Notre quinzaine : Quelle révolution américaine ?

Publié le 05 Mar 2025
révolution Vance

Donald Trump et J.D. Vance en 2024.

> Éditorial de Philippe Maxence

S’il est bien sûr encore trop tôt pour mesurer l’impact exact de la « révolution » Trump, force est de constater que les lignes ont commencé à bouger. La visite en Europe du vice-président J. D. Vance, en février dernier, a marqué les esprits (cf. l’analyse de Thibaud Collin). Elle a aussi profondément agité la tranquillité suffisante de la nomenklatura européenne. Mise au pied du mur, il reste à celle-ci à courir après les événements pour réintroduire l’Europe dans le champ de l’Histoire.

À vrai dire, cette course de fond semble mal partie, tant le techno-libéralisme embue les lunettes savantes de nos édiles européens. L’Europe, dont l’unification avait été vendue comme la possibilité d’être un acteur mondial de poids, est hors jeu. On l’a vu récemment à propos de la guerre en Ukraine. Lors du sommet du 18 février dernier, en Arabie Saoudite, il n’y avait que les négociateurs états-uniens et russes. Et ce n’est pas fini. Dans les prochains mois, la politique protectionniste américaine risque de faire souffrir lourdement l’économie française et européenne.

Le « rêve » américain

La venue en Europe de J. D. Vance n’a pas seulement marqué les responsables européens. Elle a aussi permis au grand public de découvrir le nouveau vice-président des États-Unis, jeune père de famille catholique, au parcours assez incroyable, allant de la plus grande misère sociale au faîte du pouvoir en passant par Yale et le sénat américain.

Encore disponible avant sa venue en Europe, la version française de son autobiographie, Hillbilly Élégie, est désormais épuisée en format de poche. Le personnage intrigue, attire, séduit, principalement les milieux catholiques et conservateurs. On le comprend aisément. Vance incarne en tous points le « rêve américain » et ce n’est effectivement pas un hasard si Netflix a adapté en film cet incroyable récit.

Toutefois, la carrière politique de Vance doit beaucoup à Peter Thiel. Cofondateur de Paypal, celui-ci est un personnage clef de la Silicon Valley, un libertarien désabusé devant le poids de l’administration américaine, promouvant des alternatives à l’État comme des « communautés océaniques permanentes et autonomes pour permettre l’expérimentation et l’innovation avec divers systèmes sociaux, politiques et juridiques » (Le Monde, 15 novembre 2024), membre aussi, selon l’AFP (dépêche du 9 novembre 2016), du Bilderberg.

Comme Curtis Yarvin, un autre proche de Vance, il se présente aujourd’hui comme un « techno-monarchiste» qui a peu à voir avec Louis XIV et encore moins avec saint Louis. 

Changer de régime

En attendant, l’une des clefs de la révolution américaine en cours se trouve peut-être dans un des derniers essais de Patrick J. Deneen, Regime change : towards a postliberal future. Professeur de philosophie politique à l’Université Notre-Dame, Deneen avait déjà démontré dans Pourquoi le libéralisme a échoué (L’Artisan, 2020) que celui-ci a failli car il a en fait réussi mais qu’il est incapable de garantir ses propres présupposés.

Devenu l’un des penseurs du post-libéralisme, son dernier livre postule la nécessité d’un changement de régime aux États-Unis, thèse que Jorge Soley Climent, dans le dernier numéro de la revue Catholica, résume ainsi : « Il s’agit donc d’un changement de régime, mais au terme duquel, de manière externe, tout continue de manière similaire. Les formes, les institutions, le cadre, seront les mêmes, mais ceux qui seront aux commandes auront un nouvel ethos, et le régime sera autre. »

Cette véritable révolution passerait par l’alliance des classes populaires et d’une partie de l’élite, alliance que Deneen baptise « aristopopulisme ». Si dans la pensée de Deneen, l’ethos en question est classique et chrétien, rien ne permet d’affirmer qu’il en sera toujours ainsi, comme le remarque avec justesse Jorge Soley Climent. Comme Vance, Deneen s’insère en fait dans la perspective d’un renouvellement de la démocratie et même dans une espèce de retour aux sources, dont le « peuple » serait la voix souveraine. La racine du mal ne semble pas visée.

Terminons en invoquant l’état de santé de François. À l’heure où nous bouclons ce numéro, il est trop tôt pour dire dans quelle direction il évoluera. L’annonce de son hospitalisation a donné lieu à bien des rumeurs et des projections en ce qui concerne son successeur. La première chose est certainement de prier pour qu’à l’heure de Dieu, il fasse une bonne mort, au sens surnaturel du terme. La deuxième est de prier et d’espérer que son successeur laisse exister en paix tout ce qui entend vivre pleinement en catholique.

 

>> à lire également : « Critères », de la déconstruction à l’ordre des choses

 

Philippe Maxence

Philippe Maxence

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