La longue histoire de la basilique la plus célèbre de la Chrétienté, avec ses architectes géniaux, ses ruines successives, ses papes bâtisseurs, ses pèlerinages, fait parfois oublier sa raison d’être : la tombe de l’apôtre Pierre, choisi par le Christ pour bâtir son Église.
Saint-Pierre de Rome
L’Ager vaticanus passait, au Ier siècle de notre ère, pour un lieu de désolation, maudit des dieux en raison des devins, vates en latin, qui y tiraient les oracles, pratique interdite dans l’enceinte de Rome. Sujet aux inondations du Tibre voisin, qui y amenait régulièrement des sauriens et serpents échappés de vivariums, l’endroit favorisait le paludisme et diverses infections. Peut-être exagérait-on, d’ailleurs, la réputation de ce « lieu infâme » puisque cela n’empêchait pas la haute société, dès la fin de la République, de s’y faire installer des maisons de villégiature entourées de parcs magnifiques. Caligula hérita de l’un de ces domaines, et ce Palatiolum, ce « petit palais », passa ensuite à Néron dont il devint l’un des refuges favoris car hors de la Ville elle-même. En août 64, au lendemain de l’incendie de Rome, le prince l’ouvrit, comme tous les autres espaces verts, aux innombrables sinistrés et sans-abri de la catastrophe. C’est d’ailleurs dans ces jardins que, selon Tacite, il livra à divers supplices ludiques les incendiaires présumés qu’étaient les chrétiens, façon comme une autre de distraire les victimes de leur malheur et de détourner les soupçons qui le rendaient responsable du désastre. Le palais comportait aussi un amphithéâtre privé dans lequel, selon la Tradition, et puisque les autres sites de spectacle avaient disparu, le 29 juin 68, Pierre fut crucifié la tête en bas, à sa demande, dit-on, pour ne pas mourir exactement de la même mort que son maître. La Tradition rapporte que le cadavre de l’apôtre, récupéré par les fidèles, fut enseveli tout près de là, dans cette partie du Vatican qui commençait à se transformer en cimetière, comme l’attestent les très nombreuses sépultures que l’on peut encore voir dans les grottes vaticanes. Un petit monument, dit « Trophée de Pierre et de Paul », fut élevé ensuite sur cette tombe qui avait la forme d’un modeste baldaquin. À cet emplacement tenu pour la tombe du Pêcheur et vénéré comme tel dès le IIe siècle par les chrétiens, Constantin fit édifier en 324 une gigantesque basilique à cinq nefs, du type dit justement « constantinien », sans doute très comparable à celle de Saint-Paul-hors-les-Murs,…