Promouvoir une culture de paix, un défi du XXIe siècle.

Publié le 30 Juin 2018
Promouvoir une culture de paix, un défi du XXIe siècle. L'Homme Nouveau

Le 3 octobre 2015, dans la principauté de Monaco, pour les 10 ans du règne de S.A.S. le Prince Albert II, l’Association « Human Rights for Life, Justice and Peace » tenait un colloque sur le thème de L’homme, la société, la paix. L’objectif avec les intervenants présents était de réfléchir autour des thèmes suivants : Science, Éducation, Politique et Religion, afin de dégager les moyens pour instituer une culture de paix dans le monde. Les Éditions de l’Homme Nouveau publient les actes de ce colloque, nous sommes revenus avec l’association et certains intervenants, sur le contenu. 

Ce colloque intitulé « l’homme, la société et la paix : Faire rayonner le respect et la paix à partir de Monaco. Un acte a pris une dimension symbolique supérieure liée à la neutralité de l’Etat. Quels étaient les objectifs poursuivis ?

Association « Human Rights for Life, Justice and Peace » : Le but de ce colloque était de sensibiliser, et de susciter chez les gens des réflexions sur les enjeux auxquels notre société et notre monde sont confrontés dans le domaine de la Justice et de la Paix. Ce colloque constituait également un hommage aux 10 ans de règne du Prince Souverain et une reconnaissance à l’héritage laissé par la dynastie Grimaldi pour la Principauté, dans son influence historique et mondiale au service de la Paix. 

Ambassadeur Peter MURPHY : Given its historic neutrality, the Principality of Monaco is a superb location in which to base serious discussions related to the respect for the rights of the individual in addition to the pursuit of peace among nations. 

Traduction : Compte tenu de sa neutralité historique, la Principauté de Monaco est un endroit propice par excellence pour mettre en place des échanges sérieux sur le respect des droits de l’Homme ainsi que la recherche de la paix entre les nations

Pouvez-vous nous présenter l’association Human Rights for Life, Justice and Peace et son travail tout au long de l’année ? 

Association « Human Rights for Life, Justice and Peace » : Dans un contexte de désordre et d’instabilité, et face à une jeunesse déboussolée en quête de sens et en même temps en proie au désespoir (qui se traduit par de l’errance, le suicide ou bien par de la radicalisation), une nécessité d’un « réarmement moral » constitue le défi majeur de notre temps pour assurer un avenir enraciné dans la paix. Une paix qui se construit aussi dans des valeurs écologiques en lien avec des comportements responsables.

Notre association s’efforce de travailler dans ce sens, en suscitant réflexions, prises de conscience et de décision, dans ce temps qui constitue un carrefour de choix à prendre pour chacun d’entre nous par rapport à l’avenir, par rapport à la Vie, la Justice et la Paix !

Le travail de l’Association au long de l’année est d’organiser des conférences, cours, expositions, concours, formations et séminaires au niveau national et international, au service des droits de l’Homme et de la Vie, en s’inspirant des enseignements de l’Eglise notamment à travers ses encycliques et plus généralement son Magistère.  À ce sujet, l’Association prends comme référence Saint Jean Paul II, et son action apostolique au service de la vie et de la dignité de l’Homme. 

Ce colloque a traité quatre thèmes très vastes, la science, éducation, la politique et la religion. Il y avait des représentants des trois religions les plus présentes en Europe, le catholicisme, le judaïsme et l’Islam, en partant de visions du monde si différentes, comment trouver des points d’accord ?

Association « Human Rights for Life, Justice and Peace » : Ce sont toutes des religions monothéistes, avec l’existence d’un seul Dieu : un Dieu créateur, un Dieu providence et rétributeur. Elles ont la notion de paradis et d’enfer, le sens du bien et du péché à partir desquels existe une loi divine. Elles croient en l’existence des anges, des saints et des démons et sont au service du respect de la Vie du début jusqu’ à la fin.

Professeur Alberto GARCIA – modérateur du colloque – professeur de Droit et directeur de la Chaire UNESCO en bioéthique et Droits de l’Homme : Para encontrar los puntos de acuerdo se requiere, en primer lugar, querer encontrar dichos puntos de acuerdo. Es decir, voluntad de diálogo con el otro, sin pretender convencer o convertir al otro. Un diálogo sincero y desinteresado que brote del deseo de encontrarme con mis semejantes. En las cuestiones bioéticas, sociales, políticas y culturales -que contribuyen a la cohesión y a la paz social- son muchos más los puntos de convergencia que de divergencia entre las grandes tradiciones culturales y religiosas. 

En segundo lugar, se requiere la virtud de una apertura mental para conocer a los demás, especialmente cuando tienen convicciones religiosas, éticas o de estilos de vida distintos a los propios y que algunas veces nos resultan extraños o incomprensibles, desde nuestra propia tradición. 

Finalmente considero fundamental cultivar un aprecio, estima y amistad entre las personas que se disponen a dialogar sobre estos temas que son sensibles para todos, dejar a parte las etiquetas o la natural tendencia a pre-juzgar a los demás por su afiliación a una determinada cultura, diversa a la propia. Apreciar y amar la diversidad para, desde ella, encontrar la comunión o visión común expresa la excelencia de la virtud que no se conforma simplemente con tolerar o no contrarrestar a quienes piensan de manera diversa a la nuestra. En este ejercicio de amistad civil y de apertura a los demás expresamos la naturaleza social, relacional y trascendente que reconoce nuestra vocación universal, como seres humanos, a encontrarnos y entretejer relaciones con los otros y, a través de ellos, con el Otro, el Trascendente, Dios. 

Traduction : Pour trouver les points d’accord, il faut en premier lieu, la volonté de trouver ces points en commun. C’est-à-dire, la volonté de dialoguer avec l’autre, sans essayer de le convaincre ou de le convertir. Un dialogue sincère et désintéressé qui naît du désir de rencontrer mes semblables. Dans les questions bioéthiques, sociales, politiques et culturelles – qui contribuent à la cohésion sociale et à la paix – il y a beaucoup plus de points de convergence que de divergences entre les grandes traditions culturelles et religieuses.

Deuxièmement, la vertu d’une ouverture d’esprit est nécessaire pour connaître les autres, surtout quand ils ont des convictions religieuses ou éthiques ou des styles de vie différents des nôtres et que parfois nous les trouvons étranges ou incompréhensibles, au regard de notre propre tradition.

Enfin, je considère qu’il est essentiel de cultiver une appréciation, une estime et une amitié entre les personnes qui souhaitent parler de ces questions sensibles pour tous, en laissant de côté les étiquettes ou la tendance naturelle à préjuger les autres de leur affiliation à une certaine culture, différente de la nôtre. Apprécier et aimer la diversité, à partir de là, trouver l’accord ou la vision commune qui exprime l’excellence de la vertu qui ne se contente pas de tolérer ou de ne pas contrecarrer ceux qui pensent différemment des nôtres. Dans cet exercice d’amitié civile et d’ouverture aux autres, nous exprimons la nature sociale, relationnelle et transcendante qui reconnaît notre vocation universelle, en tant qu’êtres humains, de rencontrer et d’entrelacer les relations avec autrui et, à travers elles, avec l’Autre, le Transcendant, Dieu.

Docteur Paola BERNARDINI – intervenant au colloque – enseignante et chercheuse sur le dialogue interreligieux, la bioéthique et les droits de l’Homme à l’Université Notre Dame aux Etats-Unis : The three Abrahamic religions have more in common than what is generally thought of. At least as early as the so-called “Convivencia” in Southern Spain (750 AD- 1492 AD) the three Abrahamic religions have engaged both individually and collectively with the question of the proper relation between faith and reason, religion and philosophy, science and revelation. During the same era, western Christianity inherited the works of Aristotle, algebra, and advanced astronomical tools from Arab philosophers and mathematicians. Our age is ripe with similar examples of collaboration between different faith traditions. Jewish, Christian and Muslim participants to the Colloquium, for example, agreed that religious texts, properly understood, share some universal moral, and spiritual values. Above all, they expressed the common view that respect for creation, human dignity, and peace should guide modern scientific advancements and inspire political life in our pluralistic societies. The Second Vatican Council Declaration on the relation of the Church to other Non-Christian Religions was already very well aware of these commonalities and encouraged the faithful to « recognize, preserve and promote the good things, spiritual and moral, as well as the socio-cultural values found among men. »

Traduction : Les trois religions abrahamiques ont plus de points communs que ce que l’on pense généralement. Au moins aussi tôt que la soi-disant « Convivencia » dans le sud de l’Espagne (750 AD – 1492 AD) les trois religions abrahamiques ont engagé individuellement et collectivement une réflexion sur les questions des relations appropriées entre foi et raison, religion et philosophie, science et révélation. À la même époque, le christianisme occidental a hérité des travaux d’Aristote, de l’algèbre et des outils astronomiques avancés des philosophes et des mathématiciens arabes. Notre époque est mûre avec des exemples similaires de collaboration entre différentes traditions religieuses. Les participants juifs, chrétiens et musulmans au Colloque, par exemple, ont convenu que les textes religieux, correctement compris, partagent certaines valeurs morales et spirituelles universelles. Surtout, ils ont exprimé l’opinion commune que le respect de la création, de la dignité humaine et de la paix devrait guider les progrès scientifiques modernes et inspirer la vie politique dans nos sociétés pluralistes. La Déclaration du Concile Vatican II sur la relation de l’Église avec les autres religions non chrétiennes était déjà très consciente de ces points communs et encourageait les fidèles à  «  reconnaître, préserver et promouvoir les bonnes choses, spirituelles et morales, ainsi que les valeurs culturelles trouvées parmi les hommes.  » 

La devise de l’école de guerre est une traduction de la fameuse locution latine « Si vis pacem, para bellum », la paix suppose-t-elle l’absence de violence ? 

Association « Human Rights for Life, Justice and Peace » : La paix suppose une volonté, une décision et un choix qui sont délibérés, et à partir desquels l’individu est amené à se positionner. Cela suppose ainsi une vigilance et même un esprit combatif pour la préserver, ou la renforcer. La paix peut être confrontée à de l’hostilité. Dans ce cas il peut s’avérer nécessaire de la défendre, jusqu’ à parfois être amené à user de la violence contre ses ennemis. Mais cette violence, se fera par devoir, dans le cadre d’une légitime défense au service de cette Paix. Nous sommes alors non pas dans une guerre de conquête mais une guerre de légitime défense. Dans ce sens, « si tu veux la Paix prépare la guerre » suppose la présence de la violence potentielle, par nécessité, par devoir, et non de la violence en soi. 

Père Thomas JOACHIM – intervenant au colloque – professeur de philosophie et de théologie au sein de la Communauté St Jean : Bien sûr que la paix comme telle suppose l’absence de violence. Dans l’absolu paix et violence sont deux termes antinomiques puisque la paix (ou la concorde) suppose l’unification des cœurs (concorde = cum cordia), alors que la violence provient de leur division. Mais le chemin vers la paix, par contre, implique parfois de faire violence au mal qui s’oppose à la paix. La difficulté réside dans définition de la paix véritable (et de la justice qu’elle suppose) et dans la précision de la mesure avec laquelle on accepte d’utiliser une certaine violence en vue de la paix (la fin légitime ne justifiant pas n’importe quel moyen). 

Ambassadeur Peter MURPHY : « Si vis pacem, para bellum” Since the days of Roman General Vegetius 2,000 years ago, several great nations have followed this adage by preserving its political, economic and moral freedom by maintaining strong military preeminence.  Paul VI added to this dictum as follows « If you want peace, work for justice!”.

Traduction : « Si tu veux la Paix prépare la guerre » Depuis l’époque du général romain Vegetius il y a 2000 ans, plusieurs grandes nations ont suivi cet adage en préservant sa liberté politique, économique et morale en maintenant une forte prédominance militaire. Paul VI a ajouté à ce dicton : « Si vous voulez la paix, travaillez pour la justice !« .

L’homme, la société, la paix, Actes colloque, 246 p.

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