Au quotidien n°308 : la GPA, une action neutre ?

Publié le 10 Déc 2021
Au quotidien n°308 : la GPA

C’est loin d’être le cas comme le montre la recension d’un livre consacré au sujet de la gestation pour autrui, analysé par Aziliz Le Corre dans le Figaro (9 décembre 2021).

Notre fonction est la reproduction (…). Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants. » C’est ainsi que June décrit son rôle de servante écarlate dans le roman éponyme de Margaret Atwood, publié en 1985. Cette fiction met en scène une société où la plupart des femmes sont stériles et seules les servantes peuvent enfanter. Ces dernières, vêtues de rouge, se voient asservies et contraintes de mettre leur corps au service de la société. Les Marchés de la maternité, un ouvrage collectif dirigé par l’anthropologue Martine Segalen et la gynécologue-endocrinologue Nicole Athea, aborde au travers d’une dizaine d’approches différentes la notion de «  gestation pour autrui ». Plusieurs grandes signatures, comme celles de la philosophe Sylviane Agacinski, l’historienne Marie-Jo Bonnet ou encore les médecins Frédérique Kuttenn et Monette Vacquin, y décryptent avec justesse la déshumanisation de ces femmes réduites à leur fonction reproductive, et la responsabilité des promoteurs de cette pratique.

(…)

Pour imposer un nouvel ordre, les partisans de la GPA inventent un nouveau langage. Dans le cadre d’une GPA, l’enfant à naître a plusieurs mères : la mère génétique, celle qui a donné son ovocyte ; la « mère porteuse », celle qui porte l’enfant et en accouche ; et la « mère d’intention », celle qui a commandé l’enfant et à qui il revient. Mère qui devient parfois père dans le cas d’un couple homosexuel. Selon les partisans de cette pratique, « une femme enceinte d’un enfant n’est pas enceinte, puisqu’elle n’est qu’en gestation. Cette femme n’abandonne pas son enfant puisqu’elle l’offre à autrui », décrypte la philosophe Éliette Abécassis dans un chapitre consacré à « la novlangue de la GPA ». La femme qui accouche est dépossédée de son rôle de génitrice (littéralement, celle qui a engendré). Certains juristes essaient même d’éviter l’emploi du terme « mère » pour lui préférer les termes surrogate (« substitut » en anglais), « femme porteuse », «  gestatrice » ou encore « tiers de naissance ».

D’autres vantent encore une GPA dite éthique, en opposition à une « GPA marchande », qui serait moralement acceptable. Dans ce cadre, la femme qui porte l’enfant serait invitée à nouer des relations avec les futurs parents, et peut-être, par la suite, avec l’enfant. En réalité, la quasi-totalité des GPA sont fondées sur un échange financier.

(…)

Ce consentement des mères porteuses n’empêche pas, par ailleurs, les importants changements psychiques et physiologiques chez la femme enceinte. Nausées, vertiges, hypersomnie, douleurs pelviennes… Au fil des mois, le ventre s’arrondit et la femme sent l’enfant bouger en elle. « On impose à ces mères d’être dans le déni des liens qui se nouent avec un enfant dans toute grossesse et qui se créent malgré elles », analyse la gynécologue Nicole Athea. À l’observation accrue de ces grossesses s’ajoute l’emprise des commanditaires, qui doivent être tenus informés de l’évolution de la gestation. Cette surveillance étant essentiellement focalisée sur l’enfant, objet du contrat, la mère se trouve réduite à l’état de « contenant ». « Difficile de ne pas vaciller au plan identitaire dans un tel contexte, de ne pas se considérer comme un “utérus sur pattes” », estime la gynécologue.

Les stimulis sensoriels et l’état émotionnel de la mère ont aussi un impact crucial pour l’enfant à naître, indiquent les scientifiques. Il ressent les caresses de la maman sur son ventre, entend et reconnaît les voix de son entourage. Or, dans le cadre d’une GPA, après sa naissance, le nouveau-né est «arraché à la présence protectrice de la mère porteuse et il est transféré en terrain étranger, le monde de ses “parents d’intention” »». Ces violences, à la fois médicales, juridiques et économiques, ont été constatées et rendues publiques dans un rapport du Comité consultatif national d’éthique mené entre 2013 et 2017.

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