Un Chemin de croix à méditer à nouveau

Publié le 18 Avr 2014
Un Chemin de croix à méditer à nouveau L'Homme Nouveau

Lors de la Semaine Sainte 2005, le cardinal Ratzinger a offert une méditation historique du chemin de la croix. Une méditation saluée en son temps, mais que l’on a oublié aujourd’hui et qui mérite pourtant d’être relu aujourd’hui.

I. Le Juge du monde, qui reviendra un jour pour nous juger, est là, anéanti, déshonoré et sans défense face au juge de la terre. Pilate n’est pas totalement mauvais, mais il est indécis. Et en définitive, sur le droit, il fait prévaloir sa position, il se fait prévaloir lui-même. Ainsi, la justice est piétinée par lâcheté, par faiblesse, par peur du diktat de la mentalité dominante. La voix ténue de la conscience est étouffée par les vociférations de la foule. L’indécision, le respect humain confèrent leur force au mal.

II. Jésus, condamné comme prétendu roi, tu es raillé, mais dans la dérision apparaît cruellement la vérité. Combien de fois les insignes du pouvoir portés par les puissants de ce monde ne sont-ils pas une insulte à la vérité, à la justice et à la dignité de l’homme !
Jésus, lui, le vrai roi, ne règne pas par la violence, mais par l’amour dont il souffre pour nous et avec nous. C’est ainsi qu’il nous précède et qu’il nous montre comment trouver le chemin de la vraie vie.

III. Dans la chute de Jésus sous le poids de la croix, apparaît tout son parcours : son abaissement volontaire pour ôter notre orgueil. L’abaissement de Jésus est le dépassement de notre orgueil : par son abaissement, il nous relève. Laissons-le nous relever. Dépouillons-nous de notre autosuffisance, de notre envie erronée d’autonomie et, au contraire, apprenons de lui, de lui qui s’est abaissé, à trouver notre véritable grandeur, en nous abaissant et en nous tournant vers Dieu et vers nos frères humiliés.

IV. Sur le chemin de croix de Jésus, se trouve aussi Marie, sa Mère. Les disciples se sont enfuis, elle, non. Elle reste là, avec son courage de mère, avec sa fidélité de mère, avec sa bonté de mère et avec sa foi, qui résiste dans l’obscurité : « Heureuse celle qui a cru ». « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Oui, à ce moment-là, Il le sait : il trouvera la foi. En cette heure-là, c’est sa grande consolation.

V. De cette rencontre involontaire est née la foi. En accompagnant Jésus et en partageant le poids de sa croix, le Cyrénéen a compris que marcher avec ce Crucifié et l’assister était une grâce. Le mystère de Jésus souffrant et muet a touché son cœur. Jésus, dont seul l’amour divin pouvait et peut racheter l’humanité entière, veut que nous partagions sa croix, pour compléter ce qui manque encore à ses souffrances. Chaque fois qu’avec bonté nous allons à la rencontre de celui qui souffre, de celui qui est persécuté et faible, en partageant sa souffrance, nous aidons Jésus à porter sa propre croix. Ainsi nous obtenons le salut et nous pouvons nous-mêmes coopérer au salut du monde.

VI. Véronique incarne cette aspiration de tous les croyants à voir le visage de Dieu. « Heureux les cœurs purs – avait dit le Seigneur dans le Discours sur la montagne –, ils verront Dieu ! » Au début, Véronique voit seulement un visage maltraité et marqué par la souffrance. Mais l’acte d’amour imprime dans son cœur la véritable image de Jésus : sur son visage humain, couvert de sang et de blessures, elle voit le visage de Dieu. C’est seulement avec le cœur que nous pouvons voir Jésus. Seul l’amour nous rend capables de voir et nous rend purs. Seul l’amour nous fait reconnaître Dieu, qui est l’amour même.

VII. La tradition de la triple chute de Jésus et du poids de la croix rappelle la chute d’Adam – le fait que nous soyons des êtres humains déchus – et le mystère de la participation de Jésus à notre chute. Au cours de l’histoire, les chrétiens, en se détournant de la foi, ont abandonné le Seigneur : les grandes idéologies, comme la banalisation de l’homme qui ne croit plus à rien, ont construit un nouveau paganisme, un paganisme plus mauvais, qui, en voulant mettre définitivement Dieu à part, a fini par se débarrasser de l’homme. L’homme gît ainsi dans la cendre. Le Seigneur porte ce poids, il tombe et il tombe, pour pouvoir venir jusqu’à nous ; il nous regarde afin que notre cœur se réveille ; il tombe pour nous relever.

VIII. Ecouter Jésus alors qu’il fait des reproches aux filles de Jérusalem qui le suivent et qui pleurent sur lui nous fait réfléchir. Comment le comprendre ? Ne s’agit-il pas de reproches adressés à une piété purement sentimentale, qui ne devient pas conversion et foi vécue ? Ne sommes-nous pas trop enclins à banaliser le mystère du mal ? Mais en regardant les souffrances du Fils, nous voyons toute la gravité du péché, nous voyons comment il doit être expié jusqu’à la fin pour pouvoir être vaincu.

IX. Que peut nous dire la troisième chute de Jésus sous le poids de la croix ? Peut-être nous fait-elle penser à ce que le Christ doit souffrir dans son Eglise elle-même ? Quel manque de foi dans de très nombreuses théories, combien de paroles creuses ! Que de souillures dans l’Eglise ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance ! Que de manques d’attention au sacrement de la réconciliation, où le Christ nous attend pour nous relever ! La trahison des disciples, la réception indigne de son Corps et de son Sang sont certainement les plus grandes souffrances du Rédempteur, celles qui lui transpercent le cœur.

X. Jésus est dépouillé de ses vêtements. Le vêtement donne à l’homme sa position sociale ; il lui donne sa place dans la société, il le fait être quelqu’un. Etre dépouillé en public signifie, pour Jésus, n’être plus personne, n’être rien d’autre qu’un exclu, méprisé de tous. Le Seigneur fait l’expérience de toutes les stations et de tous les degrés de la perdition humaine, et chacun de ces degrés est, avec toute son amertume, une étape de la Rédemption : c’est ainsi qu’il ramène au bercail la brebis perdue.

XI. Jésus est cloué sur la croix. Le linceul de Turin nous permet de nous faire une idée de l’incroyable cruauté de ce procédé. Jésus ne boit pas le breuvage anesthésiant qu’on lui offre : consciemment, il prend sur lui toute la souffrance de la crucifixion. Arrêtons-nous devant cette image de douleur, devant le Fils de Dieu souffrant. Ignace d’Antioche, enchaîné à cause de sa foi dans le Seigneur, fait l’éloge des chrétiens de Smyrne pour leur foi inébranlable : ils étaient comme cloués par la chair et le sang à la croix du Seigneur Jésus Christ.
[crucifixion]
XII. Voici que Jésus a radicalement accompli le commandement de l’amour, il a accompli l’offrande de lui-même, et c’est ainsi qu’il est la manifestation du Dieu véritable, de ce Dieu qui est l’amour. Désormais, nous savons qui est Dieu. Désormais, nous savons en quoi consiste la royauté véritable. Jésus prend sur lui la souffrance de l’humanité tout entière, le drame de l’obscurité de Dieu, et il permet aussi à Dieu de se manifester là où il semblerait être définitivement mis en échec et absent.

XIII. Jésus est mort, son cœur a été transpercé par la lance du soldat. On ne lui a pas brisé les jambes, comme l’agneau pascal véritable, dont aucun os ne doit être brisé. Et maintenant qu’il a tout supporté, malgré tout le trouble qui agite les cœurs, voici qu’il n’est pas demeuré seul. Il y a les fidèles. Auprès de la croix, il y avait aussi Marie, sa Mère et le disciple qu’il aimait. Et voici que s’approche Nicodème. Même au sein du Sanhédrin, il y a quelqu’un qui croit, qui reconnaît Jésus après sa mort.

XIV. Jésus, objet de mépris et d’outrages, est déposé, avec tous les honneurs, dans un tombeau neuf. Nicodème apporte cent livres d’un mélange de myrrhe et d’aloès. Dans l’offrande du Fils se manifeste une démesure qui nous rappelle l’amour généreux de Dieu, la « surabondance de son amour ». Pour nous aussi rien ne devrait être trop, vis-à-vis de Dieu. Au milieu de la décomposition des idéologies, notre foi devrait être à nouveau le parfum qui nous remet sur le chemin de la vie.

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