La pause liturgique : Introït Justus ut palma florébit (Commun des saints)

Publié le 08 Mar 2025
communion kyrie introït

 

Traduction Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban ; planté dans les parvis du Seigneur, il grandira dans la maison de notre Dieu.

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur, de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut !

(Psaume 91, 13-14, 2)

 

Commentaire spirituel

Avec cet introït, dont le texte est emprunté au psaume 91 (92 selon l’hébreu), nous nous mettons à l’école et à l’écoute de la nature. Le Seigneur a largement puisé, dans son enseignement, à cette source authentique de la révélation de Dieu qu’est la Création. Les beautés de la Création ont reçu ce don, cette capacité de nous plonger dans l’admiration, dans la méditation, dans une réflexion profonde sur le sens de cette vie qui nous est donnée.

Il suffit de se sentir tout petit sous l’immense voûte étoilée, perdu dans un désert, témoin du déferlement d’une tempête en mer, ébloui par les splendeurs des paysages de montagne, émerveillé par le manteau de neige qui recouvre la terre de blancheur et de lumière, les yeux fixés sur la flamme mystérieuse d’un feu de bois, pour sentir son âme se dilater, s’élever au-dessus d’elle même et se rendre voisine de l’infini, de l’éternité.

D’autres réalités créées encore nous parlent de Dieu : le mystère de la vie, la naissance d’un petit d’homme, le mystère de la mort qui nous plonge dans l’incertitude ou la certitude de l’au-delà. Ou même simplement la contemplation d’un beau visage, le sentiment de l’amour qui peut nous envahir à travers l’amitié. Tout cela nous parle de Dieu, ou plus exactement c’est Dieu qui nous parle à travers tout cela. Il se révèle.

Puisque c’est lui qui a créé tout cela, c’est qu’il possède, et en plénitude, toutes les qualités que l’on peut trouver et apprécier dans les créatures. Le bien, le beau, n’existent que de manière fragmentée dans les créatures, c’est ce qui fait d’ailleurs qu’on se montre parfois jaloux du bien, du beau, qui sont dans les autres créatures et pas en nous. Et cela peut aller jusqu’à la guerre…

Dieu, lui, résume en lui et amplifie à l’infini ces qualités. Tout, dès lors, devient occasion de louange de Dieu, une louange qui remonte vers lui, en réponse à son amour qui s’est manifesté de façon si splendide. On peut alors citer un texte du livre de la Sagesse (13, 5) repris d’ailleurs par saint Paul dans l’Épître aux Romains : « La grandeur et la beauté des créatures font, par analogie, contempler leur Auteur. »

Et ici, il s’agit de la créature végétale, et plus exactement d’un arbre ou de deux arbres bibliques : le palmier et le cèdre. Deux arbres très différents dont les symbolismes se complètent. Le palmier fleurit et fructifie, c’est un arbre gracieux, généreux, exubérant, capable de pousser et de croître dans le désert pourvu qu’il y trouve un peu d’eau. C’est l’arbre de l’oasis, symbole de repos, de fraîcheur au milieu des sécheresses de la traversée étouffante des solitudes arides. Il n’est donc pas difficile d’en faire un arbre paradisiaque, ou en tout cas de s’en servir pour illustrer la sainteté d’un homme (justus) qui s’épanouit sur notre terre de chagrin et de larmes.

Quant au cèdre, il possède la beauté majestueuse qui en fait un roi parmi ses congénères : la solidité qui lui permet de traverser les siècles. Il est très haut et élancé, il demeure le même, été comme hiver, il pousse et grandit de préférence sur les monts enneigés, ceux du Liban notamment, et il évoque alors le ciel qui touche de plus près les sommets. Lui aussi devient un symbole de sainteté, de transcendance.

Ce que nous dit cet introït, c’est que le saint est à la fois un homme de Dieu et un homme de bien au milieu de ses frères.

Mais voici qu’en plus du désert et de la montagne, notre chant nous parle aussi d’un arbre planté et épanoui dans une maison. Voilà qui est insolite et qui nous rapproche davantage du signifié, c’est-à-dire de l’homme que ces deux arbres désignaient à notre vénération.

La maison, pour un juif, la maison par excellence, c’est le temple, la maison de Dieu. Et celui qui s’y épanouit, c’est le jeune rabbi, le jeune docteur qui s’est enraciné dans l’enseignement de la loi, qui s’est fortifié en puisant à la source de l’eau vive des commandements de Dieu, et qui, exposé aux rayons bienfaisants du soleil de sa Parole, a tendu sa ramure vers le ciel par son enseignement.

Comment ne pas penser à Jésus qui, à l’âge de douze ans, faisait l’admiration des docteurs et des prêtres réunis autour de lui dans la maison de son Père ?

Ce texte magnifique exalte la sainteté de l’ancien comme du nouveau Testament. Le temple, pour nous chrétiens, c’est l’Église, dont le parvis est recouvert de diverses floraisons, grandes ou petites, mais toutes dressées pour proclamer ensemble la louange du Créateur et Dieu Sauveur.

 

Commentaire musical

Justus ut palma Partition introït

La mélodie de cet introït est mystérieuse et très contemplative. Elle prend son temps, et elle nous invite par là à prendre le temps, nous aussi, de contempler la croissance silencieuse et régulière du bien dans l’humanité. Tout est souverainement calme dans ce 1er mode qui s’apparente presque à un 4e mode, tant son atmosphère générale est douce et profonde, intense dans le silence, harmonieuse et paisible. Deux longues phrases musicales se partagent ce beau chant d’entrée.

La première phrase est divisée en deux membres qui sont bien distincts l’un de l’autre : le premier (justus ut palma florébit) est tout recueilli. On ne dépasse pas le Fa qui est omniprésent et qui attire à lui toutes les longues. La mélodie se cantonne à l’intérieur d’une simple tierce Ré-Fa, avec quelques appuis sur le Do qui sont significatifs de cet enracinement de l’arbre et du saint dans la richesse de la terre ou de la grâce. Les notes longues traduisent musicalement la lente croissance du juste comme de l’arbre qui le figure.

Le mouvement est large, l’intensité vocale est mesurée voire piano, au profit d’une intensité plus intérieure, d’une présence qui doit animer cette ligne horizontale en lui donnant chaleur et vie.

Puis, le second membre de phrase monte de façon syllabique, donc beaucoup plus en élan, du Do au Ré puis au Fa qui cette fois est rapidement dépassé, le mot líbani se posant en cadence sur le La. Cette corde joue alors pleinement son rôle de dominante autour de laquelle tout se déploie. Et le magnifique élan qui va vers l’accent de multiplicábitur exprime au mieux le déploiement majestueux du cèdre sur sa montagne.

Après ce sommet qui va toucher le Do, la mélodie se détend, notamment sur le double La puis le double Sol qui amènent une cadence suspensive et bien expressive Fa-Sol, traduisant l’admiration du psalmiste devant la splendeur spirituelle du juste comme devant le paysage naturel qui s’offre à ses yeux.

Et la seconde phrase revient alors au recueillement initial : le Fa réapparaît comme dominante dépassée seulement ici ou là par quelques Sol, et attirant à lui les notes longues qui expriment cette fois davantage la tranquille et inaltérable paix que ressentent ceux qui contemplent l’arbre solide parvenu à son âge adulte, sur le parvis de la maison du Seigneur, image très parlante et très chantante du rayonnement discret mais puissant du saint dans l’Église.

Tout est calme, souverainement calme, et la paix du 1er mode joue son rôle à plein. Le mouvement s’élargit sur les deux derniers mots Dei nostri, donnant à toute cette pièce une saveur théologale qui contribue aussi à conférer la paix.

Voilà un très bel introït, fait de peu de choses au plan musical, mais admirablement bien mené dans sa progression en trois temps, le troisième temps répondant au premier et le second constituant l’apex de la pièce, le tout dans une atmosphère très recueillie et un mouvement général large et fervent.

 

>> à lire également : Nullités de mariage, une réforme mal reçue

 

Mayalen de Vergnette

Mayalen de Vergnette

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