« Ne tuons pas la fraternité » : Alliance Vita manifeste contre le projet de loi fin de vie

Publié le 28 Mai 2024
alliance vita

© Léocadie Bridet

Ce lundi 27 mai, à l’Assemblée nationale, les députés entamaient le débat du nouveau projet de loi sur la fin de vie. Au même moment, Alliance VITA organisait une série de rassemblements en France pour dénoncer la supercherie qui est derrière ce projet. Présenté au nom de la fraternité, il veut ouvrir la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie derrière l’expression édulcorée d’ « aide à mourir ».

 

Sur la place Vauban à Paris, à dix-huit heures trente, était mis en scène sept dominos géants, alignés, soutenus par des personnes toutes vêtues de blanc. La scénographie dénonçait l’effet domino qu’entraînerait la loi sur la fin de vie. Sur chaque domino il a été écrit ce qui s’effondrerait : la fraternité, la protection des plus fragiles, la paix sociale, la confiance soignant-soigné, le progrès contre la douleur, la prévention du suicide. Un slogan est répété plusieurs fois sur un fond audio : « N’oublions pas la fraternité qui nous relie aux plus fragiles. Elle édifie la société, rendant leur vie moins difficile. » 

Plusieurs intervenants sont venus exprimer leur indignation face à l’autorisation de tuer. Le porte-parole d’Alliance VITA, Tugdual Derville, a d’abord évoqué ce qu’est l’horreur cachée sous le nom d’« aide à mourir » : fournir à des patients un poison mortel à s’auto-administrer ou à se faire administrer par un tiers ou même par un proche. Le serment d’Hypocrate va encore une fois être violé, le système de santé étant censé être protégé par l’interdiction de donner la mort à une personne malade. Celle-ci doit toujours être soulagée, sans acharnement thérapeutique, mais jamais tuée.

Tugdual Derville nous met en garde : cette loi n’est qu’une nouvelle porte d’entrée à toutes les dérives possibles. Il sonne l’alerte : « Cet effet domino a déjà commencé, puisque la commission spéciale a lourdement aggravé ce projet avant son arrivée en séance plénière. L’exigence d’un pronostic vital engagé a été supprimée, et les délais de réflexions sont passés de deux jours, ce qui était déjà selon lui affligeant, à zéro dans certains cas. Le pire est donc à venir : si la loi est votée, les médecins pourront euthanasier également une personne qui ne souffre pas d’une maladie incurable, ou engageant le pronostic vital. Voilà ce que devient la fraternité dont la loi se revendique ! » 

Tugdual Derville est venu plus en détail sur ce qui est menacé par ce texte. Si l’état organise des suicides assistés, il devra exclure la prévention du suicide, grande cause nationale. Ensuite, les soins palliatifs seront dénaturés et concurrencés par « l’aide à mourir », alors qu’ils se fondent sur le refus de l’acharnement thérapeutique et de la mort. Le progrès des recherches de la médecine, sur l’empêchement de la mort provoquée par les maladies, sera aussi découragé, puisque l’injection létale est proposée comme une solution.

Plus encore, la confiance soignant-soigné sera ruinée par la levée de l’interdit de tuer. Peut on faire confiance à la main qui soigne quand elle peut tuer ? La protection des plus fragiles sera mise à mal et risque d’inciter les plus faibles à l’auto-exclusion. Comment résister à la pression des proches, des soignants et de la société qui vous jugent sans utilité ni valeur ? Enfin, c’est le principe même de fraternité dans ces premiers dominos qui est bousculé. Là en est le paradoxe, cette loi se prétend de fraternité, alors que c’est la fraternité qu’elle abat. 

Un docteur toulousain qui travaille dans une unité de soins palliatifs a pris la parole. Il est au contact quotidien avec des patients atteints de maladies graves ou incurables. Il se méfie de cette loi qui ne prend pas en compte le personnel soignant : « si un patient nous demande à mourir, répondre par l’affirmative signifierait : oui ta vie n’a plus de prix, elle ne vaut pas la peine d’être vécue, j’arrête de t’accompagner. Est-ce vraiment ça la fraternité ? (…) Il faut arrêter avec les expressions comme “aide à mourir”, et revenir au réel ! Je demande aux parlementaires de se mettre à notre place de médecin. On nous demande d’entrer dans une chambre, de faire un geste létal, peut-être devant des proches, et ensuite la réalité est celle d’un cadavre dont nous aurons aussi à nous occuper. »  

Ces rassemblements sont le premier acte d’une mobilisation qui se poursuivra pendant toute la durée des débats pour défendre une société fondée sur une fraternité qui aide à vivre, sans jamais pousser à mourir.  

 

>> à lire également : Fraternité et euthanasie, un débat sciemment faussé

 

Léocadie Bridet

Ce contenu pourrait vous intéresser

SociétéPhilosophie

L’organicisme, une pensée matérialiste et fataliste

L'Essentiel de Joël Hautebert | Hérité des Lumières et du naturalisme du XIXe siècle, l’organicisme est un concept d’analogie encore utilisé aujourd’hui et qui a inspiré la sociologie. Si l’idée peut paraître juste, elle mène cependant au déterminisme, faisant de l’homme un être purement matériel, somme toute similaire aux végétaux et animaux.

+

organicisme
Société

Mont-Saint-Michel : faire le pont avec l’Archange

Entretien | La première édition du pèlerinage de Saint-Michel aura lieu du 8 au 11 mai 2025. Il commencera à Saint-Malo pour se finir au pied du Mont-Saint-Michel. Entretien avec Brieuc Clerc, président de l’association Pèlerinage de Saint-Michel. 

+

mont-saint-michel
SociétéLettre Reconstruire

Carlos Sacheri : Le travail humain (II)

Lettre Reconstruire n° 45 | Extraits | Dans notre précédent numéro (Reconstruire n°44), nous avons publié l’étude de Carlos Sacheri sur le travail humain. L’auteur présentait succinctement les conceptions libérales et marxistes à ce sujet. Nous continuons ici en abordant le travail selon une conception conforme à la loi naturelle.

+

travail humain carlos sacheri
SociétéLettre Reconstruire

Du pouvoir dans la modernité et la postmodernité

Lettre Reconstruire n° 45 (mars 2025) | La Bibliothèque politique et sociale | L’extension sans fin de l’État moderne que des épisodes récents, comme la gestion de la crise liée au Covid-19 ou actuellement la « guerre » déclarée entre la France et la Russie, mettent en évidence, conduit immanquablement à s’intéresser à la question du « pouvoir ». Javier Barraycoa a consacré un petit essai sur la situation du pouvoir dans nos sociétés postmodernes. Traduit en français, Du pouvoir bénéficie d’une substantielle préface de Thibaud Collin dont le titre indique tout l’intérêt.

+

du pouvoir dans la modernité et postmodernité
SociétéPhilosophie

Le sens des mots et le véritable enjeu du langage

C'est logique ! de François-Marie Portes | En tant que matière vivante, le langage évolue nécessairement et s’enrichit souvent de nouveaux mots pour exprimer au mieux la pensée. Mais certains néologismes sont utilisés pour nourrir des luttes idéologiques et dérivent alors de leur sens littéral. C’est notamment le cas du terme « homophobie » que l’on entend partout. 

+

sens des mots
Société

Intelligence artificielle (5/5) : L’IA à l’épreuve de la trisomie 21

DOSSIER « L’intelligence artificielle : entre innovation et responsabilité » | La trisomie 21 est caractérisée par une déficience intellectuelle mais celle-ci permet de souligner les autres formes d’intelligence – relationnelle, affective, de communication... – que les porteurs de trisomie possèdent souvent à un haut degré, faisant ressortir les pauvretés de l’intelligence artificielle. Démonstration que l’humanité ne se définit pas par des critères de performance mesurables. Entretien avec Grégoire François-Dainville directeur de la Fondation Jérôme Lejeune.

+

Intelligence artificielle IA trisomie 21