Du don d’organes à l’euthanasie « altruiste »

Publié le 05 Juin 2015
Du don d’organes à l’euthanasie « altruiste » L'Homme Nouveau

« Le prélèvement d’organes sur donneur décédé après arrêt cardiaque contrôlé », que certains songent à appeler « euthanasie altruiste » est désormais au cœur des questions d’éthique médicale. Derrière les mots, la réalité est celle du prélèvement d’organes sur une personne décédée suite à un arrêt délibéré des traitements. Un enjeu éthique grave qui vient s’ajouter à la problématique déjà complexe du don d’organe en lui-même, discutée dans deux précédents numéros de L’Homme Nouveau*.

Deux récentes décisions politiques concernant le don d’organes doivent nous alerter. Depuis la loi Cavaillet de 1976, toute personne est, par défaut, considérée comme consentant au don d’organes sauf si elle a clairement exprimé un refus. C’est le régime du « consentement présumé ». Une loi de 1994 avait mis en place une plus étroite concertation avec la famille ou les proches du défunt pour déterminer si le défunt aurait ou non accepté de donner un organe, compte tenu de ses convictions, de son histoire, etc. Le prélèvement d’organes devant être pratiqué très rapidement après le décès, la consultation des familles se fait dans un contexte de deuil qui rend toute décision complexe. Et dans la plupart des cas, le prélèvement d’organes est refusé, décision que le corps médical est absolument tenu de respecter.

Des dispositions qui, jusqu’à présent, permettaient de respecter la liberté et l’intégrité de la personne défunte… Et respectaient le cadre défini par l’Église : « La donation d’organes après la mort est un acte noble et méritoire et doit être encouragée comme une manifestation de généreuse solidarité. Il n’est pas moralement acceptable si le donneur ou ses proches ayants droit n’y ont pas donné leur consentement explicite. » (Catéchisme de l’Église Catholique, §2296).

Un réservoir d’organes

Les malades en attente d’une greffe étant bien plus nombreux que les donneurs – 20 000 patients en attente en France aujourd’hui –, le ministre de la Santé Marisol Touraine a fait du don d’organes l’un de ses chevaux de bataille. Le projet de loi de modernisation du système de santé, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 14 avril dernier, prévoit de revenir à l’esprit de la loi de 1976. Dans cette logique de consentement présumé, seul un refus explicite manifesté de son vivant par le patient pourrait véritablement bloquer la procédure. « L’amendement en question risque de provoquer une méfiance encore plus grande vis-à-vis du don d’organes et atteindre un but inverse de celui recherché », a commenté la Conférence des Évêques de France le 1er avril 2015, pointant du doigt une logique qui ferait de l’être humain un « réservoir d’organes ».

À cette mesure s’ajoute la mise en place dans plusieurs hôpitaux d’un protocole de prélèvement d’organes sur des patients dont la mort a été délibérément provoquée par l’arrêt des soins et des traitements. Déjà expérimentée en France au CHU d’Annecy, cette procédure de prélèvements sera désormais également mise en œuvre à la Pitié-Salpêtrière à Paris et au CHU de Nantes. C’est ce qu’a annoncé Marisol Touraine lors des Journées de l’Agence de la biomédecine (ABM) le 29 mai dernier.

Le don véritable suppose l’assentiment

Alors que l’euthanasie est au cœur des débats et qu’elle pourrait être légalisée prochainement, inutile de dire qu’il sera très difficile d’encadrer ce type de prélèvement et que l’on imagine bien comment des patients dont le pronostic vital est engagé pourraient être piqués discrètement dans l’espoir de récupérer un poumon ou un rein… Le Catéchisme de l’Église catholique, dans le paragraphe cité plus haut, explique aussi qu’il est « moralement inadmissible de provoquer directement la mutilation invalidante ou la mort d’un être humain, fût-ce pour retarder le décès d’autres personnes ».

Le don véritable suppose un oui conscient et libre, non pas un assentiment extorqué ou interprété on ne sait à partir de quoi. Accélérer la mort d’une personne sous prétexte d’en soigner une autre, c’est la considérer comme un médicament, un stock de pièces de rechange pour corps usés… et l’appellation hypocrite d’euthanasie « altruiste » ne change rien à la réalité des faits. 

* Cf. L’Homme Nouveau n°1535 du 2 février 2013 et L’Homme Nouveau n°1583 du 31 janvier 2015

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