Décédé en février dernier, Charles Rice (1931-2015) fut un fervent catholique américain. Professeur de droit à Notre Dame University, ancien Marine, il fut l’auteur de quinze livres lucides défendant la loi naturelle et la doctrine de l’Église en matière de morale, malgré un climat peu favorable. Retour sur une vie au service de la vie.
Vingt et un coups de canon tirés par ses anciens frères d’armes, des Marines en uniforme, saluèrent le 2 mars dernier, sur le campus de Notre Dame, l’université de l’Indiana où il enseigna jusqu’au bout, le simple cercueil en pin d’un géant intellectuel et spirituel. L’intitulé du dernier cours de Charles Rice résume sa passion : « Droit et morale ». Écœuré par l’accueil scandaleux que son alma mater avait réservé en 2009 au Président Obama, l’éminent professeur avait néanmoins choisi – après avoir été l’un des cofondateurs en 1999 de la conservatrice Ave Maria School of Law, dans le Michigan – de poursuivre fidèlement sa mission sous le dôme historique de Notre Dame, cette « Harvard du Midwest » défigurée entre autres par le Père Theodore Hesburgh, adepte de l’avortement et d’un gouvernement mondial. Serein, joyeux, cordial, Charles Rice formait ses étudiants à déployer les deux ailes qui permettent au chrétien de décoller : la foi et la raison.
Un mariage ouvert au don de la vie
Dans les années troublées qui précédèrent et suivirent Humanæ Vitæ (1968), lui et son épouse donnèrent l’exemple d’un mariage ouvert au don de la vie. Alors que la contraception pourtant vigoureusement dénoncée par Paul VI semblait triompher, aspirant les couples catholiques dans une spirale tragique de fécondité mutilée, Charles et Mary offraient à leurs enfants un autre frère, une autre sœur… Dix en tout : trois fils et sept filles. Cette générosité fit des émules : 41 petits-enfants pour consoler Mary.
Charles Rice avait compris très tôt que les avertissements prophétiques du pape Paul VI méritaient d’être proclamés haut et fort. Dans le cadre du Bellarmine Forum (1) qu’il dirigeait, il venait de lancer une pétition pour encourager les évêques du monde entier à prêcher sans hésitation sur ce sujet clé. Son but : rassembler un million de signatures d’ici le 25 juillet 2018, qui marquera le cinquantième anniversaire d’Humanæ Vitæ.
Inlassablement, il enseignait, il écrivait… La loi naturelle gravée au plus profond de chacun d’entre nous par le Créateur est le fil conducteur qui traverse les quinze livres de ce zélé thomiste. Le mariage existe afin qu’un homme et une femme, unis pour toujours, puissent offrir à leur progéniture un cadre stable pour grandir et apprendre à aimer. Cette vérité-là, il n’en démordait pas. Dans son dernier ouvrage, Contraception et Persécution, publié l’été dernier, il précisait : « La société contraceptive ne peut dénoncer l’activité homosexuelle comme illégitime sans se dénoncer elle-même. Si c’est à chaque individu de décider si l’acte sexuel aura ou non un rapport avec la procréation, il s’ensuit que les objections au “mariage gay”, à la polygamie, à la bestialité, ne sauraient être qu’esthétiques et arbitraires. »
Aujourd’hui, l’arbitre ultime n’est plus Dieu mais l’État
Le premier commandement est le premier visé, note Charles Rice. Allons-nous essayer de plaire à Dieu ou à nous-mêmes ? « La tolérance de la contraception (82 % des catholiques américains la qualifiaient en 2012 de “moralement acceptable”) a entraîné la perte de la foi en Dieu et le remplacement de la loi de Dieu par la loi de l’État ». Dans ce contexte, les seuls qui ont tort sont ceux qui prétendent qu’un ordre objectif existe. Affirmer la supériorité de la loi naturelle, clamer qu’en l’ignorant on piétine l’authentique dignité de l’homme, c’est s’exposer au totalitarisme de l’État. Charles Rice savait repérer les dangers, avertir les troupes. Que les « fanatiques » prient dans leurs églises, passe encore, dit l’État. Mais surtout, qu’ils n’essaient pas d’appliquer leurs convictions dans le domaine public.
Combat et témoignage
Cette intimidation sournoise a fait rentrer dans le rang des millions de désorientés. Acédie, confusion, absence de repères… Lui voyait clair. Il continuait à se battre, à galvaniser les énergies, à crapahuter vers la victoire. Et à témoigner. Comme en 1988, lorsqu’à la sortie du film La Dernière Tentation du Christ, il s’était planté devant le cinéma de son quartier avec un grand panneau dénonçant le sacrilège. « Il faut travailler dur, répétait-il, mais surtout, surtout il faut prier. »
Enfant de Marie, Charles Rice puisait sa force aux deux sources sûres : la messe et le chapelet. Chaque jour, il communiait à la chapelle de l’hôpital Saint Joseph, près de chez lui. Et chaque jour, il priait les vingt mystères du Rosaire. S’étonnera-t-on qu’une telle âme ait produit un fruit aussi abondant ? La Providence divine a même permis que le Père Hesburgh, celui-là même auquel il s’opposa par conviction durant plusieurs décennies à Notre Dame, meure, à 97 ans, quelques heures après lui…
1. bellarmineforum.org