Ce dimanche 28 janvier est celui de la septuagésime pour les fidèles de la messe traditionnelle. Mais quel sens revêt ce dimanche quelque peu oublié par certains catholiques ?
Septuagésime : voilà un mot qui ne parle plus, aujourd’hui, à tous les catholiques. En effet, ce temps a disparu du cycle liturgique en 1969 mais est encore vécu par les fidèles de la messe traditionnelle.
Pour beaucoup, le carême est un temps redouté et qui arrive toujours trop vite. Pourtant, ceux qui essaient de vivre le mieux possible cette préparation au sommet de l’année chrétienne se sont rendus compte, à l’usage, que ces quarante de jours de prière et de pénitence passaient toujours trop rapidement. Raison pour laquelle nos ancêtres avaient décrété une « préparation à la préparation » : les quarante jours du carême – représentant les quarante jours de Jésus au désert – sont étendus à soixante-dix jours.
Soixante-dix jours de pénitence et d’attente
Symboliquement, ces soixante-dix jours correspondent aux soixante-dix ans de la captivité de Babylone, figure du péché, qui s’oppose à la cité de Dieu, Jérusalem. C’est donc le temps des épreuves, des difficultés, de la lutte contre la tentation et le péché. Mais soixante-dix, c’est aussi le nombre de semaines d’années prédites par le prophète Daniel avant l’arrivée du Messie. Et si nous n’attendons plus sa venue comme à Noël, nous attendons en revanche notre salut et l’établissement de son règne.
Pour marquer la pénitence, c’est à partir du dimanche de la septuagésime que l’Église revêt à nouveau le violet et supprime le chant du Gloria mais aussi celui de l’Alléluia.
Plongée dans l’histoire du salut
Du côté des lectures, le fidèle – mais surtout le prêtre – qui, par son bréviaire et les messe quotidienne, est plongé dans la liturgie – voient défiler devant leurs yeux toute l’histoire du salut. C’est un véritable retour aux source, grâce auquel les chrétiens apprennent à distinguer à nouveau ce qui fait d’eux des enfants de Dieu. Pendant des mois, il se sont comme « dispersés », « éparpillés façon puzzle » et voici enfin venu le moment de se réformer, reformer, de retrouver une unité indispensable à leur équilibre et à la paix du cœur, unité à construire autour du mystère de la rédemption !
Comment la sainte Église s’y prend-elle ? Elle va faire ce qu’elle seule est capable de mettre en œuvre : nous faire toucher du doigt notre profonde misère et, à la fois, nous donner la sainte espérance.
Le bréviaire, au cours des semaines à venir, va nous donner à lire l’histoire d’Adam, de Noé, d’Abraham, Jacob, Joseph et Moïse. Et, en parallèle, la sainte messe va nous parler de l’accomplissement des écritures :
- Jésus est le nouvel Adam, le vrai Noé, le vrai Abraham, le vrai Jacob, le vrai Joseph et, enfin, le vrai Moïse. C’est bien Notre-Seigneur Jésus-Christ qui va réparer le mal causé par Adam et délivrer les âmes des « gémissements de la mort » et des « douleurs de l’enfer ».
- C’est lui aussi qui est le véritable Noé, c’est-à-dire le fondateur d’un peuple nouveau qu’il a mis à l’abri dans l’arche de la sainte Église.
- De même, il est plus parfaitement qu’Abraham le chef du peuple que Dieu s’est choisi ;
- il est pleinement Isaac, le fils unique et très-aimé, sacrifié véritablement sur ordre du Ciel ;
- et, mieux encore que Jacob, le protégé et le béni de Dieu.
- Plus que le patriarche Joseph, il sut rendre le bien pour le mal et sauver les peuples de la mort ;
- et, enfin, si Moïse put délivrer Israël de la captivité en Égypte, lui faire traverser la mer Rouge et le nourrir d’une manne céleste, Jésus, lui, délivra les hommes de l’esclavage du péché, les fit traverser de la terre vers le Ciel et les nourrit avec son propre corps !
Prendre conscience de sa misère
Commençons par le commencement : la conscience de notre misère et de notre besoin de grâce. Car sans misère, pas de miséricorde ! Et qui ne se sait pas en mauvaise santé ne peut faire appel à un médecin. Sa maladie progresse jusqu’à ce que le mal soit incurable et le conduise à la mort. N’évacuons pas le péché, ne cachons pas notre faiblesse. Nous ne sommes ni parfaits, ni purs.
Nous savons que nous ne parviendrons pas à la sainteté par nos propres forces : ce que Dieu nous demande, ce que Dieu nous enseigne, ce n’est pas la performance d’une vie irréprochable mais bien l’accueil de son amour. Et au lieu du désespoir, l’aveu de notre faiblesse – à nous-même, à Dieu, à notre confesseur, aux autres… – sera une porte grande ouverte à la grâce.
Une mystique écrivait, après un voyage en pays cathare :
« Je me suis toujours éloignée de ce qui, devant Dieu, manque de misère… Si je dois me glorifier, ce sera de ma faiblesse, disait saint Paul. Et Sa grâce me suffit.
Rien ne me paraît plus beau, entre Dieu et l’homme, que ces relations magnifiques du péché et de la grâce. Le péché, cette grande blessure, ce cri – l’Église, avec David, ne chante guère autre chose – et la grâce, le grand amour qui entre par cette plaie.
Je ne voudrais pas, oh, non ! être sans péché. Je ne voudrais pas, à Dieu, fermer cette porte grande ouverte.
Misère… miséricorde. Toute la religion du Christ tient en ces deux mots-là. »
Il ne faut plus hésiter. Il faut cesser d’être des âmes timorées, lâches, qui voient arriver la préparation à Pâques avec dégoût et crainte… Soyons au contraire des âmes ardentes, brûlantes non de courage mais d’abord d’amour et de confiance. C’est la petite Thérèse qui nous le demande :
« On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. (…) Si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. »
Tableau récapitulatif du temps de la septuagésime et du carême
Dimanche | Lectures du bréviaire | Textes des messes |
Septuagésime | Histoire d’Adam | Jésus, le nouvel Adam |
Sexagésime | Histoire de Noé | Jésus, le vrai Noé |
Quinquagésime | Histoire d’Abraham | Jésus, le vrai Abraham |
1er dim. de carême | La pensée du carême absorbe celle d’Isaac | Jésus, au désert |
2e dim. de carême | Histoire de Jacob | Jésus, le vrai Jacob |
3e dim. de carême | Histoire de Joseph | Jésus, le vrai Joseph |
4e dim. de carême | Histoire de Moïse | Jésus, le vrai Moïse |
« Interrogez les Écritures, disait Jésus, elles vous parlent de Moi ! »
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