Les dernières semaines passées ne nous feront pas franchement regretter 2019. En novembre dernier, le synode sur l’Amazonie a conduit une nouvelle fois à des propositions qui mettent à mal l’enseignement et la discipline traditionnels de l’Église, sans même parler du scandaleux épisode de la Pachamama. Plus récemment, la contestation de la réforme des retraites a entraîné, en France, la paralysie des transports publics. Jean-Michel Beaussant, dans ce numéro, indique combien cet épisode révèle un mauvais rapport de l’homme contemporain au travail (cf. p. 8). Au fond, celui-ci n’est vu aujourd’hui que comme un mal nécessaire en vue d’acquérir les moyens de s’en libérer…
On remarquera, à propos des retraites dans un système de répartition et de solidarité entre générations comme le nôtre, que si le facteur démographique a bien été énoncé comme l’une des causes imposant une réforme, le silence a été total sur le moyen d’y remédier, à savoir la mise en place d’une politique familiale et même fortement nataliste. Bien sûr, celle-ci passerait par la remise en question, au moins partielle, de l’avortement légalisé et de la politique d’immigration. Plus largement, elle imposerait une rupture conceptuelle avec l’idéologie des droits individuels et le retour à une saine conception du bien commun.
Le système clos de l’idéologie
À ce titre, comment ne pas rendre hommage à l’historien Jean de Viguerie qui a rendu son âme à Dieu le 15?décemre dernier. Nous lui consacrons quelques pages à la fin de ce numéro. Dans son essai Les Deux Patries, il avait démontré la subversion de la notion traditionnelle de patrie, remplacée par sa caricature révolutionnaire à laquelle s’étaient hélas ralliées trop de forces vives de la nation. Sa conclusion sur la mort de la France (traditionnelle) avait eu l’effet d’un électrochoc tant certains avaient l’habitude d’appliquer à notre pays ce qui n’est vrai que de l’Église : les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle. Il avait ainsi montré l’ampleur de l’idéologisation totale de la société à laquelle conduit la modernité.
Nous en avons encore un exemple avec la réforme des retraites. L’absence d’enfants et de simple renouvellement des générations (alors même qu’il faudrait bien davantage), sans l’apport d’une population immigrée, s’impose désormais aux yeux de tous. Sans le proclamer clairement, on le susurre au moins. Mais le système idéologique et l’idéologisation des esprits interdisent même d’envisager la recherche de vraies solutions durables.
Est-ce à dire qu’il faille envisager les choses au pire en ce début d’année ? L’avantage du réel, c’est qu’il nous sort tous de nos illusions et de nos chimères. Quand tout est détruit, il faut tout reconstruire. Et en reconstruisant, nous pouvons espérer reposer des fondements solides dont nous avions certainement perdu de vue les raisons profondes. Dans sa réponse à Éric Zemmour (cf. p. 13), Guilhem Golfin l’indique en insistant sur l’amitié politique sans laquelle il n’y a pas de vraie cité.
Coup d’arrêt au sens de l’Histoire
On pensera bien évidemment ce que l’on veut du Premier Ministre anglais, Boris Johnson. En soi, il est même légitime de diverger sur la nécessité du Brexit. Peu importe, à dire vrai. L’important me semble ailleurs. Et cet ailleurs n’est pas comme nous le proclament certains que les peuples ont repris leur destin en main. C’est une antienne qui oublie un peu trop facilement la versatilité de l’opinion publique, l’action des oligarchies manipulatrices et, par ailleurs, la nécessité d’une vraie autorité politique qui guide l’action des citoyens.
Non, la bonne nouvelle contenue dans la victoire de Johnson tient en ce qu’il démontre qu’un certain sens de l’Histoire n’est pas inéluctable. Demain n’est pas dicté d’avance. Il est possible de reprendre en main le cours des choses, d’insuffler une autre direction. En un mot, de reconstruire.
Une réforme intellectuelle, morale et spirituelle
Il faut bien sûr s’en donner les moyens, lesquels impliquent d’abord, comme le souligne encore Guilhem Golfin, « une profonde conversion intellectuelle, morale et spirituelle ». Il convient aussi d’opérer certaines ruptures conceptuelles (cf. à ce sujet notre livre Les catholiques peuvent-ils encore agir en politique ? [1]) et de retrouver le vrai sens de la nature humaine, de la politique et du bien commun, de l’amitié politique et de la justice, du temporel et du spirituel, etc. Pour nos enfants et nos petits-enfants, pour notre patrie et pour la civilisation qu’elle porte, faisons tout notre possible pour que 2020 soit une année de reconstruction. Et elle sera ainsi une bonne, et pourquoi pas, une sainte année !
1. Les catholiques peuvent-ils encore agir en politique ?, (dir) Laurent de?Capellis, Éd. de L’Homme Nouveau, 196 p., 13,50 e.