NOTRE QUINZAINE : Parce qu’ils n’ont pas le courage temporel…

Publié le 02 Mai 2018
NOTRE QUINZAINE : Parce qu’ils n’ont pas le courage temporel... L'Homme Nouveau

L’intervention du Président de la République devant les évêques de France et une partie (sélectionnée) du monde catholique français, le 9 avril dernier aux Collège des Bernardins, n’a laissé personne indifférent. Beaucoup y ont vu une remise en cause de la laïcité, « un joyau » selon le nouveau patron du Parti socialiste, Olivier Faure. D’autres, au contraire, ont salué l’évènement. Le catholique Jean-Pierre Mignard, par ailleurs avocat de profession, a ainsi défendu la démarche d’Emmanuel Macron. Bien entendu, les réseaux sociaux se sont enflammés sur le sujet, chacun donnant son opinion sur l’éventuel coup de canif macronien à la laïcité. Des bons Pères ont répondu non, la main sur le cœur. Des députés se sont, au contraire, indignés. Mais à vrai dire, ce n’est pas tant le Président de la République qui pose problème que les catholiques eux-mêmes.

Sur le discours d’Emmanuel Macron, je renvoie à l’analyse de Thibaud Collin en fin de ce numéro. Concernant les catholiques français, cette rencontre s’inscrit à vrai dire dans un long processus dont elle ne représente au fond que la dernière étape. Parmi d’autres, trois aspects peuvent être soulignés.

1°) Le catholicisme français est en voie accélérée de communautarisation.

Encore religion de la majorité des Français, le catholicisme en France se communautarise. Bien que l’on ait pris soin de ne pas l’assimiler aux dîners du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) ou aux dîners de rupture du jeûne pendant le Ramadan, organisé par le Conseil français du culte musulman (CFCM), cette rencontre installe le catholicisme dans le rôle d’une religion parmi d’autres.

À son corps défendant ? Peut-être ? Mais l’évènement s’inscrit dans un tel flou (relevé par la grande presse) que le résultat va bien dans ce sens. Nous assistons à un rétrécissement du champ de vision du catholicisme français, désormais plus enclin, au moins en action si ce n’est en intention, à défendre ses intérêts qu’à assumer l’intégralité de la défense du bien commun, temporel et spirituel. Il s’agit bien de la dernière étape du processus d’absorption-neutralisation du catholicisme français.

2°) Le catholicisme français a totalement intégré (définitivement ?) le « droit nouveau » dénoncé par Léon XIII.

Connu comme le pape du ralliement, Léon XIII n’a eu pourtant de cesse (cf. l’encyclique Diuturnum) de dénoncer le « droit nouveau » issu de la modernité et de sa traduction politique qu’est la Révolution française. Parce qu’hégémonique, ce « droit nouveau » a- t-il rendu illégitimes et caduques toute contestation et toute opposition à ce qu’il est et à ce qu’il représente ? À vrai dire, la question n’est même pas posée par les représentants actuels du catholicisme et c’est là tout le problème.

Alors que l’on se gargarise facilement aujourd’hui de paroles et de gestes considérés comme « prophétiques », pourquoi n’entendons-nous toujours pas cette forte parole du pape Léon XIII : « Les théories modernes sur le pouvoir politique ont déjà causé de grands maux, et il est à craindre que ces maux, dans l’avenir n’aillent jusqu’aux pires extrémités. »1

Nous y sommes et à plus soif ! D’où la simple question : à quand la réévaluation de notre rapport au « droit nouveau » et à ses conséquences ? À bien considérer, il y a là une tâche bien plus urgente que de recevoir le Président de la République, avec le risque de tomber non seulement dans une action de récupération mais plus encore d’intégration-dilution dans la République idéologique.

3°) Les catholiques, défenseurs de la vérité, héritiers des martyrs, ont peur du conflit.

Sous prétexte de réalisme, nous ne cessons de redire que nous sommes minoritaires. Et, c’est exact ! Pour autant, ce constat doit-il entraver tout combat en faveur de la vérité ? Et l’idée même de combat ? Croyons-nous encore seulement que la vérité existe et qu’elle n’a rien à voir avec le consensus ? Déjà Péguy pouvait écrire en son temps : « Parce qu’ils n’ont pas le courage temporel, ils croient qu’ils sont entrés dans la pénétration de l’éternel. »2 Depuis longtemps maintenant, nous sommes en fait des dhimmis de la modernité et de la laïcité. Nous espérons encore ne pas connaître une autre « dhimmitude ». Mais éviter l’une n’empêche nullement de sortir de l’autre. 

1. Ou cette autre sentence, extraite également de l’encyclique Diuturnum et qui s’applique face à l’avortement, l’euthanasie, etc. : « Il n’existe qu’une seule raison valable de refuser l’obéissance ; c’est le cas d’un précepte manifestement contraire au droit naturel ou divin, car là où il s’agirait d’enfreindre soit la loi naturelle, soit la volonté de Dieu, le commandement et l’exécution seraient également criminels. »

2. Œuvres en prose complètes, édition de Robert Burac, Gallimard/La Pléiade, 1988, III, p. 1367. Extrait de Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne.

Ce contenu pourrait vous intéresser

À la uneÉditorial

Noël, l’inexplicable au risque de nos familles

L'Éditorial du Père Danziec | Les liens de famille, étroitement attachés à la célébration de Noël, doivent s’appuyer sur des repères solides, des sentiments nobles, des attitudes vraies où toujours l’emporte, dans les paroles et les actes, l’incarnation vivante d’un amour intact pour son prochain le plus proche. L’avenir des familles passe par la spiritualité de Bethléem.

+

famille Noël
ÉditorialSpiritualité

Jerzy Popiełuszko, un prêtre pour la patrie

Édito du Père Danziec | Éveilleur de consciences, le père Jerzy Popiełuszko aura jeté à la face du communisme et l’intrépidité de sa jeunesse et son amour du Christ. Lors de ses funérailles, un immense panneau sera suspendu au-dessus de son cercueil portant l’inscription: « Bóg – Honor – Ojczyzna / Dieu – Honneur – Patrie ».

+

Popiełuszko
ÉditorialChrétiens dans le monde

Jerzy Popiełuszko (1/3) : Prêtre jusqu’à la croix

Dossier : « Martyre du père Popiełuszko : la force irrésistible de la vérité » | Jerzy Popieluzsko (1947-1984) est resté dans les mémoires à l’Ouest comme victime et martyr des dernières heures du communisme en Pologne. Simple prêtre, et malgré une santé fragile, il montra dès sa jeunesse et son service militaire un esprit de résistance aux persécutions du régime. Refusant de céder aux intimidations et poursuites, il persévéra dans la foi et le service de ses ouailles et compatriotes ce qui lui vaudra la haine finalement mortelle des communistes.

+

Popieluszko celebration Europeana 07 Popiełuszko
ÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Le Christ-Roi : pierre angulaire de la doctrine sociale de l’Église

Lettre Reconstruire n° 41 | Éditorial | Le 11 décembre 1925, le pape Pie XI publiait Quas primas, une encyclique consacrée au Christ-Roi. Il y précisait la doctrine de l’Église à ce sujet et instituait une fête liturgique, fixée le dernier dimanche d’octobre. Importante liturgiquement, la royauté du Christ constitue aussi la pierre angulaire de l’enseignement social de l’Église.

+

Christ roi de l'univers christ-roi
Éditorial

Retrouver l’esprit chrétien 

Éditorial de Maitena Urbistondoy l Pie XII rappelle que l’Église, en tant que Corps mystique du Christ, est un repère stable, qui ne se laisse pas entraîner par les modes. Cette stabilité, ancrée dans la fidélité à sa mission divine, protège l’Église de l’inconstance des tendances passagères. Et c’est cet équilibre qui manque aujourd’hui : la fidélité aux vérités éternelles, qui ne se mesure ni au succès ni à l’acceptation du moment.

+

pie xii Edith stein église chrétiens
Éditorial

Notre quinzaine : La mort comme principe de vie

Éditorial du Père Danziec | Vivre vraiment, quel formidable privilège que de respirer à larges poumons, de parcourir l’existence à pleines enjambées et de croquer à ras bord le quotidien qui s’ouvre à nous sans relâche ! Vivre vraiment, non comme un épicurien mais comme un débiteur qui reçoit dans l’action de grâce le temps qui s’échappe et qui fuit. L’homme de foi sait qu’il tient la vie de son Créateur. Tout baptisé est appelé à voir dans chaque jour que Dieu fait une bénédiction.

+

vie

Vous souhaitez que L’Homme Nouveau poursuive sa mission ?