Le véritable amour de Dieu

Publié le 24 Mar 2017
Le véritable amour de Dieu L'Homme Nouveau

Les exercices spirituels ont plongé le Pape et la curie dans le silence de leur retraite annuelle. Il nous faut donc nous reporter au discours prononcé lors de l’audience générale du 15 mars. Il s’agit toujours du thème de l’espérance, mais envisagé cette fois à partir de l’unique et grand commandement du Christ sur lequel nous serons jugés en définitive : la charité qui n’a pas de limites. Nous devons en effet aimer notre prochain comme nous-mêmes. Là est notre vocation qui n’est autre que la sainteté qui, elle, réside dans la perfection de la charité. A partir du chapitre XII des Romains, le Pape montre que cette charité demeure intimement liée à la joie de l’espérance. La raison en est simple : celui qui aime, sincèrement et non hypocritement, possède la certitude de son salut, d’où naît une joie profonde et vraie. Il sait qu’à la fin il rencontrera son Seigneur, son seul amour, pour l’éternité.

Pour montrer que la charité n’a rien d’hypocrite, le Pape donc s’appuie sur ce texte de saint Paul dans lequel la charité est analysée à partir des difficultés qu’elle peut comporter. Saint Paul demande en effet de bénir ceux qui nous font souffrir et non de les maudire. Il  recommande aussi une charité qui ne se laisse pas vaincre par l’humeur du prochain et plus encore notre humeur propre. De fait, nous sommes si facilement prisonniers de nos impressions, de nos sympathies ou antipathies naturelles. Or, il n’y a pas de place pour la vraie charité envers autrui, lorsque nous sommes liés à notre égoïsme, à nos passions. Pour conquérir la véritable charité source de joie et d’espérance, saint Paul nous invite alors à sortir de nous mêmes, à nous réjouir avec ceux qui sont heureux, à pleurer avec ceux qui pleurent, en un mot à aimer vraiment, car aimer, c’est mettre son bonheur dans le bonheur de l’autre. Ce n’est qu’ainsi que nous réprimerons notre égoïsme qui engendre en nous un amour purement humain qui s’attache trop au visible et au quand dira-t-on. La vraie charité est en fait une grâce, un vrai don de Dieu, car pour aimer vraiment le prochain comme nous-mêmes, il nous faut d’abord aimer Dieu. Sans cet amour de Dieu, nous ne pourrons jamais vivre comme des frères et il n’y aura jamais de place pour la concorde qui nous fait un dans le Seigneur qui nous donne sa paix. Etre un dans le Seigneur, cela entraîne l’amour des humbles et des pauvres à l’instar de saint François. Pour cela, il faut être sur nos gardes : ne pas s’en faire accroire, ne pas s’estimer soi-même comme seul sage, seul éclairé, seul prudent. Une telle disposition hypocrite se traduirait par la critique, l’irritation, et pire par l’antipathie. Si nous n’avions d’attachement à rien d’autre qu’à Jésus, nous n’aurions aucune peine à pratiquer la vraie charité née du véritable désintéressement et du détachement universel de ce qui n’est pas Dieu. On rejoint alors le Ciel en s’attachant de toute notre âme par Marie à Jésus. Rien que d’y penser cela ravive notre espérance. Mais sommes-nous capables d’aimer ainsi, se demande le Pape ? Oui, répond-il, mais en accueillant la grâce par une sincère et généreuse conversion quotidienne, en accomplissement extraordinairement les choses les plus ordinaires et uniquement par amour. Pourquoi refuser de faire à l’autre ce que Jésus nous fit à nous-mêmes en nous sauvant, alors que nous étions pourtant si loin de lui ? Imitons au contraire le Bon Samaritain en n’imposant aucune limite à la compassion ou au pardon. C’est là le secret de l’espérance joyeuse. Puisse Marie nous aider à le comprendre et à le pratiquer !

Le discours du Pape

Nous savons bien que le grand commandement que nous a laissé le Seigneur Jésus est celui d’aimer: aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit et aimer notre prochain comme nous-mêmes (cf. Mt 22, 37-39), c’est-à-dire que nous sommes appelés à l’amour, à la charité. Et cela est notre vocation la plus élevée, notre vocation par excellence: et à elle est liée également la joie de l’espérance chrétienne. Qui aime à la joie de l’espérance, d’arriver à rencontrer le grand amour qu’est le Seigneur.

L’apôtre Paul, dans le passage de la Lettre aux Romains, que nous venons d’écouter, nous met en garde: il existe le risque que notre charité soit hypocrite, que notre amour soit hypocrite. Nous devons alors nous demander: quand a lieu cette hypocrisie? Et comment pouvons-nous être certains que notre amour est sincère, que notre charité est authentique? De ne pas faire semblant de faire la charité ou que notre amour ne soit pas comme un feuilleton télévisé: un amour sincère, fort…

L’hypocrisie peut s’insinuer partout, même dans notre façon d’aimer. Cela a lieu quand notre amour est un amour intéressé, mû par des intérêts personnels; et combien d’amours intéressés y a-t-il… quand les services caritatifs dans lesquels il semble que nous nous prodiguions sont accomplis pour nous faire valoir nous-mêmes ou nous sentir satisfaits: «Comme je suis bon!» Non, cela est une hypocrisie! Ou encore quand nous visons à des choses qui ont une «visibilité» pour montrer notre intelligence ou nos capacités. Derrière tout cela, il y a une idée fausse, trompeuse, c’est-à-dire que, si nous aimons, c’est parce que nous sommes bons; comme si la charité était une création de l’homme, un produit de notre cœur. La charité, en revanche, est avant tout une grâce, un cadeau: pouvoir aimer est un don de Dieu, et nous devons le demander. Et Il le donne avec plaisir, si nous le demandons. La charité est une grâce: elle ne consiste pas à faire transparaître ce que nous ne sommes pas, mais ce que le Seigneur nous donne et que nous accueillons librement; et elle ne peut pas s’exprimer dans la rencontre avec les autres si elle n’est pas engendrée auparavant par la rencontre avec le visage doux et miséricordieux de Jésus.

Une voie de libération

Paul nous invite à reconnaître que nous sommes pécheurs, et que notre façon d’aimer est marquée par le péché. Dans le même temps, toutefois, il se fait porteur d’une annonce nouvelle, une annonce d’espérance: le Seigneur ouvre devant nous une voie de libération, une voie de salut. C’est la possibilité de vivre nous aussi le grand commandement de l’amour, de devenir instruments de la charité de Dieu. Et cela a lieu quand nous nous laissons guérir et renouveler notre cœur par le Christ ressuscité. Le Seigneur ressuscité qui vit parmi nous, qui vit avec nous est capable de guérir notre cœur: il le fait, si nous le demandons. C’est Lui qui nous permet, même dans notre petitesse et notre pauvreté, de faire l’expérience de la compassion du Père et de célébrer les merveilles de son amour. Et l’on comprend alors que tout ce que nous pouvons vivre et faire pour nos frères n’est autre que la réponse à ce que Dieu a fait et continue de faire pour nous. C’est d’ailleurs Dieu lui-même qui, demeurant dans notre cœur et dans notre vie, continue de se faire proche et de servir tous ceux que nous rencontrons chaque jour sur notre chemin, en commençant par les derniers et les plus indigents, dans lesquels Il se reconnaît en premier.

À travers ces paroles, l’apôtre Paul veut alors moins nous réprimander que nous encourager et raviver en nous l’espérance. En effet, nous faisons tous l’expérience de ne pas vivre pleinement ou comme nous devrions le commandement de l’amour. Mais cela aussi est une grâce, parce que cela nous fait comprendre que nous ne sommes pas capables d’aimer véritablement par nous-mêmes: nous avons besoin que le Seigneur renouvelle constamment ce don dans notre cœur, à travers l’expérience de sa miséricorde infinie. Alors, nous pourrons apprécier à nouveau les petites choses, les choses simples, ordinaires; nous apprécierons à nouveau ces petites choses de tous les jours et nous serons capables d’aimer les autres comme Dieu les aime, en voulant leur bien, c’est-à-dire qu’ils soient saints, amis de Dieu; et nous serons contents de la possibilité de nous faire proches de celui qui est pauvre et humble, comme Jésus le fait avec chacun de nous quand nous sommes loin de Lui, de nous pencher sur les pieds de nos frères, comme Lui, le Bon Samaritain, le fait avec chacun de nous, à travers sa compassion et son pardon.

Chers frères, ce que l’apôtre Paul nous a rappelé est le secret pour être — je reprends ses termes — c’est le secret pour être «avec la joie de l’espérance» (Rm 12, 12): avec la joie de l’espérance. Avec la joie de l’espérance parce que nous savons qu’en toute circonstance, même la plus adverse et également à travers nos propres échecs, l’amour de Dieu ne manque pas. Et alors, le cœur visité et habité par sa grâce et par sa fidélité, nous vivons dans la joyeuse espérance de rendre à nos frères, dans la mesure de nos faibles moyens, tout ce que nous recevons aujourd’hui de lui. Merci.

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