De l’Homme à Dieu de Jean-Marie Vernier la complémentarité de la foi et de la raison

Publié le 26 Jan 2018

Il n’est pas courant de débuter un article par un mea culpa ! Et, pourtant ! Comment procéder autrement, à propos du livre du professeur Jean-Marie Vernier, reçu voici un peu plus de deux ans et qui n’a pas été traité jusqu’ici dans nos colonnes ? 

Son sujet n’a pourtant rien d’anecdotique, surtout quand on se réclame du nom de chrétien. Sous le titre De l’homme à Dieu et retour, Jean-Marie Vernier entend en effet offrir, comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, une « propédeutique à la foi chrétienne ». Il s’agit donc pour le philosophe qu’il est (professeur agrégé de philosophie, docteur de l’Université Paris-IV-Sorbonne, traducteur de saint Thomas d’Aquin et auteur de plusieurs autres ouvrages) « de rendre raison de l’appel à la foi chrétienne et de ce qu’elle suppose ». 

Pour ce faire, l’auteur suit un parcours très précis, où prenant en quelque sorte son lecteur par la main, il le mène par le travail de l’intelligence à saisir que la raison peut être conduite jusqu’à ce Dieu que la Bible lui a révélé, comme Créateur et comme Sauveur, en Jésus-Christ. 

Ce parcours commence par indiquer les liens et la complémentarité existant entre la foi et la raison, notamment en montrant la nécessité de la croyance et celle de la compréhension. L’auteur n’hésite pas à ce titre à recourir à l’étude des propriétés de l’univers, appréhendées par la physique moderne. 

Il effectue ensuite une double exploration, d’abord dans la philosophie grecque, des présocratique à Aristote, retraçant l’approfondissement constant qui se réalise jusqu’à l’apport de Platon, percevant le « Un-Bien » et celui qu’Aristote détermine comme « la Pensée de la Pensée », préparation admirable à la Révélation chrétienne. 

C’est d’ailleurs ce qu’il appelle la « métaphysique biblique » que Jean-Marie Vernier évoque ensuite dans un chapitre essentiel, débouchant à la fois sur la démonstration que la philosophie grecque a bien eu un rôle de troisième Testament, pour reprendre les propos de Clément d’Alexandrie, et que, corrélativement, la révélation biblique « a bel et bien été un moteur du développement philosophique de la pensée humaine ». Occasion pour lui de donner un avis équilibré sur la question de la philosophie chrétienne qui a suscité tant de débats. 

L’auteur s’attaque ensuite à la lourde question de l’apparition et des modifications des êtres vivants, tels que les révèle la recherche moderne, en gros, ce que l’on appelle communément la question de l’évolution, concluant : « Loin de s’opposer l’apparition progressive des êtres vivants – et le processus de transformation qui l’a autorisée – et la création providentielle s’appellent-elles nécessairement. » Notons à ce sujet, le travail préliminaire qui est effectué d’exposition de la démarche de Darwin, les raisons historiques qui l’ont poussé à ébaucher sa théorie et les conséquences de celle-ci, principalement au regard de la crédibilité de la foi. Un tel travail, même de nature synthétique, est rarement proposé. Il permet pourtant de répondre en toute rigueur à la pensée darwinienne et d’en montrer les incohérences internes. 

Enfin, Jean-Marie Vernier termine par un chapitre essentiel sur ce qu’est l’homme, animal raisonnable, reposant sur le lien substantiel entre l’âme et le corps. 

À qui s’adresse ce livre ?

Assurément à un public cultivé, mais pas entendu ou réduit à un public de professionnels de la philosophie. À l’origine, l’ouvrage forme un cours donné à des adultes afin de montrer la cohérence rationnelle du christianisme, cette union intime qu’il réalise entre la foi et la raison. Il propose certes un parcours philosophique, puisqu’il s’agit de raisonner en vérité, tout en faisant appel à des données offertes par l’Histoire ou la physique, par exemple. Son exigence se trouve essentiellement dans la rigueur du raisonnement, recourant aux outils logiques et exposant très clairement les moyens termes auxquels l’auteur doit recourir. 

À l’heure où le christianisme subit la terrible tentation d’être réduit à un ensemble de bons sentiments, plus ou moins teintés de spiritualité, sans exigences dogmatiques ni rationnelles, De l’homme à Dieu et retour1, s’avère être une belle illustration de ce que produit l’alliance de la foi et de la raison, que Jean-Paul II décrit dans Fides et Ratio comme « les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ».  

Jean-Marie Vernier, De l’homme à Dieu et retour, propédeutique de la foi chrétienne, L’Harmattan, 202 p., 20 €.

1. Le titre de cet ouvrage fait évidemment penser à celui d’Étienne Gilson, D’Aristote à Darwin et retour, paru en 1971. Ce dernier livre est d’ailleurs cité dans la bibliographie que propose l’auteur en fonction des différents thèmes abordés dans son livre. 

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