Lights in the Dark : l’évangélisation sur Internet

Publié le 27 Oct 2016
Lights in the Dark : l'évangélisation sur Internet L'Homme Nouveau

Jean-Baptiste Maillard, cofondateur de l’association « Lights in the Dark » et de l’Académie Sainte-Faustine, n’hésite pas à mettre sa foi au bout de ses idées… Après la création de plusieurs site pour répondre aux défis du temps, il veut aller plus loin et inviter tous les catholiques à s’investir dans ce moyen de communication omniprésent.

« Lights in the dark », tout d’abord, pourquoi ce nom, que signifie-t-il ?

Jean-Baptiste Maillard : «Lights in the dark», qui signifie « lumières dans les ténèbres », est un nom que nous avons tiré de l’une des paroles d’Isaïe (9, 1) : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, et sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre de la mort, la lumière a resplendi. » Cette phrase éclaire tout spécialement la réflexion sur Internet, où l’on trouve du bon comme du mauvais. Et le rôle du chrétien, justement, est d’apporter dans cet univers la lumière du Christ. Nous avons voulu que l’association porte un nom en anglais parce qu’Internet est un univers très anglais, tout simplement.

Évangéliser Internet, une nouvelle mission pour les chrétiens ?

La sortie, en 2002, du film Amen sur Pie XII m’a fait tomber dans le bain de l’évangélisation sur Internet. Il m’a donné l’occasion de découvrir un texte de Pie XII, le tout premier texte du magistère à parler ainsi du progrès technique : la lettre encyclique Miranda prorsus, écrite en 1957. Le pape y parle des progrès techniques comme d’un don de Dieu pour l’annonce de l’Évangile. À sa suite, saint Jean-Paul II nous encourageait à « humaniser » cet environnement, car là où il n’y a pas de place pour l’homme, il n’y a, a fortiori, pas de place pour Dieu. Et le Pape François a repris les termes de Pie XII pour dire également qu’Internet est un don de Dieu pour annoncer le Christ…

Vous avez annoncé à la fois la création de l’association « Lights in the Dark » et de l’Académie Sainte-Faustine. Pourquoi ces deux structures et en quoi consistent-elles ?

D’une certaine façon, l’association existait bien avant d’être montée officiellement. Avec un petit groupe d’amis, nous avons lancé un certain nombre d’initiatives sur le Web. Je citerais par exemple le site PieXII.com qui donnait un éclairage sur le film Amen de Costa-Gavras, L’Inquisition pour les nuls.com en 2012 pour apporter un éclairage sur la série Inquisitio de France 2, ou encore MissionConclave.com en 2013 qui permettait aux internautes de recevoir le nom d’un cardinal qu’ils porteraient spécialement dans leur prière. Au fil du temps, nous nous sommes dit que mener ces projets à quelques-uns sur un coin de table ne suffisait pas. Monter une association devait nous permettre d’avoir une assise, mais aussi d’obtenir les aides nécessaires pour donner plus d’ampleur à ces initiatives. Et d’ailleurs, le lendemain du jour où nous avons décidé de monter « Lights in the Dark », nous avons reçu un gros don… Vraiment tombé du ciel celui-là ! Peu de temps après, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, nous demandait de venir nous implanter dans son diocèse.

Nous avions à cœur non seulement d’évangéliser sur la toile, mais également de former la nouvelle génération des « digital natives » (ceux qui sont nés avec Internet), d’où la création de l’Académie Sainte-Faustine. Nous l’avons nommée ainsi en référence à l’année de la miséricorde, à l’occasion de laquelle le Pape François avait appelé à ce que soit créé dans chaque diocèse un lieu dédié à la miséricorde. Et justement, l’évangélisation par Internet est une forme de miséricorde pour tous nos contemporains.

Pour implanter ce projet, le diocèse de Fréjus-Toulon nous prête un mas provençal, tout près du séminaire de la Castille. En contrepartie, nous devons rénover le bâtiment et y faire rayonner notre Académie.

C’est un projet ambitieux !

C’est un projet d’envergure, certes, qui nécessite de gros moyens, mais pour mener à bien cette mission, il est nécessaire d’avoir un lieu pour s’incarner, d’autant plus que notre travail se fait dans un univers très virtuel. Le but ultime de l’évangélisation sur Internet est bien l’évangélisation dans la rencontre réelle, de personne à personne. Et pour cela, il nous faut nous implanter dans un diocèse, dans un lieu physique comme une maison. Bien sûr, c’est un projet qui reste à construire, avec toutes les personnes qui voudront bien aider, et il y a de nombreuses manières de le faire ! En tous cas, depuis le début de cette aventure, nous sommes émerveillés de la façon dont le Seigneur conduit le projet, « son » projet. De nombreuses portes s’ouvrent, comme celle de la Fondation EDF qui a sélectionné notre projet pour concourir aux Trophées des Associations (il faut voter jusqu’au 5 novembre), le jour de la sainte Faustine !

Concrètement, comment va se structurer l’association et se dérouler la formation au sein de l’Académie Sainte-Faustine ?

Le projet s’articule sur trois grands axes. Le premier est la mise en place d’évènements et initiatives à destination de ceux qui ne sont pas catholiques, en utilisant les outils que nous connaissons déjà mais aussi en expérimentant de nouvelles façons de travailler. Le second axe est la création d’un laboratoire d’innovations qui nous permette de monter des sites, des applications, etc… mais qui soit aussi un espace de recherche autour de la question du numérique, en théologie par exemple, et dans tous les domaines permettant de nourrir la réflexion. C’est pour cela que nous commençons à travailler par exemple avec des dominicains de Fribourg, en Suisse. Enfin, le troisième axe est celui de la formation. Il faut transmettre le savoir-faire pour que naissent de nouveaux missionnaires du continent numérique, que ce ne soient pas toujours les mêmes qui lancent des initiatives réussies !

Pour cela, des permanents accueilleront à l’Académie les groupes qui désirent se former. Il y a aura une formation fondamentale et assez générale sur l’évangélisation par Internet et des formations plus spécifiques, en fonction des demandes. Elles seront dispensées sous formes de sessions d’un week-end ou d’une semaine mais pas plus, afin qu’il soit possible pour tous de venir.

Le lieu dans lequel nous nous implantons avait déjà été pressenti pour un précédent projet, et nous avons eu accès aux plans qui avaient été faits à l’époque. Ils incluaient une chapelle. Pour nous, ce n’est pas un hasard et c’est essentiel. Il n’y a pas d’évangélisation possible sans adoration et la possibilité de venir prier, de se ressourcer fait partie intégrante du projet, tout comme la dimension fraternelle. L’Académie n’est pas seulement un lieu de formation, c’est un lieu où doit se vivre pleinement une mission qui est d’Église, puisqu’elle nous a été confiée par Mgr Rey.

Le travail sur la communication est un souci très prégnant aujourd’hui, mais n’est-il pas le signe d’une prévalence de la forme sur le fond, de la façon dont on porte le message sur le message lui-même ?

Il faut tenir les deux, le fond et la forme, en même temps. Penser que le message de l’Église doit évoluer est une erreur, car le Magistère est un socle qu’il nous appartient d’accueillir. C’est, en revanche, la manière de le présenter qui doit évoluer afin qu’il soit audible pour nos contemporains : trouver un « nouveau langage », si cher au Pape François. Nous devons donc avoir une communication professionnelle, irréprochable, mais qui ne galvaude pas le message et témoigne, au contraire, de notre fidélité à l’Église. Pour cela, il est essentiel que les chrétiens se forment. Je m’en suis, pour ma part, vite rendu compte lorsque j’ai commencé à évangéliser sur Internet et j’ai donc suivi une formation de deux ans en théologie au Collège des Bernardins à Paris. Cela dit, il ne faut pas, comme on l’entend souvent, attendre d’être parfaitement formé pour évangéliser et témoigner… Sinon on ne le fera jamais ! Il faut faire les deux en même temps, d’autant que la rencontre avec les non-croyants nous confronte à des questions auxquelles on n’avait pas pensé, que l’on n’entend pas dans les dîners entre cathos… Et cela nous pousse à aller plus loin, à approfondir. Saint Jean-Paul II ne disait-il pas que la foi s’affermit quand on la donne ?

Internet laisse-t-il réellement la place à la réflexion ? Il semble plutôt être le lieu du zapping et des réactions épidermiques !

Bien sûr qu’Internet est un espace où prévaut ce type de réactions, mais c’est surtout l’indifférence qui est le plus gros obstacle auquel nous soyons confrontés. Le Web peut être aussi le lieu de nombreux questionnements. Je pense en particulier au site PieXII.com, cité plus haut, que nous avons monté en éclairage du film Amen (2002). À chaque fois que le film est rediffusé, nous enregistrons entre 3 000 et 4 000 connexions sur le site. Les gens ont besoin de savoir et, au-delà de la polémique, se posent de vraies questions. Comme je vous le disais, la plus grosse difficulté est plutôt l’indifférence. Notre défi est donc de parvenir à « titiller » suffisamment les internautes pour qu’ils se posent des questions et cherchent ensuite à aller plus loin. Et pour cela, il existe déjà des outils, mais il y en a surtout beaucoup à inventer !

On entend de plus en plus souvent les médias ou personnalités politiques peu acquis à la cause des catholiques se désoler du fait que nous soyons très nombreux sur Internet. Qu’en pensez-vous ?

Je pense qu’il ne s’agit pas tant du nombre que de la force des minorités créatives. Nous sommes très motivés, et forts aussi d’une sensibilité particulière. Notre foi nous donne un regard différent sur les questions d’actualité, notamment par rapport à la mort ou à la famille, parce que ce regard est porté par l’espérance. Les catholiques prennent conscience qu’ils sont appelés à être des « éclaireurs », des témoins. Alors, oui, notre créativité étonne, voire agace. Je pense notamment au collectif Vigi Gender, très actif sur Twitter, qui dérange d’autant plus qu’il a beaucoup d’écho. On peut ne pas apprécier le ton sur lequel il s’exprime parfois, toujours est-il qu’il dit des choses très justes sur ce que sont profondément l’homme et la femme. Nous allons à contre-courant mais les catholiques sont précisément appelés à cela : être à contre-courant de l’esprit du monde.  Nous devons être coopérateurs de la vérité, et cela en trouvant le ton juste, en accueillant l’autre et en l’aimant… Même si nous ne sommes pas d’accord et que certaines inepties nous poussent à la colère. Voir ce qu’il y a de bon en chacun, c’est aussi cela, la miséricorde. Car nous ne sommes pas là pour juger mais pour témoigner de l’amour de Dieu !

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