Le Conseil de l’Europe est-il contre l’euthanasie?

Publié le 09 Mai 2014
Le Conseil de l'Europe est-il contre l'euthanasie? L'Homme Nouveau

Le Conseil de l’Europe a publié le 6 mai dernier un Guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les situations de fin de vie, avec pour ambition de poser un cadre pour la réflexion éthique des Etats membres de l’Europe. La question de l’euthanasie, et plus largement de la fin de vie, est de fait l’une des préoccupations sociales et politiques  majeures des pays européens actuellement, qu’ils soient en cours d’évolution législative sur le sujet ou confrontés à des situations de fins de vie complexes et médiatisées, comme celle de Vincent Lambert pour la France.   

Le texte du Conseil de l’Europe, réputé pour sa prudence par rapport à l’euthanasie, a pu être décrit comme un texte de mise en garde, réaffirmant la nécessité de développer la culture palliative plutôt que l’accès à l’euthanasie ou au suicide assisté. Si, de fait, le Guide sur le processus décisionnel relatif aux traitements médicaux dans les situations de fin de vie n’est pas un plaidoyer en faveur de la piqure létale, il ne donne pas, à y regarder de plus près, de directives claires en faveur du respect de la vie.   

Une posture relativiste

Et pour cause…  Quel exercice périlleux que de prétendre établir un cadre pour la « réflexion éthique » dans une société profondément relativiste ! Le constat est loin d’être original et pourtant, le guide élaboré par le Conseil de l’Europe est traversé par cette volonté d’accorder des voix discordantes au moyen de concepts suffisamment vagues pour plaire à tous mais finalement trop larges pour avoir une véritable signification. Le Conseil de l’Europe serait-il contre l’euthanasie ? Ce serait tirer des conclusions bien hâtives et surtout prêter à ce texte une capacité à formuler des principes clairs qu’en réalité il n’a pas.  

Les postulats de départ de la réflexion sont simples : les évolutions dans le domaine de la santé génèrent des situations de fin de vie complexes. Comment, dès lors, respecter la dignité et l’autonomie du patient alors qu’il est le plus souvent vulnérable et incapable d’exprimer sa volonté ?   

Le consensus comme critère de discernement

Nul besoin d’être professionnel de santé pour savoir que les situations de fin de vie sont généralement complexes et douloureuses. Les grands principes ne suffisent pas à résoudre concrètement telle ou telle situation particulière aussi la prudence et le bon sens doivent opérer en étant éclairés par les principes généraux. Ce cadre éthique est donc nécessaire et c’est ce qu’entend proposer le Conseil de l’Europe. Ce dernier appuie ainsi sa réflexion sur quatre valeurs phares que sont la dignité, l’autonomie, la bienfaisance et la justice. Définir ces valeurs en fonction du bien de l’homme impliquerait la reconnaissance d’une nature humaine dont la définition serait partagée au moins par les Etats membres, ce qui est impensable dans le schéma de pensée moderne. Dignité et justice ne sont donc même pas définies par le Conseil de l’Europe, la bienfaisance est caractérisée comme l’absence de malfaisance. Seule la notion d’autonomie bénéficie d’un traitement de faveur, elle est définie comme « la reconnaissance de la légitimité et la capacité d’une personne à faire des choix personnels » et repose sur le consentement libre et éclairé. On notera que ces valeurs sont suffisamment larges pour convenir à tous, partisans de l’eutanaise comme promoteurs de la culture palliative. C’est donc sans étonnement que l’on apprend en poursuivant la lecture que le « consensus » doit être « au cœur du processus décisionnel de la fin de vie ». La bonne décision n’est pas tant celle qui est ordonnée au bien de la personne que celle qui est prise selon un procédé considéré comme critère de bien.  

Dès lors, l’euthanasie d’une personne en fin de vie validée par le corps médical, le patient et son entourage est aussi juste et bonne que la décision de protéger la vie prise dans les mêmes conditions.  

Que conclure ?

Si le texte du Conseil de l’Europe à le mérite de préconiser le développement de la culture palliative et l’accès de tous à une prise en charge de la fin de vie, il n’offre finalement pas les outils éthiques et moraux nécessaires pour une réflexion féconde sur la fin de vie. Il pose des questions fondamentales et brûlantes d’actualité sans apporter la moindre piste de réponse, notamment la question de savoir si l’alimentation et l’hydratation sont des traitements ou des soins. La question est cruciale dans la mesures où les traitements peuvent être arrêtés en vertu du refus de l’acharnement thérapeutique tandis que les soins sont dus à toute personne quelque soit son état. Plus concrètement, la question est la suivante : un médecin peut-il décider de faire mourir un patient de faim et de soif ?   

Ce n’est en tous cas pas du côté du Conseil de l’Europe qu’il faudra chercher  une réponse…

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