Une semaine après Pâques, nous restons dans la joie de la Résurrection. Joie non pas d’abord sensible ou sentimentale, mais joie surnaturelle qui nous transforme en adorateurs du vrai Dieu et nous permet de lui rendre grâce pour sa miséricorde infinie. Cette joie pascale n’efface pas les difficultés du temps. Nous pensons ici à tous ceux qui souffrent physiquement ou moralement, et parfois les deux. Nous n’oublions pas non plus tous les affamés spirituels, qui s’ignorent souvent, faute que nous ayons apporté avec suffisamment de persévérance la bonne nouvelle du Christ.
S’il y a toujours un examen de conscience à faire pour soi-même, il ne serait pas inutile non plus que les catholiques français s’examinent comme ensemble. La cassure profonde opérée par la Révolution française a eu parmi ses nombreuses conséquences de créer une schizophrénie, obligeant toujours plus le catholique français à incarner, même inconsciemment, une sorte de Dr Jekyll et Mr.?Hyde. Un Jekyll catholique dans sa conscience personnelle et un Hyde qui, socialement et politiquement, est tellement intégré au « monde » (au sens évangélique du terme) que rien ne le distingue du reste de ses contemporains.
Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas ici de succomber à la tentation communautariste et au refuge dans l’entre-soi catholique, plus ou moins mâtiné de bonne conscience spirituelle. Notre tâche, immense, crucifiante même à certains égards, consiste certainement aujourd’hui à porter dans le monde le témoignage de la loi naturelle, socle sur lequel la grâce peut se greffer et opérer. À ce titre, il est certain que nous sommes comptables du bien commun de notre pays et que nous ne pouvons pas soumettre celui-ci à un bien secondaire, fut-il celui de nos personnes.
Désirer le vrai bien
Le bien commun ? Difficile de le cerner, d’autant qu’il s’agit d’un bien essentiellement moral, même s’il a des conséquences matérielles. La philosophie classique, principalement celle d’Aristote et de son génial continuateur chrétien, saint Thomas d’Aquin, nous offre pourtant les outils pour y parvenir. Elle n’a jamais cessé d’insister sur la primauté du bien commun. Seule l’époque moderne a bousculé en profondeur cette vision des choses, au point d’exalter l’individualisme au détriment de la vie sociale. Les difficultés très actuelles que nous traversons résultent pour une part de ce constructivisme social à l’origine d’une société où chaque individu poursuit son intérêt propre. Très vite, l’équilibre de l’ensemble ne peut être trouvé que par le biais de la contrainte, physique, ou par une forme de contrôle plus subtile visant au consensus. Nous consacrons d’ailleurs à celui-ci le dossier de ce numéro, bien conscients que nous ne faisons qu’esquisser des pistes de réflexion sur une réalité particulièrement complexe. Pour aider ceux qui souhaitent saisir la richesse de la notion du bien commun, les éditions Hora Decima publient ce mois-ci un ouvrage sur ce sujet, rassemblant les contributions de prêtres, de philosophes, de juristes et d’historiens, donnant ainsi une vision panoramique sur cette thématique capitale. Comme l’écrit Guillaume Bernard dans sa préface, « ce livre comble un manque » (1).
Adorer en vérité
Il y a cent cinquante ans naissait le projet de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre dans le cadre du Vœu national, né lui-même de la défaite de la France face à la Prusse et des attaques contre le Pape à Rome même. Pour les promoteurs de cette action, il s’agissait de « faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes ainsi que les secours extraordinaires, qui peuvent seuls délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France. Nous promettons de contribuer à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré Cœur de Jésus. » Fruit de ce vœu, la première pierre de la basilique sera posée en 1875 et, dix ans plus tard, l’adoration eucharistique commencera en cet endroit, pour ne plus cesser.
Pourquoi évoquer Montmartre ? Parce que nous avons bien sûr des leçons à prendre dans la foi de nos ancêtres. Pour vous annoncer aussi la parution prochaine d’un nouveau hors-série consacré justement à ce sanctuaire. Réalisé de main de maître par Marie Piloquet, ce hors-série exceptionnel renforcera sans aucun doute nos connaissances historiques et religieuses, mais aussi notre foi dans la Providence (2). Faisant référence au grand ostensoir qui marque tant les pèlerins de Montmartre, Marie Piloquet écrit : « Paris garde son Soleil. Il faut encore qu’il règne tout à fait. » C’est sans aucun doute notre but à tous, et le vrai bien commun à poursuivre.
1. Le Bien commun, questions actuelles et implications politico-juridiques, sous la direction de Miguel Ayuso, préface de Guillaume Bernard, Hora Decima, 306 p., 25 €.
2. Au cœur du sacré, la basilique de Montmartre, hors série n° 42-43, 132?p., 14 €.