Dans le contexte difficile de la pédophilie évoqué précédemment en commentant la lettre du Pape à tout le peuple de Dieu, le Pape vient d’accomplir un voyage en Irlande, à l’occasion de la rencontre mondiale des familles. L’un des moments culminants fut la messe au Phoenix Park, le 26 août à Dublin. Le texte évangélique de la messe tombait fort bien. Après le discours sur le pain eucharistique, les disciples partent les uns après les autres. Jésus demande alors à ses Apôtres s’ils veulent en faire autant, ce qui entraîne la profession de foi de saint Pierre : « A qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle ». Sans Jésus, personne ne peut aller au bout de son pèlerinage terrestre. C’est vrai pour les individus comme pour les familles. Si l’on met Jésus au centre de sa vie, alors nous sommes sûrs de réussir et d’être, selon les paroles de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « l’amour dans le cœur de l’Église ». Mais pour cela, il nous faut absolument accepter toutes les paroles de Jésus, y compris celles qui peuvent paraître dures car si contraires à la sagesse mondaine, alors qu’elles sont esprit et vie. Cette finale du chapitre VI de saint Jean fait penser au début de la Ière lettre aux Corinthiens où saint Paul rappelle que la sagesse de la Croix est scandale pour les juifs et folie pour les païens.
Ces paroles de Jésus doivent hâter sur terre une nouvelle Pentecôte, qui commence par une nouvelle pentecôte de la famille. Et là, il y a beaucoup à faire. N’oublions pas en effet que si l’Esprit Saint agit bien, le diable aussi agit ; il se déchaîne même en livrant son dernier combat à la fois contre la famille et contre le sacerdoce catholique. Ayons une grande dévotion au Saint Esprit, grand méconnu de la vie spirituelle. Il nous a été promis par Notre-Seigneur avant sa Passion et il vient sans cesse pour nous encourager ou nous corriger. Sans lui, nous ne pourrons jamais croire en Jésus. Sans lui, nous serons esclaves du diable et nous perdrons notre liberté qui doit toujours être au service de la vérité. Hélas, le si bel enseignement de l’Église sur la famille, développé à partir des paroles de Jésus sur le mariage et du chapitre V de l’épître aux Ephésiens, devient, pour nos contemporains, l’une des paroles les plus dures à entendre, tant règnent le naturalisme et l’hédonisme. Et pourtant, ce n’est pas une parole dure mais bien une parole de vérité et de vie. Certes, elle demande des sacrifices, mais si on y réfléchit, les exigences de la morale conjugale qui viennent de la loi naturelle font partie de la théologie de la Croix et ce n’est qu’en les suivant que nous pourrons réconcilier le monde avec Dieu. Saint Paul déjà demandait à ses contemporains de ne pas se modeler sur le temps présent.
Défendre la famille devant les menaces qui semblent l’engloutir, évangéliser en annonçant la bonne nouvelle du salut accompli par le Rédempteur de l’homme ne sera jamais facile. Il en a toujours été ainsi. L’histoire nous montre que les défis contemporains existaient déjà dans le passé. Prenons simplement l’exemple de l’Irlande : l’époque de saint Patrick, païenne et druidique, ne portait pas à l’annonce de l’Évangile. L’époque de saint Colomban et des moines irlandais non plus. Pourtant, de Bangor à Bobbio, en passant par Luxeuil et Saint Gall, avec Marie comme étoile de l’évangélisation, ils christianisèrent l’Europe. Cela ne les a pas empêchés de connaître les flots déchaînés de l’adversaire. Soyons des saints. L’heure l’exige impérativement.
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VOYAGE APOSTOLIQUE DU SAINT-PÈRE
EN IRLANDE À L’OCCASION DE LA IXe RENCONTRE MONDIALE DES FAMILLES
(25-26 AOÛT 2018)
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE
« Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68).
Au terme de cette Rencontre Mondiale des Familles, nous sommes rassemblés comme une famille autour de la table du Seigneur. Nous remercions le Seigneur pour toutes les bénédictions reçues dans nos familles. Nous voulons nous engager à vivre pleinement notre vocation pour être, selon les paroles touchantes de Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « l’amour dans le cœur de l’Église ».
Dans ce précieux moment de communion les uns avec les autres et avec le Seigneur, il est bon de faire une halte et de considérer la source de toutes les bonnes choses que nous avons reçues. Jésus révèle l’origine de ces bénédictions dans l’Évangile d’aujourd’hui, quand il parle à ses disciples. Beaucoup d’entre eux étaient bouleversés, désorientés et aussi en colère, discutant pour savoir s’il fallait accepter ses « paroles dures », tellement contraires à la sagesse de ce monde. En réponse, le Seigneur leur dit directement : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie » (Jn 6,63).
Ces paroles, avec leur promesse du don de l’Esprit Saint, sont débordantes de vie pour nous qui les accueillons dans la foi. Elles montrent la source ultime de tout le bien que nous avons expérimenté et célébré ici en ces jours : l’Esprit de Dieu, qui souffle constamment une vie nouvelle sur le monde, dans les cœurs, dans les familles, dans les maisons et dans les paroisses. Chaque nouveau jour dans la vie de nos familles, et chaque nouvelle génération, porte avec soi la promesse d’une nouvelle Pentecôte, une Pentecôte domestique, une nouvelle effusion de l’Esprit, le Paraclet, que Jésus nous envoie comme notre Avocat, notre Consolateur et Celui qui vraiment nous donne du courage.
Combien le monde a besoin de cet encouragement qui est don et promesse de Dieu ! Comme un des fruits de cette célébration de la vie familiale, puissiez-vous revenir chez vous et devenir une source d’encouragement pour les autres, pour partager avec eux « les paroles de la vie éternelle » de Jésus. Vos familles en effet sont à la fois un lieu privilégié et un moyen important pour transmettre ces paroles comme de « bonnes nouvelles » pour chacun, et en particulier pour ceux qui désirent quitter le désert et la « maison d’esclavage » (Cf. Jos 24,17), pour aller vers la terre promise de l’espérance et de la liberté.
Dans la deuxième lecture de ce jour, Saint Paul nous dit que le mariage est une participation au mystère de la fidélité permanente du Christ à son épouse, l’Église (Cf. Ep 5,32). Cependant cet enseignement, quoique magnifique, peut apparaître à certains comme une « parole dure ». Parce que vivre dans l’amour, comme le Christ nous a aimés (Cf. Ep 5,2), comporte l’imitation de son propre sacrifice, comporte de mourir à nous-mêmes pour renaître à un amour plus grand et plus durable. Cet amour qui seul peut sauver le monde de l’esclavage du péché, de l’égoïsme, de l’avidité et de l’indifférence envers les besoins de ceux qui ont moins de chance. C’est cet amour que nous avons connu en Jésus-Christ. Il s’est incarné dans notre monde grâce à une famille, et par le témoignage des familles chrétiennes à chaque génération, il a le pouvoir de briser toutes les barrières pour réconcilier le monde avec Dieu et pour faire de nous ce que depuis toujours nous sommes destinés à être : une unique famille humaine vivant ensemble dans la justice, dans la sainteté et la paix.
La mission de témoigner de cette Bonne Nouvelle n’est pas facile. Cependant les défis auxquels les chrétiens aujourd’hui sont confrontés, sont, à leur manière, non moins difficiles que ceux qu’ont dû affronter les premiers missionnaires irlandais. Je pense à saint Colomban, qui avec son petit groupe de compagnons a porté la lumière de l’Évangile sur les terres européennes à une époque d’obscurité et de décadence culturelle. Leur extraordinaire succès missionnaire n’était pas basé sur des méthodes tactiques ou sur des plans stratégiques, non, mais sur une docilité humble et libératrice aux suggestions de l’Esprit Saint. Ce fut leur témoignage quotidien de fidélité au Christ et entre eux qui a conquis les cœurs qui désiraient ardemment une parole de grâce et qui a contribué à faire naître la culture européenne. Ce témoignage reste une source permanente de renouvellement spirituel et missionnaire pour le peuple saint et fidèle de Dieu.
Naturellement, il y aura toujours des personnes qui s’opposeront à la Bonne Nouvelle, qui « murmureront » contre ses « paroles dures ». Cependant, comme saint Colomban et ses compagnons qui affrontèrent des eaux glacées et des flots déchaînés pour suivre Jésus, ne nous laissons jamais influencer ou décourager par le regard glacial de l’indifférence ou par les vents tempétueux de l’hostilité.
Toutefois, reconnaissons humblement que, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous pouvons nous aussi trouver durs les enseignements de Jésus. Combien il est toujours difficile de pardonner à ceux qui nous blessent ! Quel défi est toujours celui d’accueillir le migrant et l’étranger ! Comme il est douloureux de supporter la déception, le refus, la trahison ! Combien il est gênant de protéger les droits des plus fragiles, de ceux qui ne sont pas encore nés ou des plus anciens, qui semblent déranger notre sens de la liberté.
Pourtant, c’est justement dans ces circonstances que le Seigneur nous demande : » Voulez-vous partir, vous aussi ? » (Jn 6, 67). Avec la force de l’Esprit qui nous encourage et avec le Seigneur toujours à nos côtés, nous pouvons répondre : « Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu » ( v. 69). Avec le peuple d’Israël, nous pouvons redire : « Nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu » (Jos 24,18).
Avec les sacrements du Baptême et de la Confirmation, tout chrétien est envoyé pour être missionnaire, un « disciple missionnaire » (Cf. Evangelii gaudium, n. 120). L’Église dans son ensemble est appelée à « sortir » pour porter les paroles de la vie éternelle aux périphéries du monde. Puisse notre célébration d’aujourd’hui confirmer chacun de vous, parents et grand- parents, enfants et jeunes, hommes et femmes, frères et sœurs, contemplatifs et missionnaires, diacres, prêtres et évêques, à partager la joie de l’Évangile ! Puissiez-vous partager l’Évangile de la famille comme une joie pour le monde !
En nous préparant à reprendre chacun notre propre route, renouvelons notre fidélité au Seigneur et à la vocation à laquelle il a appelé chacun de nous. En faisant nôtre la prière de Saint Patrick, redisons chacun avec joie : « Christ en moi, Christ derrière moi, Christ avec moi, Christ sous moi, Christ sur moi ». Avec la joie et la force données par l’Esprit Saint, disons-lui avec confiance : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6,68).