Une des résolutions votées par l’Assemblée des évêques de France en 2021, dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels, concernait l’identification des prêtres autorisés à célébrer la messe et confesser. Il s’agissait de moderniser le document classique appelé celebret. Mais la solution retenue ne convainc pas. Explications.
Qu’est-ce qu’un celebret ?
Le celebret est la carte d’identité du prêtre. Il s’agit d’un document officiel et administratif de l’Église que le prêtre reçoit le jour de son ordination. Il stipule qu’il peut célébrer la sainte messe et confesser. Il est muni du sceau du diocèse où le prêtre a été ordonné et est remis à ce dernier par son autorité ecclésiastique : l’évêque pour le clergé séculier et le supérieur pour le clergé régulier. Ce document est valable un an. Il est utile afin d’identifier un prêtre lorsqu’il se trouve hors de son diocèse : il permet de vérifier qu’il est ordonné validement et donc habilité à dispenser les sacrements aux fidèles.
Quelle est l’origine de ce document ?
Le celebret date du concile de Trente (1545-1563) : « Nul ecclésiastique étranger ne sera reçu non plus par aucun évêque à célébrer les divins mystères, ni à administrer les sacrements, sans lettres de recommandation de son Ordinaire. » (Décrets du Concile de Trente, XXIIIe session, canon VIII, chapitre XVI)
Quels changements vont-ils être mis en place ?
L’Église de France travaille actuellement sur un nouveau modèle national de celebret. Celui-ci ne sera plus exclusivement réservé aux prêtres, mais s’étendra également aux diacres permanents.
Alors qu’il prenait des formes différentes selon les diocèses, il aura un format de carte d’identité, qui comprendra toutes les informations concernant le clerc, sa photographie, un identifiant personnel unique (ID) et un code QR donnant accès à un annuaire national sécurisé des prêtres et diacres de France.
Quelles seront les informations accessibles via ce nouveau document ?
Sur la carte seront visibles les prénom, nom, date et lieu de naissance, photographie du clerc, ses informations d’ordination et d’incardination, son identifiant personnel et un code QR.
Via le code QR pourront être connues les coordonnées et fonctions actuelles du clerc, ainsi que les habilitations et restrictions particulières à l’exercice de son ministère. Concrètement, un système de couleurs (vert, orange et rouge) permettra d’avoir un premier aperçu de l’existence ou non de restrictions.
Afin d’avoir le détail de ces restrictions, il faudra se connecter au site celebret.cef.fr, indiquer le nom et l’identifiant du clerc et entrer son code confidentiel.
Pourquoi de tels changements ?
Ces changements à propos du celebret ont été votés lors de l’Assemblée plénière des évêques de France de novembre 2021 : « Les évêques de France décident pour tous les prêtres (séculiers et religieux) l’instauration d’un modèle national de celebret mis à jour régulièrement, avec indication de la faculté de confesser. » (mesure 2.3)
Ils visent à homogénéiser ce document, évitant ainsi que des imposteurs ne créent de faux celebrets.
Ces changements, décidés un mois après la remise du rapport de la Ciase, font aussi partie des mesures mises en place afin de lutter contre les violences sexuelles dans l’Église, en permettant une mise à jour en temps réel des habilitations et restrictions. Cette mise à jour sera à la charge des diocèses, par les évêques pour le clergé séculier, et les supérieurs pour le clergé régulier.
Ce nouveau modèle national de celebret pose-t-il des problèmes ?
Le sentiment général des prêtres que nous avons pu interroger est que la Conférence des évêques de France (CEF) trouve les mauvaises solutions à de véritables problèmes. Avec son système de feux tricolores (« quid de l’orange ? »), la nouvelle carte du celebret jettera le discrédit sur chacun dès lors que le code QR déclenchera le bouton orange, alors même qu’on ne saura pas le détail de l’accusation.
Le nouveau celebret mélange deux questions distinctes : la capacité de célébrer la messe et les sacrements, et le fait d’être l’objet de signalements, procédures en justice ou condamnations. Or, même si c’est de moins en moins possible, un prêtre condamné peut avoir la permission de célébrer la messe, et un autre en être interdit pour des raisons qui n’ont rien à voir avec des abus sur enfants. Par ailleurs, les prêtres attachés à la messe traditionnelle ont de quoi s’inquiéter : la pente est glissante pour qu’un changement de paramètre interdise par exemple à ce type de prêtre de confesser.
Il semble que la CEF ait succombé à la fascination du monde pour les moyens modernes de communication, la technique. Et à la sortie de la crise du coronavirus, le code QR a un goût de déjà-vu. Sans compter l’énorme pouvoir donné à la personne qui gérera l’annuaire national sécurisé des prêtres et diacres de France, avec toutes leurs informations.
De plus, une note datant du 14 mars, que nous avons pu consulter, rédigée par quelques prêtres à l’intention de leurs évêques et transmise à la CEF, démontre clairement que le procédé mis en place n’est pas légal. Cette note explique notamment que le nouveau modèle national de celebret n’est pas conforme au RGPD (1) et qu’il porte atteinte à la bonne réputation des prêtres. En outre, « en rigueur de termes le document proposé n’est pas un celebret. Il s’agit d’une ˝carte d’identification˝ et, en l’espèce, une sorte de casier judiciaire portatif, ce qui n’est évidemment pas la même chose ».
La note présente des solutions, comme le raccourcissement de la durée de validité du celebret à six mois, ou la réduction des informations à trois : « M. l’abbé X jouit (ou non) de la faculté de célébrer la messe, de confesser et de prêcher. » Un canoniste propose le simple retrait du celebret par la chancellerie diocésaine dès lors qu’un prêtre pose problème.
Nous avons également eu sous les yeux le celebret d’un prêtre de la Compagnie de Jésus qui, étonnamment, ne présente pas de code QR. Interprétation de son propriétaire : « Les jésuites n’ont aucune envie d’être fichés .» Certaines communautés auraient donc leur mot à dire pour l’utilisation de ce celebret.
Un prêtre signataire de la note du 14 mars précise que celle-ci a été transmise à M. Ambroise Laurent, secrétaire général adjoint en charge des Affaires économiques sociales et juridiques de la CEF : ce dernier a pour mission de mettre en œuvre le nouveau modèle national de celebret. Affaire à suivre.
1. Règlement général sur la protection des données.
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