La réforme du collège par Najat Vallaud-Belkacem a soulevé beaucoup d’indignation. Elle est pourtant dans la continuité parfaite de la « réforme générale de l’enseignement » entreprise en 1961 sous la présidence du général De Gaulle et réalisée sans bruit par deux hauts fonctionnaires du ministère, René Haby et Jean Capelle, adeptes l’un et l’autre de la pédagogie moderne. Débutèrent alors la méthode globale, la grammaire réduite, l’Histoire sans chronologie et autres nouveautés. En 1975, René Haby, devenu ministre de l’Éducation nationale, fait voter la loi du « collège unique », « école de la réussite de tous ». « Apprendre pour mieux réussir », dit aujourd’hui le nouveau ministre. Son objectif, comme celui de Haby, est la « maîtrise des savoirs » par l’« interaction » des élèves et des professeurs. Nous sommes en utopie. Najat Vallaud-Belkacem est socialiste, mais il ne faudrait pas trop charger les socialistes. C’est la « droite » qui a introduit l’utopie.
Interdisciplinarité, diversité…
La nouveauté du décret Belkacem consiste dans les « heures complémentaires d’enseignement ». Par exemple, en cinquième, sur les vingt-cinq heures attribuées à cette classe, il y aura quatre « heures complémentaires ». L’enseignement de ces heures sera original. On traitera de thèmes comme le développement durable et le parcours citoyen. On pratiquera l’interdisciplinarité. Les élèves travailleront ensemble. L’« ensemble » est la marotte de l’utopie.
La réforme s’imposait pour sauver les principes du collège unique, soit l’égalité et la réussite de tous. À cause du grand nombre des enfants de l’immigration récente, le collège Haby ne convenait plus. « Aujourd’hui, lisons-nous dans le décret, le collège est trop uniforme. Il n’est pas adapté à la diversité (sic) des élèves ». Le souci d’adapter a prédominé. Les disciplines traditionnelles souffrent. Le latin est sauvé, le grec disparaît. Il y aura deux langues vivantes dans chaque classe, mais les classes dites « européennes » sont supprimées.
Une opposition factice
Selon le grand quotidien du matin, le décret Belkacem aurait été « attaqué de toutes parts ». C’est exagéré. La direction de l’enseignement catholique a pris position en sa faveur. On a parlé d’une pétition de protestation de 70 députés de la droite. En fait ces députés se demandent si les nouveaux manuels seront prêts pour la rentrée 2016.
Des écrivains connus ont crié au retour à la barbarie, au reniement des humanités, à l’oubli du passé de notre pays. Ces juges sévères auraient dû protester plus tôt. Depuis près de quarante ans l’enseignement des collèges n’a cessé de se dégrader. Les censeurs du décret Belkacem ont-ils jamais regardé les manuels scolaires ? Ils y auraient vu que le mal était déjà fait. L’actuel ministre pose un pansement sur un corps en décomposition.