Allocution au Congrès social chrétien à Cracovie le 18 novembre 2016

Publié le 13 Déc 2016
Allocution au Congrès social chrétien à Cracovie le 18 novembre 2016 L'Homme Nouveau

Le 19 novembre, la Pologne était solennellement consacrée au Christ Roi pour son 1 500e anniversaire. Un évènement mémorable qui a rassemblé des milliers de Polonais. La veille se tenait un colloque pendant lequel est intervenu Bernard Antony.

Monseigneur, messieurs les députés, chers militants et amis de l’héroïque Pologne catholique, mesdames, messieurs.

Lorsque mon ami de longue date, Marek Jurek, m’a demandé de prononcer devant votre nombreuse assemblée une allocution de vingt minutes j’ai été doublement inquiet. D’abord parce que je demeure dans l’infirmité de ne pouvoir m’adresser à vous dans votre langue ; ensuite parce que le sujet qu’il m’a fixé est passionnant mais nécessiterait au moins une longue conférence pour le traiter sur le fond.

Alors, je vous demanderai beaucoup d’indulgence, me fixant simplement le but de vous donner peut-être quelques perspectives de lectures et de répliques dans la vérité sur la réalité sinistre de la Révolution française et sur ce qu’elle a entrainé de réactions dans le domaine des idées et des courants politiques.

D’abord, une première interrogation : le Révolution française était-elle inéluctable ?

Si on raisonne selon le prétendu sens de l’histoire longtemps invoqué par les communistes, elle l’était comme constituant la grande étape préalable à la révolution socialiste puis à l’âge d’or communiste, celle de la révolution bourgeoise, si louangée par Marx et Engels, notamment dans le Manifeste du Parti communiste.

Or, on a vu durant un siècle d’abomination depuis octobre 1917 ce qu’a produit pour le monde la révolution communiste, heureusement renversée en Pologne par votre grand peuple à partir  des combats victorieux des ouvriers dans les chantiers navals de Gdansk portant, ô ironie de l’histoire, le nom du monstre Lénine.

Pourtant le phénomène appelé Révolution Française n’était nullement nécessaire et pas forcément inéluctable. Le royaume de France en 1789 n’en avait pas moins besoin d’un vaste mouvement de réforme, de renouveau et de justice sociale, ce qu’ont analysé et affirmé tous les grands penseurs et acteurs de la Contre-Révolution.

Charles Maurras rappela ainsi maintes fois que « la tradition est critique ». Et ce que l’on désigne en France sous le terme d’« Ancien régime », ce qui recouvre en fait plusieurs régimes bien différents, était au XVIIIe  siècle  et même avant, profondément miné, non pas seulement par de mauvais choix politiques de nos rois comme il peut toujours en être, mais par un décalage de plus en plus grand et souvent scandaleux et révoltant entre les principes chrétiens affirmés et les pratiques de trop de princes de l’Église et du Royaume.

Que de confusion notamment entre ce qui doit être rendu à César et ce qui doit être rendu à Dieu dans l’attribution des titres et des revenus ecclésiastiques à trop de personnages aux idées et à la vie fort peu conformes à l’idéal évangélique.

Les idées corrosives de la Révolution s’engouffrèrent dans cette gangrène sociale, avec les penseurs dits des Lumières, déistes royalistes mais ennemis acharnés de l’Église catholique comme Voltaire. Et citons surtout le plus grand de tous dans la nocivité, Jean-Jacques Rousseau, l’idéologue du Contrat Social, dont la pensée a été l’inspiratrice majeure du jacobinisme et de tous les totalitarismes, socialistes et communistes, Jeune-Turc et Nazi.

Pourtant, seulement une petite partie de la noblesse et du clergé et de la bourgeoisie montante, était gagnée par le cancer révolutionnaire. Mais la subversion progressait avec la complicité de trop de responsables ou l’aveuglement des gouvernants sous les couverts de prétendues activités philosophiques.

On pense spontanément sur ce phénomène au développement des loges maçonniques dont certaines, telle celle des  Neuf Sœurs où notamment Voltaire fut initié, jouèrent un rôle très important dans la Révolution.

Mais c’est, plus généralement, le rôle de  ce qu’Augustin Cochin a appelé « les sociétés de pensée », loges, académies, salons et clubs qu’il faut connaitre.

Tous les grands penseurs et historiens contre-révolutionnaires, de Maurras à nos amis Jean de Viguerie et Xavier Martin, ont exprimé leur gratitude pour l’œuvre d’ Augustin Cochin hélas interrompue par la guerre où cet ardent catholique admiré et vénéré par ses hommes comme un saint, ce qu’il était, mourut en héros.

Cochin a remarquablement démonté les mécanismes d’influence, de conditionnement, de manipulation, d’intimidation et de domination annonciateurs de la terreur révolutionnaire qui n’a pas commencé en 1793 mais dès avant 1789.

La légende d’une révolution de la liberté est une des grandes illusions mensongères de l’histoire. La prise de la Bastille, voulue et préparée par une coalition de politiques,  financiers et aventuriers  voulant substituer le misérable duc d’Orléans, futur « Philippe-Égalité »  à Louis XVI, ouvrit avec ses scènes de massacres les enchainements d’une continuité terroriste sans fin.

La vérité c’est qu’avec les coups d’État successifs de ses dites « grandes journées » la Révolution a supprimé la liberté d’opinion et notamment de la presse, qu’après la démolition de la Bastille, d’ailleurs décidée depuis longtemps par Louis XVI, elle créa 40 prisons dans Paris pour les prisonniers qu’elle ne massacrait pas comme elle le fit de plusieurs milliers de victimes de toutes classes et de plusieurs centaines de prêtres et religieux.

La légende révolutionnaire toujours entretenue par l’idéologie officielle veut que la Révolution ait institué la liberté parce qu’elle s’est faite au nom de la liberté.

Comme si un escroc était un honnête homme du fait qu’il se vante de sa probité au moment même où il vole !

L’écrasement de la Vendée par la terreur jacobine a constitué, comme notre ami Reynald Secher en a apporté les preuves, le premier génocide de l’histoire moderne  selon la définition même du mot créé par le grand magistrat juif polonais Raphaël Lemkin après qu’il eut étudié les exterminations des Arméniens et autres chrétiens par les Jeunes-Turcs.

La Révolution se heurta alors à la résistance de tout un peuple attaché à sa foi, à son Roi et à ses libertés, non seulement dans tout l’ouest de la France avec « vendéens » et « chouans » mais aussi à Lyon et dans bien d’autres provinces.

Par dizaines de milliers de victimes selon toute la gamme des atrocités dont la bête humaine satanisée est capable, la Révolution française a été le modèle des grandes abominations des deux siècles suivants.

Marx et Lénine et leurs émules, mais aussi Hitler, en ont dit leur admiration. Et également, les dirigeants Jeunes-Turcs, d’ailleurs tous francs-maçons.

La résistance et les sacrifices des chouans et de tout un clergé fidèle ne furent pas vains puisque avec Napoléon l’Église put signer un concordat, certes bien insatisfaisant mais redonnant au moins à l’Église  et au peuple la liberté de professer la foi catholique.

La période de la Révolution française fut aussi celle des premiers grands écrivains de la Contre-Révolution dont nous ne pouvons ici qu’évoquer les noms : Rivarol, Bonald et le savoyard Maistre.

Mais le XIXe siècle fut celui de l’éclosion des écoles de la puissante contre-révolution intellectuelle en tous domaines.

En littérature avec Balzac et Sainte-Beuve ; dans les sciences historiques avec Taine, Renan et Fustel de Coulanges ; dans les sciences sociales avec Le Play et dans le combat catholique avec Louis Veuillot.

C’est avec la Troisième République que recommença une deuxième grande période de persécution anti-catholique, non sanglante mais impitoyable, violente et répressive dans la volonté d’un laïcisme fanatique d’arriver un jour à l’anéantissement de toute présence sociale de l’Église.

C’est la République radicale et maçonnique qui va notamment expulser hors de France les principales congrégations religieuses, laïciser l’enseignement et s’emparer des biens ecclésiastiques.

Cela n’empêche pas la vigueur du catholicisme social, souvent politiquement légitimiste dont les élus seront un siècle durant, des années de la Restauration au Front Populaire, à l’origine de presque toutes les lois de justice sociale après la dévastatrice période révolutionnaire.

Souvent en convergence avec ce catholicisme social apparaissent les courants du nationalisme français républicain avec Maurice Barrès, très vite royaliste avec l’émergence de l’Action Française de Charles Maurras, immense penseur et écrivain qui, durant toute sa vie et bien après encore, en sera le phare.

Mais on ne saurait oublier le sublime poète et écrivain Charles Péguy, socialiste sans parti et patriote, converti au Christ et à Notre-Dame sur les routes de son pèlerinage de Chartres et dans la beauté de sa poésie d’exaltation si belle de sainte Jeanne d’Arc ; lui aussi, comme Cochin, tombant en première ligne sur le champ de bataille.

Après la guerre, en 1920, viendra une victoire symbolique de haute portée. Après que les militants de l’Action Française aient, au prix de violentes répressions et peines de prison, souvent manifesté pour que soit proclamée la célébration officielle de la fête de sainte Jeanne d’Arc chaque 8 mai, sur proposition de Maurice Barrès la chambre en vota l’adoption.

Le catholicisme contre-révolutionnaire et le patriotisme demeuraient alors les forces essentielles de résistance à la progression d’une gauche éclatée avec la création du parti communiste, puis réunifiée avec le Front Populaire en 1936.

L’Europe s’acheminait alors vers le pire et votre peuple vers l’immense tragédie de la double invasion nazie et soviétique suivie de la longue nuit du communisme.

Cependant, dans la France vaincue à son tour, occupée, ce n’est pas de la gauche que surgit d’abord la résistance. Cela, c’est un énorme mensonge.

Parmi les Français qui entendaient ne pas accepter l’occupation allemande, il y eut ceux qui pensèrent que c’était en suivant le Maréchal Pétain qu’il fallait résister.

D’autres optèrent pour la voie de la résistance armée clandestine et notamment après l’appel de Londres du général De Gaulle.

La vérité c’est que si le vieux et prestigieux Maréchal était suivi par l’immense majorité des Français patriotes et chrétiens, presque tous les premiers résistants venaient aussi de la droite contre-révolutionnaire tels le colonel Rémy ou le jeune officier de marine Honoré d’Estienne d’Orves, le premier fusillé de notre résistance, et encore nombre de ceux comme Jean-Baptiste Biaggi qui furent jusqu’à leur naissance au ciel les soutiens les plus actifs de Chrétienté-Solidarité.

Je sais combien ces grands chrétiens amis de la Pologne sont heureux aujourd’hui que je sois parmi vous, chers amis polonais.

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