Embryo ethics – Entretien avec Laurent Meeschaert

Publié le 14 Déc 2012
Embryo ethics - Entretien avec Laurent Meeschaert L'Homme Nouveau

Laurent Meeschaert vient de créer www.embryo-ethics.com, un site publiant les conclusions d’une enquête sur les laboratoires pharmaceutiques et cosmétiques. Une mine d’informations pour qui veut savoir lesquels de ces laboratoires versent ou non dans la recherche sur l’embryon.

En quoi consiste le site embryo-ethics.com que vous venez de lancer ?

Embryo-ethics.com est un site d’informations pour les investisseurs. Nombre d’entre eux s’intéressent à l’éthique, pour les questions de gouvernance ou de respect de l’environnement par exemple, mais la bioéthique est souvent la grande oubliée. Ce site propose donc les résultats d’une enquête que j’ai menée auprès des 44 principaux laboratoires pharmaceutiques du monde et cotés sur les marchés financiers pour connaître leurs méthodes de travail et savoir, en particulier, lesquels pratiquent la recherche sur l’embryon. Laquelle, comme chacun sait, implique la destruction de l’embryon. Embryo-ethics.com est donc un outil pour les investisseurs désireux de faire des placements financiers et soucieux de ne pas sacrifier l’exigence du respect de la dignité humaine à celle de la performance.

Quel a été votre parcours professionnel et comment vous a-t-il mené jusqu’à ce projet ?

J’ai été directeur des ressources humaines en entreprise pendant une dizaine d’années avant de monter mon cabinet de coaching, orientation et bilan de compétences il y a huit ans. J’ai vu combien la question du sens est au cœur de l’interrogation des personnes que je rencontre. Et cela ne vaut pas seulement pour le choix de l’orientation scolaire ou professionnelle mais pour tous domaines de la vie, dont celui des investissements financiers. J’en ai fait l’expérience pour moi-même, ayant été amené à investir pour des laboratoires pratiquant la recherche sur l’embryon. Je ne pouvais pas continuer, j’ai donc décidé de mener cette enquête. J’en ai publié les conclusions, assorties des coordonnées de chacun des laboratoires étudiés, des informations sur les techniques alternatives à la recherche sur l’embryon et sur la législation dans le domaine de la bioéthique ainsi que les raisons pour lesquelles je refuse d’investir dans certains laboratoires.

L embryon non brevetable visuel

Et quelles sont ces raisons ?

L’embryon est une personne humaine. La recherche sur les embryons implique leur destruction, c’est-à-dire leur mort. Ce n’est tout simplement pas recevable. D’autant plus que d’autres méthodes de recherche existent et ont fait leurs preuves.

Le site est-il amené à se développer ou en restera-t-il à ce que vous y avez déjà publié ?

Il pourrait évoluer pour ce qui est de l’information sur la législation si celle-ci évolue. Il me manque par ailleurs les réponses de certains laboratoires que je publierai si je les reçois. Enfin, peut-être que certains pourraient décider de changer de stratégie, de cesser les recherches sur l’embryon, auquel cas je mettrai à jour les informations les concernant.  Cela dit, ce site n’est pas le cœur de mon activité, je ne peux pas l’animer tous les jours. Cela pourrait évoluer si quelqu’un s’intéresse au projet et désire y consacrer plus de temps que je ne le peux moi-même.

Les laboratoires que vous avez contactés étaient-ils prévenus des raisons qui vous animaient et du fait que les résultats de votre enquête seraient rendus publics ?

Je leur ai écrit en expliquant que, comme investisseur, je voulais enquêter sur leurs méthodes de recherche, ne sachant pas encore à l’époque que je publierai ces résultats. Aux laboratoires qui m’ont répondu qu’ils pratiquaient la recherche sur l’embryon, j’ai expliqué que je n’investirai désormais plus chez eux tant qu’ils n’évolueraient pas sur ce point, j’ai au contraire encouragé ceux qui m’ont répondu qu’ils n’usaient pas de ces pratiques, leur disant que je me réservais le droit d’investir chez eux.  

Vous faites sur le site le lien entre cet enjeu éthique et la crise financière, pouvez-vous l’expliciter ?

La crise financière ne vient pas seulement d’un problème technique mais plus profondément de la perte de sens dans l’économie. On se pose bien peu la question du pourquoi dans ce domaine. Certains laboratoires, comme d’autres entreprises pour d’autres types de problématiques, ne réfléchissent pas aux implications de leurs méthodes de recherche. Cette accumulation de non-sens est génératrice de crise. Chacun à son niveau doit prendre conscience de cette perte de sens et, comme investisseurs, nous devons en tenir compte dans les choix que nous posons.

Pensez-vous, au stade où nous en sommes, que ces laboratoires puissent se raisonner ?

Ce n’est pas moi, investisseur unique, qui pourrait les faire évoluer.  Mais les choses pourraient changer si nous étions plusieurs et c’est évidemment le but de cette enquête. Les laboratoires justifient leur recherche sur l’embryon humain, d’une part, en laissant entrevoir le fait que ce type de recherche permettra de soigner des maladies aujourd’hui incurables (ce qui est abusif et engendre de faux espoirs chez de nombreux patients); d’autre part, en l’appuyant sur des autorités à géométrie variable : législations nationales, comités d’éthique et/ou accord parental. L’intégrité de l’embryon humain n’est donc plus respectée – ou refusée – du seul fait qu’il existe, qu’il est un être humain mais selon la protection que décide de lui accorder – ou pas – un autre être humain. Sa dignité inviolable d’être humain ne repose plus sur son essence mais sur la volonté fluctuante d’un autre. Le législateur français n’encourage pas les laboratoires à changer de pratique : par son vote d’une proposition de loi autorisant sans restriction la recherche sur les embryons humains, le 4 décembre 2012, le Sénat a décidé que l’embryon humain pouvait être considéré et traité comme n’importe quel objet. Il semble que l’espèce humaine ne puisse bénéficier des mêmes protections que certaines espèces animales… Mais quand bien même devrait-il subsister un doute quant à l’appartenance de l’embryon au genre humain, la moindre des choses serait d’appliquer le principe de précaution, au bénéfice de l’embryon… Ce qui pourrait aider les laboratoires à évoluer dans leur pratique, c’est la prise de conscience des enjeux éthiques par eux-mêmes et par le législateur, l’influence d’investisseurs décidant de n’orienter leurs placements que vers les laboratoires pleinement respectueux de l’intégrité de l’embryon humain et la multiplication des découvertes effectuées grâce aux recherches alternatives éthiques à partir de cellules souches adultes ou de cellules pluripotentes induites (découvertes par le professeur Yamanaka, récemment récompensé par le prix Nobel de Médecine 2012), par exemple.

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