Affaire Vincent Lambert : l’avis de l’Académie nationale de médecine

Publié le 16 Mai 2014
Affaire Vincent Lambert : l’avis de l’Académie nationale de médecine L'Homme Nouveau

L’Académie nationale de médecine rendait le 22 avril dernier un travail de neuf pages, publié le 15 mai, pour éclairer la douloureuse situation de Vincent Lambert. Quelques jours plus tôt, trois experts en neurosciences chargés de faire le bilan de santé du même Vincent Lambert affirmaient que l’état du patient s’était dégradé au point que l’on ne pouvait plus parler d’état pauci-relationnel mais bien d’état végétatif chronique.

C’est peu dire que les membres du Conseil d’État, chargés de décider de la vie ou de la mort de Vincent Lambert, sont prudents. La décision est attendue pour mi-juin et, en attendant, les sages du Palais-Royal ont mobilisé de nombreux experts et instances médicales afin de recueillir un maximum d’avis avant la délibération finale. Qu’en est-il ? Le sort de Vincent Lambert est-il joué d’avance ?

Les termes du débat

L’Académie nationale de médecine (ANM), le Comite? consultatif national d’éthique (CCNE), le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) ont été saisi par le Conseil d’État le 14 février dernier, non pas pour se prononcer sur l’affaire Vincent Lambert en particulier mais pour donner un éclairage sur les questions de l’obstination déraisonnable et du maintien artificiel de la vie. Jean Leonetti, rapporteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, a lui aussi été sollicité pour rendre un avis sur la même problématique.

Concrètement, il s’agit pour tous ces experts de répondre à ces différentes questions :

– Comment caractériser l’obstination déraisonnable ?

– L’alimentation et l’hydratation artificielles sont-elles des traitements susceptibles d’être suspendus au nom du refus de l’obstination déraisonnable ou sont-ils des soins dus à tout patient ?

– Qui décide l’arrêt des traitements ?

– La loi Léonetti relative aux droits des patients en fin de vie s’applique-t-elle aux patients qui ne sont pas en fin de vie, mais dans un état pathologique grave ou victime d’un handicap lourd qui peut durer plusieurs années ?

Le 13 février dernier, le Conseil d’État avait également nommé trois experts en neurosciences chargés de faire le bilan le plus complet possible de l’état de santé de Vincent Lambert. Les professeurs Marie-Germaine Bousser, MLionel Naccache, et Jacques Luauté devaient ainsi juger :

– du caractère irréversible ou non de ses lésions,

– de sa capacité ou non à entrer en relation avec son entourage,

– d’éventuels signes pouvant traduire son désir de poursuivre ou non les traitements.

Que disent les experts ?

Les trois experts en neurosciences ont dressé un bilan négatif de l’état de santé de Vincent Lambert, estimant ses lésions irréversibles et sa capacité à entrer en relation nulle. Quant aux signes censés traduire sa volonté de rester en vie ou non, ils sont bien peu nombreux et susceptibles d’interprétations variables : ils peuvent donc difficilement être pris en compte par le corps médical. En tous les cas, les deux premiers points du bilan ont fait passer Vincent Lambert de la case « état pauci-relationnel » à celle d’« état végétatif chronique ». Derrière les mots, les implications sont lourdes : c’est généralement la capacité à entrer en relation et la perspective d’une possible amélioration de l’état de santé qui sont invoquées comme motifs pour refuser l’euthanasie dans la plupart des expertises des instances éthiques ou médicales.

L’avis ambigu de l’ANM

En effet, c’est globalement la teneur de l’avis de l’Académie nationale de médecine qui prend résolument parti contre l’euthanasie et le suicide assisté. Elle émet néanmoins, à la fin du document, l’hypothèse de la possibilité de la sédation terminale qu’elle ne récuse pas pour peu qu’elle soit faite dans de bonnes conditions d’accompagnement et d’informations, et dans la mesure où aucune autre solution raisonnable ne puisse être envisagée. À la lecture des premières pages du rapport, l’avis de l’ANM semble définitif et tranché. D’ailleurs, c’est globalement ce qu’en a retenu la presse.

« Il ne saurait y avoir là pour les médecins quelques justifications que ce soit à prendre l’initiative de transgresser l’interdit fondamental de donner délibérément la mort à autrui. (…) L’arrêt de vie, en réponse à une demande volontaire de mourir alors que la vie en elle-même n’est ni irrémédiablement parvenue à son terme ni immédiatement menacée, ne peut être assimilée à un acte médical. Quand bien même il s’agirait seulement d’une aide au suicide, il n’est pas dans la mission du médecin de provoquer délibérément la mort », affirme ainsi l’ANM. Autre point intéressant relevé par l’Académie : « Aucun médecin ne peut accepter que le droit de la personne (…) à l’alimentation, aux autres soins (kinésithérapie, prévention des escarres, hygiène) et mesures appropriées à la qualité de vie, soit subordonné à sa capacité relationnelle ». Une manière, donc, de se prononcer en faveur du maintien des soins élémentaires, quel que soit l’état du patient. De fait, l’ANM fait montre d’une grande prudence quant à la question de la conscience et se refuse à faire trop hâtivement la distinction (pourtant opérée par les trois experts en neurosciences) entre état végétatif et état pauci-relationnel : « La difficulté d’appréhender la conscience subjective d’une personne victime de lésions cérébrales ne permet pas de faire la distinction entre état végétatif chronique et état de conscience minimale communément appelé état pauci-relationnel ».

Et pourtant, cela n’empêche pas l’ANM de conclure ainsi son avis, ajoutant de l’eau au moulin des partisans de l’euthanasie de Vincent Lambert : « L’Académie nationale de médecine admet sans ambiguïté que dans l’éventualité où la décision de l’arrêt de vie d’un patient en E.C.M. ou en E.V.C. aurait été prise dans les conditions ci-dessus précisées, une sédation soit entreprise selon le processus d’accompagnement de la personne “jusqu’à ses derniers moments, assurant par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegardant la dignité du malade et le réconfort de son entourage” (Art.38 du code de déontologie médicale). »

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