> Dossier « Sans familles, pas de société ? » (n° 1824)
La complémentarité homme-femme n’est pas à la mode. Et pourtant son rôle essentiel dans la formation et le développement des enfants est confirmée par les neurosciences. Le professeur René Écochard, docteur en médecine, professeur à l’université Claude-Bernard (Lyon I), nous explique comment cette complémentarité est inscrite dans la biologie masculine et féminine. Entretien.
| Le rôle de la mère dans le développement du cerveau de l’enfant ne fait guère de doute. Le père a-t-il aussi son importance ?
Les échanges du tout-petit avec sa mère donnent à l’enfant les fondements de son aptitude future à vivre en relation. Alors qu’apporte le père ? Une étude réalisée aux États-Unis a montré que les pères passent en moyenne trois fois plus de temps avec leurs enfants qu’en 1965. Il en est de même dans de nombreux pays. Les neurosciences ont décrit les transformations qui se produisent chez l’homme lorsqu’il devient père. Il s’agit de modifications hormonales (baisse de la testostérone, augmentation du cortisol, de la prolactine et de l’ocytocine) et de développement de zones spécifiques du cerveau. Ces transformations commencent au contact de la mère enceinte puis du nouveau-né, et surviennent plus encore lorsqu’il s’occupe de l’enfant. Les interactions du nourrisson avec ses parents préparent son cerveau « émotionnel » d’une façon qui aura un fort impact à l’âge adulte [1]. L’enfant ne reçoit pas du père les mêmes stimulations que de la mère. Le père dirige l’attention du nourrisson non pas sur la communication face à face, comme le fait la mère, mais sur l’environnement. Il stimule l’exploration plus que la relation. Ces deux styles de stimulation sensorielle, « relationnel » et « exploratoire » [2], sont un premier exemple de différences entre action de la mère et du père sur la formation de la personnalité de l’enfant.
| En quoi leurs rôles respectifs dépassent-ils la simple fonction génératrice et nourricière ?
Par son mode relationnel fait de tendresse, physique et affective, la mère apporte à l’enfant la base de sa capacité d’attachement. Ses soins apportent la sérénité dans le lien affectif. Ils associent bien-être physique et psychique. Cependant, le rôle des parents ne s’arrête pas…