Qu’est-ce que le carlisme, quelle est sa doctrine, quels sont ses fondements, ses principes ? Luis Infante, directeur de l’agence d’information carliste Faro, insiste sur la qualité organique du mouvement. D’abord une défense du principe dynastique à la mort de Ferdinand VII, il fut une réaction contre le libéralisme et les ferments révolutionnaires, avant de s’organiser intellectuellement.
Beaucoup ont essayé de définir le carlisme, avec plus ou moins de succès. Une formule de l’écrivain et journaliste Jesús Evaristo Casariego (1913-1990) était populaire à une époque : le carlisme est la véritable Espagne exilée au sein de l’Espagne officielle. Le même auteur qualifie également le carlisme de « traditionalisme espagnol militant ».
La doctrine carliste
Bien que les précarlistes et les premiers carlistes n’aient pas considéré les définitions – leur réaction a été défensive, voire instinctive, en défense du régime traditionnel attaqué par le libéralisme et le despotisme ; comme l’avait été la réaction des Espagnols contre Napoléon, venu imposer les principes de la Révolution française –, il y avait une doctrine derrière eux. En 1833, le roi Fernando VII mourut et les libéraux et despotiques tentèrent d’empêcher la succession légitime de son frère Carlos V. Ses partisans n’improvisèrent pas : ils maintinrent la même doctrine en vigueur jusque-là en Espagne. Doctrine qui n’était pas une idéologie : elle n’a été planifiée ou improvisée par personne. Et non plus une constitution écrite de manière révolutionnaire, mais plutôt l’ensemble des lois que les royaumes, principautés, provinces et seigneuries qui composaient l’Espagne s’étaient données au fil des siècles. Un régime naturel donné par l’histoire et réglé par l’Évangile. Les attaques contre lui, plus subtiles au début, avaient déjà été dénoncées par le dominicain Francisco Alvarado (1756-1814), « El Filósofo Rancio », entre autres. Sa mémoire suggère une autre définition classique du carlisme. Francisco Elías de Tejada (1917-1978) expliquait que la Christianitas maior, la chrétienté du Moyen Âge par excellence, brisée par le protestantisme et ses conséquences, avait subsisté en Espagne jusqu’au début du XIXe siècle à travers la monarchie catholique comme une véritable Christianitas minor. Après la séparation des territoires espagnols d’outre-mer et la victoire militaire du libéralisme dans la péninsule espagnole en 1840, à la fin de la première guerre carliste, ce reste du christianisme fut réduit à la Christianitas minima, qui est le carlisme. Miguel Ayuso (Madrid, 1961), disciple d’Elías de Tejada, a nuancé cette interprétation en soulignant l’importance du fait que la véritable philosophie ne…