« A-t-on des nouvelles de M. de La Pérouse ? », telle fut la dernière question que Louis XVI posa le matin du 21 janvier 1793 avant de partir pour l’échafaud, preuve de l’intérêt passionné que ce souverain géographe portait à l’expédition qu’il avait voulue, programmée, afin d’ouvrir le Pacifique à la France et éclipser la renommée de l’Anglais Cook.
Il y avait alors plus de cinq ans que l’on était sans nouvelles des explorateurs … Et il faudra des décennies encore pour que l’on ait une idée de leur sort. L’on sait aujourd’hui que les frégates françaises se disloquèrent en 1788 sur les récifs de l’îlot de Vanikoro dans l’archipel de Santa Cruz, victimes d’un typhon, et qu’une partie de l’équipage, dont peut-être La Pérouse lui-même, survécut au naufrage.
Des générations entières se sont enthousiasmées pour l’exploit réalisé par ce petit groupe d’officiers de marine et de scientifiques français, partis dans une aventure qu’ils savaient pouvoir être sans retour, animés autant par la soif de découvertes que par le désir de faire flotter le drapeau fleurdelisé sur un océan inexploré. L’énigme de leur disparition hanta longuement les imaginations et l’espoir de retrouver la Boussole et l’Astrolabe anima plus d’un équipage.
C’est d’ailleurs par l’organisation, dans les années 1820, d’une mission de recherche, que commence l’album signé Coline Dupuy et Andrea Mutti, La Pérouse (Éditions du Rocher et Puy du Fou. 46 p. 14,90 €.), ce qui permet aux derniers témoins d’égrener leurs souvenirs.
C’est au parc du Puy du Fou, qui consacre à La Pérouse une nouvelle attraction, permettant, du moins quand il rouvrira, d’embarquer sur l’Astrolabe et d’affronter les périls de la navigation au XVIIIe siècle à travers les plus dangereux parages au monde, que l’on doit l’idée de cet album. Très axée autour des amours contrariées de La Pérouse, alors jeune lieutenant de vaisseau, avec une belle créole jugée de trop petite naissance par les siens, cette bande dessinée est une initiation rapide et agréable à la vie d’un navigateur qui, pour être homme de son époque, ne croyait guère au mythe du Bon Sauvage.
Cette sortie a entraîné la remise en vente d’un autre album de Coline Dupuy, datant de 2013, consacré à Cathelineau (Artège ; 56 p ; 14,50 €.)
La bande dessinée, genre marqué à gauche, s’est peu intéressée aux guerres de l’Ouest. Cette biographie sous forme de « roman graphique » du Saint de l’Anjou est donc à marquer d’une pierre, blanche, bien entendu ! Il s’agit, en effet, d’une vraie réussite. Sur un scénario solide et documenté évitant les à peu près, s’appuie le graphisme élégant et sensible de Denoël qui sait donner aux décors comme aux personnages une beauté trop souvent dédaignée par une école de dessinateurs français adepte de la laideur.
Racontée par son ami d’enfance, l’abbé Cantiteau, curé du Pin-en-Mauges, la vie de Jacques Cathelineau, premier généralissime de l’Armée catholique et royale, est restituée avec une grande fidélité à la réalité historique, et un souci constant de la dimension spirituelle du personnage. S’il a fallu parfois simplifier, à l’intention d’un public, jeune ou adulte, de plus en plus ignorant, l’ensemble reste cependant d’une belle tenue. Tout fidèle de la Vendée militaire appréciera. Ce récit aura surtout le mérite de rappeler, en nos temps de couardise généralisée des catholiques, jusqu’où nos pères ont su aller pour préserver la liberté du culte et la foi ancestrale. Une leçon plus que jamais à méditer.
Tout comme le sacrifice, en mai 1527, lors du sac de Rome par les lansquenets de Charles Quint, du jeune corps de mercenaires suisses dont la papauté avait depuis peu choisi de s’entourer, confiante dans la grande valeur militaire des Helvètes. C’est d’ailleurs toujours à cette date anniversaire que les nouveaux engagés prêtent encore aujourd’hui serment de fidélité au pape, histoire de se souvenir qu’ils ne sont pas seulement, comme on le croit un peu vite, des figurants décoratifs et bizarrement vêtus.
Même si leur nombre a été drastiquement réduit après le Concile, les gardes suisses, malgré leur costume pseudo Renaissance, librement inspiré en 1921 de ceux de leurs prédécesseurs représentés dans les Chambres de Raphaël, qui assurent, en lien avec la gendarmerie pontificale, la sécurité rapprochée du pape et de l’État du Vatican, appartiennent à un corps d’élite dont la formation et le niveau n’ont rien à envier à ceux du GIGN.
En suivant l’itinéraire de Marc Dewitt, jeune agriculteur suisse désireux d’intégrer la garde pontificale, Arnaud Delalande raconte l’histoire et les faits d’armes, de leur sacrifice de 1527 jusqu’à l’attentat contre Jean-Paul II en 1981, de ces derniers soldats suisses à maintenir la glorieuse tradition du service étranger. (Arnaud Delalande, Yvon Bertorello, Laurent et Clémence Bidot : Les gardiens du pape, la Garde suisse pontificale. Artège. 56 p. 15,90 €.)
Le récit, malheureusement un peu basique, donne parfois l’impression que Marc et ses camarades sont plus intéressés par les performances des voitures du Vatican que par leur service, la dimension religieuse est minimisée, mais le plus fâcheux est sans doute un dessin sans charme. Pas sûr que cet album, dont c’est l’une des ambitions, suscite beaucoup de vocations dans les Cantons…