Laudato si, sur la sauvegarde de la maison commune

Publié le 01 Juil 2015
Laudato si, sur la sauvegarde de la maison commune L'Homme Nouveau

Le Pape vient de publier sa deuxième encyclique sur la sauvegarde de la maison commune. Juste un mot sur la portée doctrinale de l’encyclique.

Comme toujours, il s’agit d’un document du magistère ordinaire solennel du Pontife romain de sorte que tout ce qui y est dit touchant la foi et les mœurs et qui serait déjà défini, est infaillible. C’est le cas pour la doctrine sur la création (nn. 62-100). Le reste bénéficie d’une assistance prudentielle : le Pontife romain ne pouvant induire en erreur grave le lecteur, on est assuré que le contenu dans son ensemble est bon pour les âmes ; ce qui n’exclut pas qu’une meilleure expression soit possible, par exemple pour la première partie concernant les changements climatiques (nn. 11-61). En conformité donc avec le n. 25 de Lumen gentium et la pensée de nombreux théologiens, il faut accueillir cette encyclique avec foi et docilité, en « sachant recueillir des lèvres et du cœur de l’Église la pensée de Dieu », (dom Delatte).

La réaction des papes

De Léon XIII jusqu’à Paul VI, l’enseignement social de l’Église s’était surtout intéressé au développement industriel, sans pour autant nier la valeur du travail agricole. Pour s’en convaincre, il suffirait de lire les enseignements pontificaux de Solesmes. Depuis la lettre Octogesima adveniens de Paul VI en 1971, l’Église, par la force des choses et pour répondre aussi aux dérives d’une écologie marxiste, dénonça avec courage et de plus en plus les infractions commises à l’égard de la création, dont les changements climatiques sont peut-être une conséquen­ce. Après Paul VI, Jean-Paul II publia en 1990 son Message pour la journée mondiale de la paix sur le thème de l’écologie : « La paix avec Dieu Créateur, la paix avec toute la création ». Benoît XVI eut sur ce sujet de remarquables interventions. Ainsi, son Message pour la journée mondiale de la paix de 2010 : « Si tu veux construire la paix, protège la création », qui renforçait son encyclique Caritas in veritate sur le développement et la solidarité.
Ce document se présente à nous comme un lumineux compendium de la doctrine sociale de l’Église. Certes, il ne fait aucune référence à des documents pontificaux antérieurs à Jean XXIII. Mais en s’appuyant longuement et de façon explicite sur la doctrine sociale de l’Église (nn. 63-175) et surtout en se référant à Octogesima adveniens (n. 4) et à Centesimus annus (nn. 5, 93, 116, 117, 127 et 213), il renvoie directement à Léon XIII. D’autre part, les longs développements sur la technique et son éducation éthique dans la sphère économique (n. 4, n. 94, n. 102-113, n. 134, etc.), comme les autres réflexions éthiques renvoient implicitement à Pie XII qui a profondément marqué de son influence les justes orientations qui doivent être prises en ce domaine.

Aussi, plus qu’un résumé structural de l’encyclique que l’on trouvera aisément par ailleurs, on entend marquer ici les principaux thèmes théologiques et spirituels qui y sont contenus. Le Pape s’appuie énormément sur la Révélation. Dès le n. 2, il parle de la création touchée par le péché. Il y revient plusieurs fois, surtout quand il montre le lien, grâce au Christ, entre création et rédemption. C’est un point important que beaucoup voudraient omettre ou repousser en raison des positions du Père Teilhard (d’ailleurs cité à la note 53 du n. 83). Il s’agit pourtant d’une affirmation profondément paulinienne (Rm 8) que défend ici le Pape sans tomber pour autant dans le panthéisme teilhardien. Cette vision de la création qui s’appuie sur les deux premiers chapitres de la Genèse et d’autres textes bibliques (nn. 65-75) est très importante, car, comme le souligne le Pape, il s’agit d’une vision de foi dans le Dieu Créateur et Rédempteur (n. 6). Et l’on peut même dire que tous les points abordés dans l’encyclique s’y rattachent plus ou moins d’une certaine façon.
Le Pape parle longuement d’abord du problème de l’eau, thème biblique par excellence. Sans l’eau l’homme ne peut vivre. Lors de la crise du Sahel, dans les années 1980, Jean-Paul II était intervenu plusieurs fois à ce sujet. Et le problème de l’eau pose à son tour celui de la disposition des biens de la terre. Comme ses prédécesseurs immédiats, le Pape, même s’il défend avec Léon XIII la propriété privée, rappelle que la terre donnée à l’homme pour qu’il la soumette appartient d’abord à Dieu qui l’a créée. Cela entraîne la disposition universelle des biens (nn. 93-95). Et le Pape en profite pour rappeler à deux reprises le grand principe de la doctrine sociale de l’Église : celui de la subsidiarité (nn. 157 et 196).

Vision chrétienne de l’homme

Le mystère de la création intimement lié au mystère de Dieu Créateur engendre une anthropologie qui ne peut être que chrétienne, le Christ seul restaurant le plan originel défiguré par le péché. En conséquence, nous devons rejeter tout ce qui attente à la vraie dignité de l’homme et en premier lieu l’avortement à nouveau condamné (n. 50). Ce n’est en effet que la vision chrétienne de l’homme qui peut conduire à la civilisation de l’amour tant souhaitée par Paul VI (n. 231). Le Pape peut alors avec Benoît XVI affirmer l’existence d’une écologie de l’homme (n. 155), parce que l’homme créé « à l’image de Dieu » ne peut être manipulé contrairement à ce qui se passe sous nos yeux. On ne peut supprimer en l’homme cette capacité de « déification » (à comprendre correctement) qu’il possède de par sa nature. Or, de nos jours deux fléaux dénaturent cette vision de l’homme et le Pape les condamne fortement : le relativisme et l’individualisme (n. 163). Ceux-ci constituent un grave danger, notamment pour l’existence même de la famille, car ils ont pour conséquence la disparition des générations par manque d’enfants. Beaucoup d’autres points mériteraient d’être soulignés : le repos dominical (n. 237), l’écologie artisanale de la pêche et de la chasse (n. 129) et surtout la dimension chrétienne du travail, dans la droite ligne de Laborem exercens. Confions à Marie cette lecture de l’encyclique. Qu’elle nous aide à la recevoir avec docilité pour devenir des semeurs d’espérance.

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