La pause liturgique : Glória 9, Cum jubilo (Fêtes de la Sainte Vierge)

Publié le 24 Jan 2025
grégorien noël glória

Cum Jubilo, Fêtes de la Sainte Vierge : 

  • Kyrie
  • Glória
  • Sanctus
  • Agnus

Commentaire musical du Glória 9

Gloria 9 Partition copie GlóriaGloria 9 Partition 1 Glória

 

Voici le premier des deux Glória du répertoire grégorien qui sont aujourd’hui consacrés à la Sainte Vierge. C’est le plus ancien des deux, et on le date au moins des XIe-XIIe siècles, les manuscrits qui nous l’ont conservé étant très nombreux à partir de cette époque.

Il s’agit d’un beau 7e mode, enthousiaste, chaleureux, avec un ambitus bien déployé et des intervalles plutôt vastes et dilatés, ce qui encourage à lui donner une certaine plénitude. Il est aussi plus varié que les autres, moins enfermé dans des motifs mélodiques qui reviennent tout au long de la pièce. Ici, c’est le grand large, et ce Glória convient bien alors pour évoquer l’Étoile de la mer, la Vierge-Mère au grand manteau de tendresse, présente dans nos âmes lorsque nous chantons la gloire de son Fils et de la Trinité tout entière.

L’intonation est calme, plutôt en 8e mode qu’en 7e : elle s’enroule autour du Sol, tonique du mode, s’appuie sur le Fa, un ton en dessous, puis monte par degrés conjoints Fa-Sol-La-Si-Do, jusqu’au Do, ne dépassant pas encore la quarte et s’arrêtant sur la dominante du 8e mode, sans oser aller jusqu’au Ré, dominante du 7e. Le petit motif de Deo, Mi-Fa-Sol-Sol est plein de profondeur, et il peut être un peu élargi après une intonation plutôt vive qui monte bien vers l’accent de excélsis, pour redescendre ensuite vers la cadence.

Si on n’a pas encore entendu le Ré, il ne tarde guère à faire son apparition, c’est le moins que l’on puisse dire, puisque dès après l’intonation, l’attaque se fait directement à l’aigu sur la corde dominante du 7e mode, et nous voilà d’emblée bien établis dans la grande louange dilatante. Notons que le petit motif de Deo apparaît sur terra, transposé à la quinte. Le rapport entre le Ré et le Sol est présent dans l’intervalle qui suit, et qui nous ramène du côté de la fondamentale pour une formule, sur pax homínibus, qui réédite celle de in excélsis. Bonæ voluntátis s’achève également sur le même motif de Deo et de terra, mais ramené au grave.

Viennent ensuite les quatre verbes Laudámus te, Benedícimus te, adorámus te, glorifícamus te, qui, c’est presque toujours le cas, forment un ensemble avec de profondes similitudes et une belle progression. Ici, la similitude consiste en une courbe mélodique partant du Ré, descendant, mais pas de façon systématique (jusqu’au La sur Laudámus et glorifícamus, jusqu’au Sol sur benedícimus, jusqu’au Fa sur adorámus), et remontant se poser sur le Ré, sauf pour adorámus te qui se pose sur le Sol, ce qui exprime si bien la courbure de l’adoration.

Grátias ágimus tibi, au contraire, part du Sol et remonte jusqu’au Ré, avant de nous faire entendre sur les mots si bien choisis propter magnam, la première envolée de la pièce au-delà du Ré, touchant le Mi, le Fa, et même le Sol aigu. Cette belle dilatation joyeuse n’empêche pas un retour au grave sur les mots glóriam tuam.

À partir de là, les hauts et les bas de cette mélodie ample et somptueuse vont se succéder, jouant toujours entre le Sol et le Ré, puis dépassant la quinte à l’aigu pour aller toucher le Sol à l’octave. On a ainsi plusieurs sommets sur les mots Rex, qui tollis peccáta, deprecatiónem, miserére, tu solus Dóminus, in glória. Ces sommets ne sont pas identiques, et encore une fois le Glória IX brille par sa variété, c’est comme un bouquet formé de fleurs différentes.

Mais le sommet le plus remarquable, merveilleusement amené par la progression mélodique de tu solus sanctus, tu solus Dóminus, se situe sur le troisième tu solus, où là, même le Sol est dépassé, offrant un La magnifique qu’il faut bien goûter.

Notons encore qu’à partir de Dómine Fili unigénite, donc pour toute la partie christologique, toutes les cadences finales des phrases mélodiques sont situées à l’aigu, sur le Ré, on a donc deux parties assez bien distinctes, l’une commandée par le Sol grave, et l’autre par le Ré.

La pièce s’achève avec une belle plénitude sur les mots in glória Dei Patris, bien campés au sommet, et sonnant bien haut la gloire de Dieu. Le mot Amen, quant à lui, ramène enfin pour finir la mélodie du Ré au Sol grave. Il est large dans sa belle descente, appuyé, solennel.

Ce Glória si varié demande une richesse vocale, une ampleur de mouvement, dues aux intervalles larges et même un peu spectaculaires. Et en même temps, il ne manque aucunement de cette délicatesse exquise qui l’approprie si facilement à la Sainte Vierge. C’est une mélodie pure et enthousiaste, chaste et lyrique à la fois, qui fait penser au Magnificat de Marie.

 

>> à lire également : Notre quinzaine : Arius toujours vivant ! 

 

Un moine de Triors

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