Se préparer pour la messe et préparer la venue du Christ

Publié le 18 Juin 2018
Se préparer pour la messe et préparer la venue du Christ L'Homme Nouveau

Si le discours d’adieu de Jésus tel qu’il nous est donné par saint Jean se centre sur le verbe « demeurer », le récit de la Cène chez les Synoptiques met l’accent sur la préparation de la Pâque. Et de même que la lecture (lectio) est le premier maillon qui doit conduire à la contemplation, de même « préparer » est le premier maillon qui conduit au demeurer. Sans préparation, non seulement toute action devient difficile sinon impossible, mais encore la persévérance et la fidélité sont largement compromises. Or, la persévérance est un acte essentiel de toute activité humaine. Aussi voyons-nous souvent les Apôtres préparer les repas ou autres activités nécessaires. C’est si vrai que lorsque Judas sort pour trahir son maître, beaucoup pensèrent qu’il avait quelque chose à préparer pour Jésus. Quelquefois, c’est Jésus lui-même qui apprête tout ce qu’il faut, comme on le voit lors du repas qui suit la pêche miraculeuse après la Résurrection.

Même pour nous, chrétiens du XXIe siècle, Jésus nous prépare une place et encore plus belle que celle du Cénacle. Ici-bas, il nous prépare une maison spacieuse qui est l’Église et, dans l’autre monde, il nous prépare une demeure éternelle. Chacun y aura sa place, à condition toutefois de ne pas manquer le rendez-vous des « noces de l’Agneau ». Jésus nous prépare aussi une nourriture. Il se donne lui-même à manger, car le pain et le vin eucharistiques ne sont plus du pain ni du vin de ce monde. Par le miracle de la transsubstantiation, ils sont devenus, malgré la visibilité des accidents, le Corps et le Sang véritables du Seigneur. On dit de saint Philippe de Néri que, lorsqu’il buvait au précieux Sang, il tombait en lévitation et disait : « c’est vraiment du sang ». Beaucoup de saints ont eu des grâces miraculeuses concernant l’Eucharistie, comme de nos jours Marthe Robin ou le saint Padre Pio. Pour le commun des mortels, il n’en va généralement pas de même, mais ne nous trompons pas. Nous communions vraiment au Corps et au Sang du Seigneur, réellement présents dans la Sainte Eucharistie. C’est pourquoi il nous faut prendre très au sérieux l’avertissement de saint Paul et ne pas commettre de communions indignes ou sacrilèges. L’Eucharistie est vraiment le pain du ciel. C’est l’unique nourriture d’éternité que nous recevons sur cette terre, car elle est le gage de la vie éternelle, comme le dit admirablement l’antienne des vêpres de la Fête-Dieu composée par saint Thomas d’Aquin. Sans nourriture, l’homme ne peut vivre. Ce qui est vrai déjà pour la vie naturelle l’est encore à plus forte raison pour la vie surnaturelle, car par miracle et par grâce l’homme pourrait se passer d’aliments terrestres, comme ce fut le cas pour quelques saints. Mais il n’y a pas que la nourriture terrestre. L’homme a faim d’amour, d’espérance et seul Jésus peut combler cette faim-là. Les projets techniques les plus avancés ne pourront jamais le faire. Avec la recommandation de préparer la Pâque, Jésus demanda aussi d’aller en ville. Nous devons nous aussi le faire après avoir défait les liens de la peur et de l’oppression, pour avancer en haute mer. En disant cela, le Pape regardait la plage du Lido l’invitant à reprendre la consigne de Jean-Paul au début du deuxième millénaire. Levons donc l’ancre vers le haut. Crions notre « sursum corda » et avec le Christ, recherchons d’abord le Royaume des cieux, le reste nous sera alors donné par surcroît, selon sa propre promesse. Que Marie nous aide à marcher partout avec Jésus, en offrant partout la miséricorde libératrice et la consolation miséricordieuse du Rédempteur de l’homme.

MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE
EN LA SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Parvis de la paroisse Santa Monica d’Ostie, Rome
Dimanche 3 juin 2018

Dans l’Evangile que nous avons entendu, la Dernière Cène est racontée, mais d’une façon surprenante, l’attention est placée davantage sur ses préparatifs que sur le repas même. Le verbe “préparer” revient plusieurs fois. Les disciples demandent, par exemple : “Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? » (Mc 14, 12). Jésus les envoie préparer avec des indications précises et ils trouvent « une grande pièce aménagée et prête pour un repas » (v. 15). Les disciples vont préparer mais le Seigneur avait déjà préparé. 

Quelque chose de semblable arrive après la résurrection, quand Jésus apparaît aux disciples pour la troisième fois : tandis qu’ils pêchent, il les attend sur le rivage, où il a déjà préparé le pain et le poisson pour eux. Mais en même temps, il demande aux siens d’apporter un peu de poisson qu’ils viennent de prendre et qu’il avait indiqué comment pêcher (cf. Jn 21, 6.9-10). Là aussi, Jésus prépare à l’avance et demande aux siens de collaborer. Et encore, avant la Pâque, Jésus avait dit aux disciples « Je pars vous préparer une place […] afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2.3). C’est Jésus qui prépare, le même Jésus qui cependant avec des rappels forts et des paraboles, avant sa Pâque, nous demande de nous préparer, de nous tenir prêts (cf. Mt 24, 44 ; Lc 12, 40).

Jésus, en somme, prépare pour nous et nous demande aussi de préparer. Que prépare Jésus pour nous ? Il prépare une place et une nourriture. Une place beaucoup plus digne que la « grande pièce aménagée » de l’Evangile. C’est notre maison spacieuse et vaste ici-bas, l’Eglise, où il y a et il doit y avoir une place pour tous. Mais il nous a réservé aussi une place là-haut, dans le paradis, pour être avec lui et entre nous pour toujours. En plus de la place, il nous prépare une nourriture, un Pain qu’il est lui-même : « Prenez, ceci est mon corps » (Mc 14, 22). Ces deux dons, la place et la nourriture, sont ce qui nous sert pour vivre. Ils sont le vivre et le couvert définitifs. Les deux nous sont donnés dans l’Eucharistie. Nourriture et place.

Là, Jésus nous prépare une place ici-bas, parce que l’Eucharistie est le cœur battant de l’Église, la génère et la régénère, la rassemble et lui donne la force. Mais l’Eucharistie nous prépare aussi une place là-haut, dans l’éternité, parce qu’elle est le Pain du ciel. Il vient de là, c’est l’unique matière sur cette terre qui soit vraiment d’éternité. C’est le pain de l’avenir, qui déjà maintenant nous fait goûter à l’avance un avenir infiniment plus grand que tout ce qu’on peut attendre de mieux. C’est le pain qui nourrit nos attentes les plus grandes et alimente nos rêves les plus beaux. C’est, en un mot, le gage de la vie éternelle : non seulement une promesse, mais un gage, c’est-à-dire une anticipation, une anticipation concrète de ce qui nous sera donné. L’Eucharistie est la “réservation” du paradis; c’est Jésus, viatique de notre chemin vers cette vie bienheureuse qui ne finira jamais. 

Dans l’Hostie consacrée, en plus de la place, Jésus nous prépare l’aliment, la nourriture. Dans la vie nous avons continuellement besoin de nous nourrir, et non seulement d’aliments, mais aussi de projets et d’affections, de désirs et d’espérances. Nous avons faim d’être aimés. Mais les compliments les plus appréciés, les cadeaux les plus beaux et les technologies les plus avancées ne suffisent pas, ne nous rassasient jamais complètement. L’Eucharistie est un aliment simple, comme le pain, mais c’est l’unique qui rassasie, parce qu’il n’y a pas d’amour plus grand. Là nous rencontrons réellement Jésus, nous partageons sa vie, nous sentons son amour ; là tu peux faire l’expérience que sa mort et sa résurrection sont pour toi. Et quand tu adores Jésus dans l’Eucharistie, tu reçois de lui l’Esprit Saint et tu trouves paix et joie. Chers frères et sœurs, choisissons cette nourriture de vie : mettons la messe à la première place, redécouvrons l’adoration dans nos communautés ! Demandons la grâce d’être affamés de Dieu, jamais rassasiés de recevoir ce qu’il prépare pour nous. 

Mais comme aux disciple d’alors, à nous aussi aujourd’hui, Jésus demande de préparer. Comme les disciples, demandons-lui : « Seigneur où veux-tu que nous allions faire les préparatifs ? ». Où : Jésus ne préfère pas des lieux et n’en exclut pas d’autres. Il recherche des lieux qui ne sont pas rejoints par l’amour, qui ne sont pas touchés par l’espérance. Dans ces lieux inconfortables, il désire aller et il nous demande d’y faire les préparatifs. Tant de personnes sont privées d’un lieu digne pour vivre et de nourriture pour manger ! Mais tous nous connaissons des personnes seules, souffrantes, dans le besoin : ce sont des tabernacles abandonnés. Nous, qui recevons de Jésus le vivre et le couvert, nous sommes là pour préparer une place et un aliment à ces frères plus faibles. Il s’est fait pain rompu pour nous ; il nous demande de nous donner aux autres, de ne plus vivre pour nous-même, mais l’un pour l’autre. Ainsi on vit de façon eucharistique : en répandant dans le monde l’amour que nous prenons de la chair du Seigneur. L’Eucharistie se traduit dans la vie en passant du je au tu. 

Les disciples, dit encore l’Evangile, firent les préparatifs de la Cène après être « allés à la ville » (v. 16). Le Seigneur nous appelle aussi aujourd’hui à préparer sa venue en ne restant pas au dehors, distants, mais en entrant dans nos villes. Dans cette ville aussi, dont le nom –“Ostie” – rappelle justement l’entrée, la porte. Seigneur, quelles portes veux-tu que nous t’ouvrions ici ? Quels portails nous appelles-tu à ouvrir tout grand, quelles fermetures devons-nous dépasser ? Jésus désire que soient abattus les murs de l’indifférence et de l’omerta, que soient arrachées les grilles des abus et des tyrannies, que soient ouverts les chemins de la justice, de l’honneur et de la légalité. Le vaste lido de cette ville appelle à la beauté de s’ouvrir et de prendre le large dans la vie. Mais pour le faire, il convient de défaire les nœuds qui nous lient aux amarres de la peur et de l’oppression. L’Eucharistie nous invite à nous laisser porter par la vague de Jésus, à ne pas rester lestés sur la plage dans l’attente que quelque chose arrive, mais à lever l’ancre libres, courageux, unis. 

Les disciples, conclut l’Evangile, « après avoir chanté les psaumes, partirent » (v. 26). A la fin de la messe, nous serons nous aussi en sortie. Nous marcherons avec Jésus, qui parcourra les rues de cette ville. Il désire habiter au milieu de vous. Il veut visiter les situations, entrer dans les maisons, offrir sa miséricorde libératrice, bénir, consoler. Vous avez connu l’épreuve de situations douloureuses ; le Seigneur veut être proche de vous. Ouvrons-lui les portes et disons-lui :

Viens, Seigneur, nous visiter.
Nous t’accueillons dans nos cœurs,
dans nos familles, dans notre ville.
Merci, parce que tu nous prépares la nourriture de la vie
et une place dans ton Royaume.
Fais-que nous soyons actifs dans les préparatifs,
que nous te portions avec joie toi qui est la vie,
pour apporter fraternité, justice et paix
dans nos rues. Amen.

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