L’unité des chrétiens, un fruit de la grâce de Dieu

Publié le 06 Fév 2019
L’unité des chrétiens, un fruit de la grâce de Dieu L'Homme Nouveau

Chaque 18 janvier, ancienne fête de la Chaire de Saint Pierre, s’ouvre l’octave de prière pour l’unité des chrétiens due à l’initiative du Révérend Watson, pasteur anglican de New York, approuvée par saint Pie X en 1909. Cette octave se clôt le 25 janvier en la fête de la conversion de saint Paul. Depuis la fin du pontificat de Pie XII, les papes participent activement à cette octave. Sans la prière et le sang des martyrs, l’unité qui doit toujours se faire dans la vérité et dans la charité, ne pourra jamais avoir lieu. Elle sera toujours un don de la grâce divine.

Comme clé de lecture, le Pape a choisi le chapitre 16ème du Deutéronome, où l’on voit le peuple juif sur le point d’entrer dans la Terre Sainte que Moïse ne pourra que contempler du Mont Nébo. Cet épisode est source d’une grande leçon spirituelle qui rejoint ce que dira saint Paul : « J’ai planté, Appolos a arrosé, un autre a donné la semence ». Moïse n’entrera pas dans la Terre Promise, mais il continue de faire tout son devoir et, comme véritable père de son peuple, il lui rappelle la Loi, pour en souligner les exigences et marquer l’importance de la fidélité vraie et non purement matérielle. Le vrai Dieu est un Dieu jaloux qui ne supporte pas que l’on se tourne vers les idoles, qui sont si nombreuses de nos jours comme alors. Agir ainsi serait commettre un vrai adultère, comme l’attesteront plus tard les Prophètes. Le passage deutéronomique commenté par le Pape insiste sur les trois grandes fêtes juives que le christianisme a reprises, tout en leur donnant un autre sens. La Pâque commémorant la sortie d’Égypte et la libération du peuple annonçait le mystère pascal du Christ vainqueur de la mort et du péché. La Pentecôte, fête du don de la Torah au Sinaï et du renouvellement de l’Alliance, annonçait le don du Saint Esprit provoquant un renouvellement spirituel qui incombe à l’homme intérieur. Enfin, la fête des Tentes ou des Tabernacles se célébrait au commencement de l’automne, au temps des récoltes dans le cycle des fêtes saisonnières. Comme la Pentecôte, elle était liée à la joie des fécondités de la terre, mais elle revêtit vite une signification historique liée au salut d’Israël, en rappelant le passé nomade et l’errance du peuple dans le désert. Elle nous rappelle à nous chrétiens que nous n’avons pas ici-bas de cité permanente et que notre vraie patrie est la Jérusalem céleste. La spiritualité de cette fête juive se retrouve dans la liturgie catholique des Quatre-Temps. Toutes ces fêtes nous exhortent à rendre à Dieu le culte qui lui est dû. Elles rappellent aussi l’importance de la famille et de la conventualité dans le salut qui, bien qu’individuel, demeure ouvert sur les autres, dans le beau mystère de la communion des saints. Quand on oublie cela, quand on oublie les exigences de la charité, la solidarité fait place à l’individualisme et à toutes ses conséquences néfastes. De nos jours, où l’on bafoue Dieu et ses commandements, l’individualisme des hommes qui se prétendent des dieux augmente le fossé entre les nantis et les vrais pauvres en esprit, car l’on peut être riche tout en étant pauvre matériellement.

Le vrai culte est conventuel et partagé. Il exige l’unité de tous, unité qui ne peut se retrouver quand elle a été perdue, que par la vérité et la charité nées toutes deux de l’humilité. Que Marie, qui a plu au Seigneur par son humilité et sa pauvreté en esprit, nous fasse reconnaître le grand don de l’unité, la grâce des grâces. Prions à la suite du Christ lui-même pour l’unité de l’Église et d’abord des catholiques entre eux.

VÊPRES 
AU DÉBUT DE L’OCTAVE
DE PRIÈRE POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS 

Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs
Vendredi 18 janvier 2019

Aujourd’hui a commencé la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, au cours de laquelle nous sommes tous invités à invoquer de Dieu ce grand don. L’unité des chrétiens est un fruit de la grâce de Dieu et nous devons nous disposer à l’accueillir avec un cœur généreux et disponible. Ce soir, je suis particulièrement heureux de prier avec les représentants des autres Eglises présentes à Rome, auxquelles j’adresse un cordial et fraternel salut. Je salue aussi la délégation œcuménique de la Finlande, les étudiants de l’Ecumenical Institute of Bossey, en visite à Rome pour approfondir leur connaissance de l’Eglise catholique, et les jeunes orthodoxes et orthodoxes orientaux qui étudient ici avec le soutien du Comité de Collaboration culturelle avec les Églises orthodoxes, travaillant auprès du Conseil pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. 

Le livre du Deutéronome imagine le peuple d’Israël installé dans les plaines de Moab, sur le point d’entrer dans la Terre que Dieu lui a promise. Ici, Moïse, comme un père prévenant et un chef désigné par le Seigneur, répète la Loi au peuple, l’instruit et lui rappelle qu’il devra vivre avec fidélité et justice une fois qu’il se sera établi dans la terre promise. 

Le passage que nous venons d’écouter fournit des indications sur la manière de célébrer les trois principales fêtes de l’année : Pesach (Pâque), Shavuot (Pentecôte), Sukkot (Tabernacles). Chacune de ces fêtes appelle Israël à la gratitude pour les biens reçus de Dieu. La célébration d’une fête demande la participation de tous. Personne ne peut être exclu : « Tu te réjouiras en présence du Seigneur ton Dieu, au lieu choisi par le Seigneur ton Dieu pour y faire demeurer son nom, et avec toi se réjouiront ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, le lévite qui réside dans ta ville, l’immigré, l’orphelin et la veuve qui sont au milieu de toi » (Dt 16, 11).

Pour chaque fête, il faut accomplir un pèlerinage « dans le lieu choisi par le Seigneur ton Dieu pour y faire demeurer son nom » (v. 2). Là, le fidèle israélite doit se placer devant Dieu. Bien que chaque israélite ait été esclave en Égypte, sans aucune possession personnelle, « personne ne paraîtra les mains vides devant la face du Seigneur » (v. 16) et le don de chacun sera à la mesure de la bénédiction que le Seigneur lui aura donnée. Tous recevront donc leur part de la richesse du pays et bénéficieront de la bonté de Dieu.

Le fait que le texte biblique passe de la célébration des trois fêtes principales à la nomination des juges ne doit pas nous surprendre. Les fêtes-mêmes exhortent le peuple à la justice, rappelant l’égalité fondamentale entre tous les membres, tous également dépendants de la miséricorde divine, et invitant chacun à partager avec les autres les biens reçus. Rendre honneur et gloire au Seigneur dans les fêtes de l’année va de pair avec le fait de rendre honneur et justice à son prochain, surtout s’il est faible et dans le besoin.

Les chrétiens d’Indonésie, réfléchissant sur le choix du thème pour la Semaine de Prière actuelle, ont décidé de s’inspirer de ces paroles du Deutéronome : « C’est la justice, rien que la justice, que tu rechercheras » (16, 20). En elles, est vivante la préoccupation que la croissance économique de leur pays, animée par la logique de la concurrence, en laisse beaucoup dans la pauvreté permettant seulement à un petit nombre de s’enrichir grandement. C’est mettre en danger l’harmonie d’une société dans laquelle des personnes de différentes ethnies, langues et religions vivent ensemble, partageant le sens d’une responsabilité réciproque. 

Mais cela ne vaut pas seulement pour l’Indonésie : cette situation se rencontre dans le reste du monde. Quand la société n’a plus comme fondement le principe de la solidarité et du bien commun, nous assistons au scandale de personnes qui vivent dans l’extrême misère à côté de gratte-ciels, d’hôtels imposants et de luxueux centres commerciaux, symboles d’une richesse éclatante. Nous avons oublié la sagesse de la loi mosaïque, selon laquelle si la richesse n’est pas partagée, la société se divise. 

Saint Paul, écrivant aux Romains, applique la même logique à la communauté chrétienne : ceux qui sont forts doivent s’occuper des faibles. Il n’est pas chrétien de « faire ce qui nous plaît » (15, 1). En suivant l’exemple du Christ, nous devons en effet nous efforcer d’édifier ceux qui sont faibles. La solidarité et la responsabilité commune doivent être les lois qui régissent la famille chrétienne. 

Comme peuple saint de Dieu, nous aussi sommes toujours sur le point d’entrer dans le Royaume que le Seigneur nous a promis. Mais, en étant divisés, nous avons besoin de rappeler l’appel à la justice que Dieu nous a adressé. Même parmi les chrétiens, il y a le risque que prédomine la logique connue des Israélites dans les temps anciens et du peuple indonésien au jour d’aujourd’hui, c’est-à-dire que, dans la tentative d’accumuler des richesses, nous oublions les faibles et les personnes dans le besoin. Il est facile d’oublier l’égalité fondamentale qui existe entre nous : qu’à l’origine nous étions tous esclaves du péché et que le Seigneur nous a sauvés dans le Baptême, nous appelant ses fils. Il est facile de penser que la grâce spirituelle qui nous a été donnée est notre propriété, quelque chose qui nous revient et qui nous appartient. Il est possible, en outre, que les dons reçus de Dieu nous rendent aveugles sur les dons faits aux autres chrétiens. C’est un grave péché de diminuer ou de mépriser les dons que le Seigneur à concédés aux autres frères, en croyant qu’ils sont en quelque sorte moins privilégiés de Dieu. Si nous nourrissons des pensées semblables, nous permettons que la grâce elle-même reçue devienne source d’orgueil, d’injustice et de division. Et comment pourrons-nous alors entrer dans le Royaume promis ?

Le culte qui sied à ce Royaume, le culte que la justice demande, est une fête qui concerne tout le monde, une fête dans laquelle les dons reçus sont rendus accessibles et partagés. Pour accomplir les premiers pas vers cette terre promise qui est notre unité, nous devons surtout reconnaître avec humilité que les bénédictions reçues ne sont pas nôtres de droit, mais qu’elles sont nôtres par don, et qu’elles nous ont été données afin que nous les partagions avec les autres. En second lieu, nous devons reconnaître la valeur de la grâce concédée aux autres communautés chrétiennes. Par conséquent, ce sera notre désir de participer aux dons des autres. Un peuple chrétien renouvelé et enrichi par cet échange de dons sera un peuple capable de marcher d’un pas assuré et confiant sur la voie qui conduit à l’unité. 

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