleste ». Comme les Apôtres, nous sommes pris au dépourvu et l’angoisse s’empare de nous. C’est un peu normal en soi. Le Seigneur, tout Dieu qu’il était, l’a connu dans sa nature humaine à Gethsémani et sur le calvaire au point de pousser son cri douloureux : « Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Nous nous sentons bien dans la peau des Apôtres et comme eux nous comprenons mal l’attitude de Jésus qui dort. Comme eux, ne pensons-nous pas que Jésus se désintéresse de nous ? Où est-il ? Comme Job, comme les Apôtres, nous ne comprenons pas le silence de Dieu et nous ne réalisons pas que son silence apparent n’est pas un silence d’absence mais au contraire de présence.

Le Pape analyse alors le manque de foi des Apôtres qui est souvent aussi le nôtre. Le « cela ne vous fait rien, nous sommes perdus » doit, je pense, se comprendre à la lumière de l’énigmatique parole du Seigneur : « Quand le Fils de l’homme reviendra sur terre, trouvera-t-il encore de la foi sur terre ? ». Oui, profitons de cette épreuve et surtout du silence, propice à une réflexion profonde. Demandons à Marie que Jésus augmente en nous la foi. Pour cela, nous devons comprendre que nous avons besoin d’un Sauveur. Sans lui nous ferons sûrement naufrage. Comprenons le signe de Dieu au milieu de cette épreuve. Invoquons le nom de Jésus au milieu de la tempête. Qu’il guide lui-même la barque de notre vie. Embrassons la Croix source de vie et de salut. Cette épreuve planétaire est une invitation à croire et à se convertir, en remettant en cause notre autosuffisance orgueilleuse. Faisons pénitence et croyons enfin pour de bon à l’Évangile. Marie nous y aidera. N’est-ce pas là le résumé de tout notre carême ?

 

MOMENT EXTRAORDINAIRE DE PRIERE 

EN TEMPS DE EPIDEMIE 

PRESIDE PAR LE PAPE FRANÇOIS

Parvis de la basilique Saint-Pierre
Vendredi 27 mars 2020

« Le soir venu » (Mc 4, 35). Ainsi commence l’Evangile que nous avons écouté. Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus. Comme les disciples de l’Evangile, nous avons été pris au dépourvu par une tempête inattendue et furieuse. Nous nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement. Dans cette barque… nous nous trouvons tous. Comme ces disciples qui parlent d’une seule voix et dans l’angoisse disent : « Nous sommes perdus » (v. 38), nous aussi, nous nous nous apercevons que nous ne pouvons pas aller de l’avant chacun tout seul, mais seulement ensemble.

Il est facile de nous retrouver dans ce récit. Ce qui est difficile, c’est de comprendre le comportement de Jésus. Alors que les disciples sont naturellement inquiets et désespérés, il est à l’arrière, à l’endroit de la barque qui coulera en premier. Et que fait-il ? Malgré tout le bruit, il dort serein, confiant dans le Père – c’est la seule fois où, dans l’Evangile, nous voyons Jésus dormir –. Puis, quand il est réveillé, après avoir calmé le vent et les eaux, il s’adresse aux disciples sur un ton de reproche : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (v. 40).

Cherchons à comprendre. En quoi consiste le manque de foi de la part des disciples, qui s’oppose à la confiance de Jésus ? Ils n’avaient pas cessé de croire en lui. En effet, ils l’invoquent. Mais voyons comment ils l’invoquent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (v. 38). Cela ne te fait rien : ils pensent que Jésus se désintéresse d’eux, qu’il ne se soucie pas d’eux. Entre nous, dans nos familles, l’une des choses qui fait le plus mal, c’est quand nous nous entendons dire : « Tu ne te soucies pas de moi ? ». C’est une phrase qui blesse et déclenche des tempêtes dans le cœur. Cela aura aussi touché Jésus, car lui, plus que personne, tient à nous. En effet, une fois invoqué, il sauve ses disciples découragés.

La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté. La tempête révèle toutes les intentions d’ »emballer » et d’oublier ce qui a nourri l’âme de nos peuples, toutes ces tentatives d’anesthésier avec des habitudes apparemment « salvatrices », incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité.

À la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos « ego » toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette appartenance commune (bénie), à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères.

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Seigneur, ce soir, ta Parole nous touche et nous concerne tous. Dans notre monde, que tu aimes plus que nous, nous sommes allés de l’avant à toute vitesse, en nous sentant forts et capables dans tous les domaines. Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. Nous ne nous sommes pas arrêtés face à tes rappels, nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaires, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturbables, en pensant rester toujours sains dans un monde malade. Maintenant, alors que nous sommes dans une mer agitée, nous t’implorons : « Réveille-toi Seigneur ! ».

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Seigneur, tu nous adresses un appel, un appel à la foi qui ne consiste pas tant à croire que tu existes, mais à aller vers toi et à se fier à toi. Durant ce Carême, ton appel urgent résonne : « Convertissez-vous », « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Tu nous invites à saisir ce temps d’épreuve comme un temps de choix. Ce n’est pas le temps de ton jugement, mais celui de notre jugement : le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. C’est le temps de réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres. Et nous pouvons voir de nombreux compagnons de voyage exemplaires qui, dans cette peur, ont réagi en donnant leur vie. C’est la force agissante de l’Esprit déversée et transformée en courageux et généreux dévouements. C’est la vie de l’Esprit capable de racheter, de valoriser et de montrer comment nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues ni n’apparaissent dans les grands défilés du dernier show mais qui, sans aucun doute, sont en train d’écrire aujourd’hui les évènements décisifs de notre histoire : médecins, infirmiers et infirmières, employés de supermarchés, agents d’entretien, fournisseurs de soin à domicile, transporteurs, forces de l’ordre, volontaires, prêtres, religieuses et tant et tant d’autres qui ont compris que personne ne se sauve tout seul. Face à la souffrance, où se mesure le vrai développement de nos peuples, nous découvrons et nous expérimentons la prière sacerdotale de Jésus : « Que tous soient un » (Jn 17, 21). Que de personnes font preuve chaque jour de patience et insuffle l’espérance, en veillant à ne pas créer la panique mais la coresponsabilité ! Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant les regards et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous. La prière et le service discret : ce sont nos armes gagnantes ! 

« Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas encore la foi ? ». Le début de la foi, c’est de savoir qu’on a besoin de salut. Nous ne sommes pas autosuffisants ; seuls, nous faisons naufrage : nous avons besoin du Seigneur, comme les anciens navigateurs, des étoiles. Invitons Jésus dans les barques de nos vies. Confions-lui nos peurs, pour qu’il puisse les vaincre. Comme les disciples, nous ferons l’expérience qu’avec lui à bord, on ne fait pas naufrage. Car voici la force de Dieu : orienter vers le bien tout ce qui nous arrive, même les choses tristes. Il apporte la sérénité dans nos tempêtes, car avec Dieu la vie ne meurt jamais.

Le Seigneur nous interpelle et, au milieu de notre tempête, il nous invite à réveiller puis à activer la solidarité et l’espérance capables de donner stabilité, soutien et sens en ces heures où tout semble faire naufrage. Le Seigneur se réveille pour réveiller et raviver notre foi pascale. Nous avons une ancre : par sa croix, nous avons été sauvés. Nous avons un gouvernail : par sa croix, nous avons été rachetés. Nous avons une espérance : par sa croix, nous avons été rénovés et embrassés afin que rien ni personne ne nous sépare de son amour rédempteur. Dans l’isolement où nous souffrons du manque d’affections et de rencontres, en faisant l’expérience du manque de beaucoup de choses, écoutons une fois encore l’annonce qui nous sauve : il est ressuscité et vit à nos côtés. Le Seigneur nous exhorte de sa croix à retrouver la vie qui nous attend, à regarder vers ceux qui nous sollicitent, à renforcer, reconnaître et stimuler la grâce qui nous habite. N’éteignons pas la flamme qui faiblit (cf. Is 42, 3) qui ne s’altère jamais, et laissons-la rallumer l’espérance.

Embrasser la croix, c’est trouver le courage d’embrasser toutes les contrariétés du temps présent, en abandonnant un moment notre soif de toute puissance et de possession, pour faire place à la créativité que seul l’Esprit est capable de susciter. C’est trouver le courage d’ouvrir des espaces où tous peuvent se sentir appelés, et permettre de nouvelles formes d’hospitalité et de fraternité ainsi que de solidarité. Par sa croix, nous avons été sauvés pour accueillir l’espérance et permettre que ce soit elle qui renforce et soutienne toutes les mesures et toutes les pistes possibles qui puissent aider à nous préserver et à sauvegarder. Étreindre le Seigneur pour embrasser l’espérance, voilà la force de la foi, qui libère de la peur et donne de l’espérance. 

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Chers frères et sœurs, de ce lieu, qui raconte la foi, solide comme le roc, de Pierre, je voudrais ce soir vous confier tous au Seigneur, par l’intercession de la Vierge, salut de son peuple, étoile de la mer dans la tempête. Que, de cette colonnade qui embrasse Rome et le monde, descende sur vous, comme une étreinte consolante, la bénédiction de Dieu. Seigneur, bénis le monde, donne la santé aux corps et le réconfort aux cœurs. Tu nous demandes de ne pas avoir peur. Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs. Mais toi, Seigneur, ne nous laisse pas à la merci de la tempête. Redis encore : « N’ayez pas peur » (Mt 28, 5). Et nous, avec Pierre, « nous nous déchargeons sur toi de tous nos soucis, car tu prends soin de nous » (cf. 1P 5, 7).

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